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21-04-2013

05:54

La guerre du Mali ou le casse-tête mauritanien

Le ministre français des affaires étrangères Roland Fabius vient de déclarer que dans le cadre du contingent des Nations Unies pour le maintien de la paix au Mali, la Mauritanie participera à hauteur de 1800 soldats. Les autorités mauritaniennes n’ont pas réagi par rapport aux propos de Fabius. Et comme le dit le proverbe local « le silence équivaut à une acceptation ».

L’absence de réaction mauritanienne, peut aussi s’expliquer par le fait que l’annonce du ministre français est parfaitement conforme aux déclarations maintes fois répétées du président Ould Abdel Aziz exprimant sa volonté de participer à des forces des Nations Unies au Mali, considérant que la Mauritanie appartient à l’ONU et non pas à la CEDEAO.

Ould Abdel Aziz a déclaré aussi à plusieurs reprises que la Mauritanie soutiendrait la coalition anti-AQMI si les autorités maliennes le demandaient.

De nombreux observateurs se demandent pourquoi le président Ould Abdel Aziz, lui qui a mené, non sans quelques succès, une guerre unilatérale contre les groupes jihadistes sur le territoire malien, hésite aujourd’hui à rallier une large coalition ayant les mêmes objectifs et opérant sur le même terrain, et on peut ajouter coalition dirigée par la même puissance, allié d’hier et d’aujourd’hui, la France. Les incursions meurtrières des éléments d’Alqaida en Mauritanie durant toute une décennie a servi de catalyseur et de motivation pour les soldats mauritaniens.

Le problème malien constitue un véritable dilemme, pas seulement pour le président Ould Abdel Aziz, mais en réalité pour tous les Mauritaniens. Ce n’est pas par hasard que l’opposition mauritanienne, la COD notamment, parvient à unir ses positions sur toutes les questions d’actualité à l’exception de la question malienne, question qui divise même les partis de la majorité.

La Mauritanie, contrairement à ce que pense beaucoup de gens extérieurs à la zone, parmi les pays limitrophes du Mali, ne compte pas de populations Touareg malgré plus de 2000 km de frontières avec le Mali. Elle possède par contre, en dehors de solides rapports culturels, religieux et d’entre aide entre les peuples des deux pays, de nombreux liens tribaux avec les maures du nord Mali, qui constituent souvent le prolongement communautaire de plusieurs tribus mauritaniennes.

Le Sahara Occidental, l’Azawad et une bonne partie de l’espace mauritanien portaient dans le temps le nom de Trab El Bidhane ou terre des maures Le mode de vie et la tradition culturelle sont largement partagés entre les communautés maures et toureg. L’exode massif de réfugiés maliens en Mauritanie est favorisé par ses liens multiformes. C’est probablement ce qui explique l'ambiguïté constatée de la problématique malienne dans l’esprit de pas mal de mauritaniens.

Une intervention au Mali, du coté de la coalition menée par les français et appuyant le gouvernement légal malien pourrait être assimilé, par de nombreux mauritaniens à une guerre contre « les cousins » du nord Mali. L’intervention unilatérale d’ Ould Abdel Aziz au nord Mali a été jugée par certains, comme à l’époque, les partis de la COD, comme une guerre par procuration» au service des français.

La France de Hollande, comme hier celle de Sarkozy, ne cesse de presser le gouvernement mauritanien pour jouer un rôle plus actif au Mali. On se rappelle qu’Ould Abdel Aziz est le premier président africain contacté par téléphone par le président Hollande avant même la passation de services entre lui et Sarkozy. Le poids de la complexité du problème malien a tellement pesé sur Ould Abdel Aziz au degré de ne pas pouvoir trancher et de se cantonner à une position de neutralité peu confortable.

Tout indique que les français voulaient faire jouer à l’armée mauritanienne le rôle d’avant-garde que joue aujourd’hui l’armée du Niger au Mali. La précipitation des événements a décidé autrement. Le silence de la Mauritanie sur les propos de Fabius indique que l’intervention de la Mauritanie dans la deuxième guerre du Sahara n’est pas encore totalement tranchée. L’indécision de la Mauritanie ne pourra pas durer indéfiniment et elle risquerait de compromettre les rapports privilégiés avec la France. !

Par Jibril


 


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