10-09-2007 08:21 - Ibrahima Moctar Sarr : «Personne ne peut imposer à lui seul ses idées dans ce pays»
Ibrahima Moctar Sarr : «Personne ne peut imposer à lui seul ses idées dans ce pays»
Pour aboutir à un consensus national, il faut qu’il y ait dialogue. C’est la conviction de Ibrahima Moctar Sarr, leader de la formation politique Alliance pour la Justice et la Démocratie/ Mouvement pour la Rénovation (AJD/MR) qui a tenu sa première conférence de presse trois semaines après son congrès extraordinaire des 18 et 19 août dernier.
A part quelques anecdotes racontées avec beaucoup d’humour et des propos moralisateurs tenus à l’endroit des journalistes rien de nouveau sous le soleil. Même discours et même tempérament sur les questions nationales. Que d’opinions déjà entendues !
Au cours de toute la conférence de presse qui a duré presque un quart d’heure, Ibrahima Moctar Sarr s’est appesanti essentiellement sur la nécessité de régler le problème de la cohabitation entre les différentes composantes nationales, de faire le point sur ce qui s’est passé, de panser cette plaie béante ouverte par le régime du Président Ould Taya, de mener une véritable investigation pour situer les responsabilités. «Il y a des crimes qui ont été commis dans ce pays, dit-il.
Et selon Ibrahima Moctar Sarr, il ne peut y avoir de cohabitation harmonieuse sans que les questions essentielles -problème de l’esclavage et celui du passif humanitaire entre autres- ne soient résolues et sans que l’Etat ne prenne pas les dispositions pour réparer les torts. «On ne peut pas parler à quelqu’un qui a des blessures ouvertes qui ne sont pas encore fermées, à quelqu’un qui a été déporté hors de chez lui, à quelqu’un qui ne sait pas comment ses proches ont été tués, à quelqu’un qui a les chaînes aux pieds en tant qu’esclave » affirme-t-il sur un ton visiblement ferme et pantelant.
«Si la justice nationale ne fait pas son travail, la justice internationale le fera » avertit-il. «Chaque problème doit être réglé correctement. Mais les problèmes doivent être pris en compte par l’Etat avec la solidarité nationale » a-t-il préconisé.
Sur toutes les questions essentielles qui concernent le pays, l’AJD/MR, en corrélation avec tous les autres partis politiques qui partagent ses points de vue, est prêt à aider le gouvernement dans ce qu’il y a d’essentiel et d’important à réaliser dans la mesure où le gouvernement veut aller de l’avant. «Mais, a-t-il précisé, nous ne manquerons pas de mettre l’accent sur les insuffisances, de nous opposer à toute action qui va dans le sens contraire des intérêts de la Mauritanie ».
En outre, l’AJD/MR a estimé d’abord, pour qu’il y ait consensus national ou discussion consensuelle, il faudrait qu’on règle certains préalables à savoir : définir l’identité de la Mauritanie, déterminer comment on doit faire le partage du pouvoir politique entre les différentes composantes nationales, définir comment on peut redistribuer les richesses nationales du pays. Et pour Ibrahima Moctar Sarr, les réparations doivent d’abord être prioritaires car elles conditionnent tout le reste du processus de réconciliation nationale.
«Une fois qu’elles sont faites, nous pouvons maintenant engager un débat autour des éléments consensuels qui peuvent permettre une meilleure cohabitation » a-t-il laissé entendre. Reste à savoir comment ces «chantiers» seront accueillis par le gouvernement. «Ce qui fait notre problème, confie-t-il, c’est que nous avons toujours cherché nos différences. Nous avons toujours mis l’accent sur ce qui nous différencie. Nous n’avons jamais cherché à savoir ce qui nous unit. »
Et pour montrer qu’on peut aboutir à un consensus national, l’AJD d’alors avait mis en chantier à la veille de l’élection présidentielle de février 2007 le Mouvement National pour la Réconciliation qui avait comme leitmotiv de créer une osmose au sein de la société mauritanienne et de permettre surtout aux mauritaniens de se réconcilier entre eux-mêmes.
Cette première rencontre qualifiée d’historique par un Ibrahima Moctar Sarr décontracté n’était pas fortuite peut-on dire sans se gourer. C’était pour dans un premier temps s’adapter «au changement de contexte» politique qui se singularise maintenant par «une évolution notable dans le pays». C’était aussi l’opportunité pour l’AJD/MR de marquer la «rupture avec une orientation politique et une façon de faire la politique ». Car, «nous venons d’un régime d’exception, a-t-il rappelé, un régime qui avait pratiquement monopolisé tous les pouvoirs, un régime qui avait dénié au peuple mauritanien le droit de s’exprimer».
C’était aussi l’occasion pour lui d’encourager la presse dans l’assainissement des mÅ“urs politiques et le respect des droits de l’homme. «Je lui suggère encore d’assainir la profession pour que le journaliste comprenne qu’il ne lui ait pas donné d’écrire ce qu’il veut. Il y a une manière de faire du journalisme. On peut faire le journalisme sans passion. On peut faire aussi un journalisme engagé dans le sens des intérêts de la Mauritanie ».
Et aux journalistes qui font du panégyrique, du bidonnage ou autres choses, il sermonne. «Il est permis de donner son point de vue mais il faut toujours éviter que ce point de vue aille dans le sens contraire des intérêts de la Mauritanie».
Diantre ! Quand est-ce que nos hommes politiques arrêteront-ils de nous sermonner ?
Babacar Baye Ndiaye
ducdejoal@yahoo.fr