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15-12-2025

18:16

Mali: neuf haut-gradés contestent leur radiation de l'armée devant la Cour suprême

RFI-Afrique -- Au Mali, neuf des onze hauts-gradés de l'armée radiés le 8 octobre 2025 saisissent la justice. Arrêtés en août, ces militaires sont accusés de « conspiration » par les autorités de transition, qui avaient exhibé leurs visages sur la télévision d'État. Les neuf plaignants se disent pour leur part victimes de « détournement de pouvoir », d'« excès de pouvoir », et demandent leur réintégration. Une requête a été déposée le 12 décembre devant la justice malienne.

Le lieutenant-colonel Amadou Keita du génie militaire, le lieutenant-colonel Saybou Keita de l’armée de l’air, le lieutenant-colonel Moro Sidibé de la garde nationale... Au total, ils sont neuf officiers et sous-officiers à solliciter la Cour suprême pour qu'elle annule, purement et simplement, les décrets et arrêtés qui les ont radiés de l'armée malienne, et qui avaient été signés par le président de transition, le général Assimi Goïta lui-même.

Cette radiation est strictement administrative, interne à l'institution militaire. Dans le même temps, une procédure judiciaire est en cours : tous les militaires radiés sont inculpés depuis la mi-novembre pour « tentative de déstabilisation » et « atteinte à la sûreté de l'État ».

Pour ce qui concerne la radiation, l'un des avocats des neuf militaires ayant saisi la Cour suprême, Maître Mountaga Tall, dénonce dans un communiqué publié vendredi soir sur les réseaux sociaux « la violation des droits de la défense », « le non-respect des règles et procédures de convocation », « l’absence de matérialité de faute disciplinaire », ou encore « un détournement » et un « excès de pouvoir ».

Selon les précisions obtenues par RFI de source judiciaire, les militaires radiés n'ont en effet reçu aucune convocation écrite ni aucun énoncé des faits leur étant reprochés. La décision prise par le conseil d'enquête, indiquant les sanctions proposées et les voies de recours possibles, ne leur a pas davantage été notifiée par écrit.

« Motifs étrangers à la discipline militaire »

Sur le fond surtout, ces neuf hauts-gradés affirment dans leur saisine qu'« aucun fait constitutif de la moindre faute n'a été prouvé » à leur encontre, ni sur le plan professionnel, ni sur le plan disciplinaire. « La sanction semble avoir été prononcée pour des motifs étrangers à la discipline militaire », pointent encore les neuf militaires radiés, qui dénoncent un « usage abusif du pouvoir disciplinaire ».

Dans son communiqué, Maître Mountaga Tall demande également d'avoir un « libre accès aux personnes en détention».

Les deux plus haut-gradés radiés, pas impliqués dans cette procédure

Les généraux Abbas Dembélé et Nema Sagara, les deux plus haut-gradés des militaires radiés il y a deux mois, ne sont pas impliqués dans cette procédure de contestation de radiation. Connus et populaires au Mali, ces deux figures de la reconquête du nord du Mali en 2013 – les régions du nord étaient alors occupées par des groupes jihadistes – auraient entamé leurs propres démarches, de leur côté, ce que RFI n'a pas été en mesure de confirmer auprès de leurs avocats, à ce stade.

Après leur arrestation en août dernier, les visages de ces onze militaires avaient été exhibés à la télévision d'État. Les autorités de transition assuraient alors avoir déjoué une tentative de coup d'État. En poste à l'ambassade de France, un agent français de la DGSE, accrédité comme tel auprès des autorités maliennes, avait été arrêté en même temps que les soldats maliens et également désigné à la vindicte populaire. Il est lui aussi toujours détenu depuis.

Enfin – et c'est un hasard du calendrier – le jour même où les neuf militaires sollicitaient officiellement la Cour suprême, vendredi dernier, un nouveau décret de radiation était publié au Journal officiel : celui du colonel Yaya Alpha Sangaré.

Détenu depuis mars 2024, épisodiquement transféré dans des geôles secrètes de la sécurité d'État, le colonel Sangaré avait publié un livre dans lequel il citait les accusations d'exactions portées contre l'armée par l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch.

Par : David Baché



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