Cridem

Lancer l'impression
23-05-2025

10:33

“Marges de vérité”: Retour de manivelle “diplomatique”

La Dépêche -- Y a des fois où même le sushi le plus frais sent le roussi. À Tokyo, là où le calme est une religion et la maîtrise de soi une vertu cardinale, deux de nos diplomates ont réussi l’exploit d’exporter un match de boxe mauritanien en pleine chancellerie, sans arbitre ni huis clos. Résultat : un nez éclaté, un poste fantôme, et une République qui saigne — symboliquement, s’entend.

Le Conseil des ministres, dans sa grande sagesse, a donc “relevé” les deux gladiateurs de leurs nouveaux postes — que, cocasse ironie, ils n’avaient même pas encore rejoints. Le premier, toujours planqué à Tokyo, devait rallier Nouakchott comme conseiller économique et commercial.

Le second, qui a transformé son collègue en punching-ball, devait poser ses valises à Bamako comme conseiller à l’ambassade. Sauf qu’entre-temps, l’un a vu rouge, l’autre a vu flou, et tout le monde a vu la photo pleine de sang sur les réseaux.

Mais attention, faut pas se louper sur l’analyse : ce n’est pas une embrouille de bureau, ce n’est pas juste deux gars qui s’aiment pas. C’est une faille systémique qui explose à la figure du ministère : celle d’une diplomatie qui confond affectation avec protection, et poste diplomatique avec plan de carrière privé.

Car si on gratte un peu le vernis, on voit bien que l’agression n’est pas un acte isolé. Avant Tokyo, il y avait eu Washington, Las Palmas… Un feuilleton sans fin où les conflits interpersonnels sont gérés au pif, au coup de fil, ou au gré des rapports de force du moment. Sanctions asymétriques, promotions, transferts pour étouffer plutôt que régler. À force de faire du “cas par cas”, on perd la cohérence institutionnelle.

Et que dire de cette logique étrange où la victime est parfois punie pour avoir trop fait de bruit ? Celui qui a pris les coups n’est pas coupable d’avoir eu un nez, mais d’avoir eu le malheur que sa photo fuite sur WhatsApp. En République de l’image, le scandale public devient plus grave que la faute elle-même.

Alors oui, le Conseil a tranché — mais sur la forme. Sur le fond, le vrai problème reste entier : quelles sont les règles du jeu dans le corps diplomatique ? Qui surveille les ambassades ? Où sont les cellules de médiation ? Qui évalue l’aptitude comportementale d’un agent avant de l’envoyer représenter un pays ?

Car un diplomate, ce n’est pas qu’un titre. C’est un rôle. Un miroir. Et ce miroir aujourd’hui est fêlé.

Il est temps de nettoyer la vitrine. Non pas par vengeance, mais par exigence. Il faut un audit sérieux, une commission indépendante, et surtout une réforme du recrutement et du suivi comportemental des diplomates.

Sinon, on continuera d’avoir des crises, des gifles, et des communiqués creux — là où on attend des idées, des ententes, et des postures d’État. En attendant, Tokyo aura été une scène de trop. Et le monde entier, sans doute, a vu ce que la République, elle, refuse encore de regarder en face.

Chronique de Mohamed Ould Echriv Echriv



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org