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31-05-2021

14:33

Mini-remaniement, les méfaits de l’instabilité gouvernementale

L'Authentique - Entre son élection à la présidence de la République en juin 2019 et le 26 mai 2021, le président Ghazouani a déjà opéré trois changements de gouvernement. Ce qui dénote d’une instabilité gouvernementale qui laisse peu de place aux résultats escomptés dans l’amélioration des indicateurs nationaux et le développement économique et social souhaité par les populations.

Le changement de gouvernement, beaucoup d’observateurs le pressentaient déjà. La colère retenue du Président Mohamed Cheikh Ghazouani lors de l’avant-dernier conseil des ministres précédant le mini-tsunami du mercredi 26 mai 2021 en annonçaient les prémisses.

Dans les réseaux sociaux et les salons, il n’était en effet question que de l’insatisfaction du Chef de l’Etat par rapport à la performance -ou plutôt la contreperformance- de beaucoup de ses ministres sur lesquels, une partie de son programme politique repose.

Seulement, la logique des dernières nominations qui a vu le départ de quelques poids lourds, tel que le Ministre de la Santé, Mohamed Nedhirou Hamed, et le maintien de la quasi-totalité des anciens détenteurs de portefeuilles, est allée bien en-deçà de beaucoup d’attentes.

D’aucuns n’ont pas caché leur insatisfaction à l’issue de ce mini-remaniement, face à certains nouveaux entrants, mais surtout, face au déplacement de précieux pions qui avaient commencé à produire d’excellents résultats dans leur département.

Des droits de l’Homme à l’Assainissement

C’est surtout le cas de Mohamed El Hassen Boukhreïss, crédité d’un bilan élogieux à la tête du Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile, où il avait commencé à embellir le blason de la Mauritanie, terni par des décennies de violations des droits de l’homme. Nommé à la tête du Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, il laisse un travail presqu’inachevé dans un des départements les plus sensibles de la République.

Son remplaçant, Cheikh Ahmed Ould Ahmed Salem Ould Sidi, pourrait prendre du temps dans ce département avant de retrouver ses marques. Un temps de latence qui devra retarder l’avancée de plusieurs dossiers sur lesquels son prédécesseur avait déjà entamé des démarches prometteuses.

Le mécano du gouvernement

C’est le cas aussi de l’ancien ministre de l’Hydraulique, Sid’Ahmed Mohamed, condamné à l’errance, chaque fois qu’il entreprend des réformes drastiques dans les départements qui lui sont confiés.

C’est le mécano de l’équipe gouvernementale. Après avoir mené un travail remarquable au Ministère du Commerce où il avait fini par mettre au pas les puissants lobbies du commerce, il est affecté à l’Hydraulique où en peu de temps, il avait commencé à résoudre les problèmes de soif qui se posent dans tous les coins de la République.

Véritable homme de terrain, il a passé son temps durant les jours, les semaines et les mois précédant sa nouvelle nomination, à inaugurer des points d’eau dans les quatre coins de la République et à ouvrir des barrages. Mais le devoir semble l’avoir appelé ailleurs, au département de l’Habitat où les problèmes domaniaux avaient fini par submerger son prédécesseur, Mme Bouka.

L’éternelle indécision entre Elevage et Agriculture ou Développement Rural Le départ de Dy Ould Zeine du Ministère du Développement Rural vers celui de la Pêche et de l’Economie Maritime entre dans ce même gâchis dans lequel seront plongés ses deux remplaçants, car son département est revenu à un énième remodelage, avec la séparation entre l’Agriculture et l’Elevage.

Le département chargé du milieu rural est dans ce cadre celui qui a le plus souffert du manque de vision. En effet, il est lamentable de valser chaque fois d’un département éclaté entre l’Elevage et l’Agriculture, vers un département unifié chargé du développement rural. A compter combien de fois ce département a été morcelé puis réunifié, donne tout simplement le tournis.

Au passage, c’est cet important levier de l’économie nationale, qui emploie plus de 60% de la population, qui souffre de l’inconsistance des décideurs. Du coup, nous assistons, d’année en année, au recul des besoins de développement et à l’éloignement des frontières de l’autosuffisance alimentaire.

Les deux bêtes noires de l’éducation

Deux bêtes noires du milieu de l’éducation ont toujours été dans le collimateur des « faiseurs » de ministre. Sidi Ould Salem, ancien ministre de l’Enseignement Supérieur qui vient de quitter l’attelage gouvernemental, pour dit-on, un poste à l’Union Africaine et Mélaïnine Ould Eyih, maintenu à l’Education Nationale, faisaient grincer ainsi bien des dents.

En effet, la réforme de l’enseignement qui est confiée par le président Mohamed Cheikh Ghazouani à Ould Eyih, et qu’il mène tambour battant, ne semble pas satisfaire les lobbies du secteur. Il conserve quand même la confiance de son employeur, nullement influencé par les grèves répétées des enseignants.

