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Mauritanie : stimuler une croissance durable par l’attractivité territoriale et la promotion de l’entrepreuneriat
FINANCIAL AFRIK -- Le développement durable de la Mauritanie ne peut pas ne pas se faire par une approche stratégique intégrée où le marketing territorial, la promotion de l’investissement privé et l’accompagnement structuré des PME sont les moteurs d’une triptique catalytique d’une croissance développante, durable et inclusive.
Aujourd’hui, la Mauritanie est à un tournant. Avec une croissance du PIB estimée à 5,1 % en 2024, tirée par les secteurs de l’énergie, des mines et de l’industrie, le pays doit enclencher le passage à l’échelle. Dans ce contexte, la promotion d’une image territoriale cohérente et différenciante s’avère nécessaire.
Cela passe par un positionnement résolument orienté vers la transition énergétique, la valorisation des ressources naturelles et la construction d’une « plateforme bleue saharienne », soutenue par une identité visuelle et narrative forte.
La mobilisation de relais nationaux, de la diaspora et de son esprit d’entreprise, la lisibilité des réformes, permettraient d’attirer les capitaux et les talents ; le marketing territorial n’est donc pas un simple outil de communication, mais un levier de transformation systémique.
Le cadre réglementaire a évolué avec le Code des investissements (Loi 2025-06) qui propose trois régimes adaptés aux projets : le Régime de Base pour les PME et projets intermédiaires, le Régime Pôles de Développement pour les zones à potentiel, et le Régime Investissements Structurants pour les infrastructures, l’agro-industrie et le numérique.
Par des mesures d’incitations fiscales et financières, ce code avait pour objectif de faciliter l’accès à l’investissement tout en assurant des mécanismes de suivi et de gouvernance renforcée. Le Budget Consolidé d’Investissement 2025, d’un montant de 56,2 milliards MRU et financé à 70,64 % sur ressources propres, témoigne de l’engagement de l’État à accompagner l’effort productif et à moderniser l’appareil public.
Le rôle des PME se confirme dans cette dynamique : elles constituent 80 % du tissu économique, produisent près de 30 % du PIB national et garantissent 45,8 % des emplois directs. Malgré cette dominance, l’accès au financement reste un défi majeur, avec seulement 12 % des prêts bancaires qui leur sont alloués, contre 88 % pour les grandes entreprises. Ce manque est accentué par des contraintes de formation, de formalisation et d’inclusion des femmes et des jeunes dans les chaînes de valeur.
Les politiques d’accompagnement, portées par l’État et des bailleurs tels que la Banque Africaine de Développement, s’articulent autour de l’accès à la formation, de la simplification des procédures administratives et du renforcement des capacités, mais ce potentiel demeure sous-exploité pour initier une transformation structurelle et inclusive du modèle économique mauritanien.
De plus, l’agenda numérique national (2022-2025) ambitionne de créer 15 000 emplois dans l’économie numérique (4 à 5 % du PIB) et d’améliorer l’inclusion financière (seulement 20 % de la population adulte a un compte bancaire, avec un écart important pour les femmes, limitant leur capacité à investir et à innover). Cette transformation numérique devient un enjeu majeur pour la mise en place de nouveaux écosystèmes, soutenus par des incubateurs et des dispositifs d’accompagnement de la jeunesse et du secteur privé naissant.
L’APIM a réussi là où beaucoup ont failli
Il convient de souligner le rôle stratégique et les actions déterminantes de l’Agence de Promotion des Investissements en Mauritanie (APIM), qui s’est érigée en bras opérationnel de la politique nationale d’attraction et de facilitation des investissements. Ces dernières années, l’APIM a mis en place des mécanismes novateurs pour améliorer le climat des affaires, renforcer les capacités productives du pays et favoriser la création d’emplois.
Son approche basée sur l’accompagnement sur mesure des investisseurs nationaux et étrangers, la simplification des démarches administratives grâce à un guichet unique et la mise en place d’outils digitaux modernisés, a permis d’accélérer la concrétisation de projets structurants et de consolider la confiance entre acteurs publics et privés.
L’APIM porte aussi des programmes ambitieux comme la création d’une banque de projets et l’animation d’un observatoire sectoriel, qui favorisent la promotion des opportunités et la structuration de PPP. Par son dynamisme, sa diplomatie économique offensive et son suivi opérationnel, l’agence a su placer la Mauritanie dans le concert africain comme une destination émergente et compétitive pour l’investissement et a participé à la transformation concrète des grands axes du développement national.
En termes de réalisations, l’APIM a facilité l’implantation et la réussite des investisseurs nationaux et étrangers grâce à un accompagnement sur mesure à toutes les étapes de montage de projets. Conformément à son plan stratégique 2022-2026, l’agence a contribué à l’augmentation du flux d’IDE de 15 % par an et à la création de plus de 5 000 emplois directs à travers les entreprises agréées.
Sa banque de projets compte aujourd’hui 125 projets structurants dans des secteurs clés tels que l’énergie, l’industrie et les infrastructures. L’APIM regroupe les démarches d’accès aux régimes préférentiels, le suivi et la réalisation des engagements des projets agréés, la mise en relation avec le secteur privé local et les administrations concernées.
Par cette action combinée, l’APIM accompagne la montée en gamme du climat des affaires mauritanien, favorise le réinvestissement et offre des plateformes techniques qui consolident la structuration, la rentabilité et la pérennité des investissements et soutiennent l’émergence de nouvelles filières productives sur l’ensemble du territoire.
Ce succès tient en grande partie de son leadership, mais aussi par la volonté du gouvernement à traduire ses intentions en actions; en dotant l’agence de moyens d’action, et surtout en plaçant la promotion des investissements au cœur de la reflexion stratétique globale.
Pour accélérer cette transformation, il faut non seulement changer d’échelle dans l’appui à la formalisation et à la certification des PME, mais surtout faciliter leur insertion dans les chaînes de valeur régionales et internationales, et soutenir l’accès équitable au financement – notamment pour les femmes et les jeunes entrepreneurs – grâce à des programmes innovants. Enfin, l’articulation territoriale doit reposer sur la transition énergétique, le numérique et l’agro-industrie, en renforçant les mécanismes de résilience au changement climatique.
Les acquis sont les progrès réglementaires, l’entrepreneuriat et la transformation numérique. Mais le pouvoir catalytique de la croissance développante et durable dépend d’une coordination stratégique plus active, d’une gestion partagée des ressources et d’une vision commune entre tous les acteurs du territoire. La Mauritanie doit désormais renforcer la synergie entre son marketing territorial, son capital humain et la structuration de ses PME pour bâtir un modèle économique inclusif, résilient et d’avenir.
Alpha Seydi Ba,
Expert Senior en Communication Stratégique et Relations Publiques.