Ces derniers, rebutés par ses démarches d’évaluation et la réforme qu’il est en train d’impulser au sein d’un des secteurs clés de Ghazouani, ne sont pas ainsi venus à bout de ce haut fonctionnaire qui a déjà abattu un travail hautement apprécié à la tête du Projet SWEDD.

Devoir de mémoire ou recherche du genre

L’arrivée d’autres nouveaux membres du gouvernement reste différemment appréciée. Ainsi, la nomination de Amal, fille de l’ancien Chef de l’Etat, le défunt Sidi Mohamed Cheikh Abdallahi, semble répondre pour plusieurs observateurs à un devoir de mémoire, plus qu’à tout autre considération politique.

L’arrivée de la fille de l’ancien président renversé par l’ancien président Aziz constitue un geste fort, on pourrait même considérer cela comme une espèce de réhabilitation de SIDIOCA que son tombeur avait humilié, non seulement en le renversant quelques mois après son élection, mais surtout en l’emprisonnant.

Sur ce point, Ghazwani se démarque totalement de l’ancien président. Une femme à la tête de l’Enseignement Supérieur en Mauritanie, si cela peut renforcer l’aspect genre et promotion des femmes à des postes de décision, est considérée comme un suicide pour une jeune fille qui vient de faire son entrée dans le club des décideurs.

Cela compense quelque part la sortie d’une autre dame, Mint Bouka, éjectée du Commissariat à la Sécurité Alimentaire. Avec un monde universitaire connu pour ses nombreux nids de poule et ses terrains minés, la fille de l’ancien président aura du pain sur la planche.

Ainsi, en définitive, le président Ghazwani reste dans la continuité. Les membres du gouvernement sont cooptés, comme toujours, selon les dosages établis depuis l’indépendance du pays. L’autre arrivée, c’est celui du nouveau ministre de l’Agriculture, Sidina Ould Sidi Mohamed Ould Ahmed Ely, une deuxième nomination pour le Brakna, après Amal Cheikh Abdallahi.

Cet agronome est du sérail. Sa connaissance du Ministère du Développement Rural dont il est cadre lui permettra certainement d’avoir une vision plus prospective pour un secteur qui a du mal à atteindre l’efficacité et l’efficience attendue. Il partage les morceaux de l’ancien département du Rural avec Lemrabott Bennahi, ministre de l’Elevage, ancien député et économiste du développement.

L’innovation

Les innovations à retenir de ce mini-remaniement, c’est le nouvel organigramme, avec des rafistolages et des amputations-replâtrages qui en disent long sur les recherches que le Président Ghazouani et son Premier Ministre Ould Bilal, ont dû faire pour trouver les bonnes formules.

Enfin, Taleb a les mains plus libres et surcharge le nouveau porte-parole

Ainsi, le Ministère de l’Emploi, hérite de la Formation Professionnelle, débarrassant ainsi Taleb Sid’Ahmed du lourd fardeau de la Jeunesse et des Sports qui lui avait valu un bras-de-fer qu’il a finalement remporté face aux lobbies de la fédération mauritanienne de football. Ces derniers avaient en effet, selon plusieurs sources, juré de le mettre dans la rue.

Ce fardeau de la Jeunesse et des Sports, combiné aux Relations avec la société civile, a été confié au nouveau entrant Moctar Ould Dahi, qui devient par la même occasion porte-parole du Gouvernement. Une sempiternelle façon de montrer que le Sport, n’est pas réellement dans les priorités.

La Modernisation de l’Administration quitte le Travail

Le Département de la Fonction Publique et du Travail revient à son ancienne dénomination et se débarrasse de la Modernisation de l’Administration. Mohamed Salimou aura ainsi un poids de moins à gérer. Ce morceau a été racolé à un nouveau département créé chargé de la transformation numérique et de l’innovation, le tout confié à l’ancien Gouverneur de la Banque Centrale, ancien ministre des Finances, Abdel Aziz Dahi. Pour ceux qui sont attachés au dosage tribal, c’est le cousin du porte-parole du gouvernement.

Une promotion fulgurante

Bien entendu, la grande surprise de ce mini séisme gouvernemental, c’est la montée en flèche de l’ancien Directeur de la Santé Publique, Sidi Zahaf, propulsé à la tête du Ministère de la Santé.

Cet ancien cadre de l’UNICEF qui a gagné la confiance de Ghazouani a connu une promotion exceptionnelle. Il devra prendre le lourd héritage de son ancien patron, Mohamed Nedhirou, qui avait entamé un assainissement de l’écurie d’Augias qu’est le département de la Santé et ses puissants lobbies.

C.A



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