08-10-2007 17:40 - L’histoire culturelle du fuuta tooro

: Voyage à travers la littérature des Haal Pulaaren
Important : Cet article publié en première édition par Sud Mauritanie, a été repris ici avec l’autorisation express de son auteur M. Ibrahima Moctar Sarr.
Ne dit-on pas que le vrai haal-pulaar n’émigre jamais définitivement tant qu’il peut, de temps à autre, fredonner un air de léelé le soir, lorsque la pleine lune aux prises avec les nuages taquins, aarose de sa belle clarté la nature. C’est que, comme l’a écrit le poète-historien-chroniqueur, feu Youssouf Guèye :
« Le chant (chœur ou solo) qui s’élève avec les coups de pilon dans la profonde solitude des hameaux de campagne, la note sanglotée d’un «naanooru » dans le calme des pâturages, un couplet qui fuse avec le chant des oiseaux, des débarcadères ensoleillés, c’est toujours (pour le foutankais) une sorte de mystérieuse vague d’émotion, faite d’obscures nostalgies et d’indéginissables souvenirs qui monte des tréfonds de l’être ».
L’histoire mouvementée de cette région déchirée par guerres incessantes, le Tekrour sera annexé par l’empire Soninké du Ghana au XIIème siècle et par celui du Mali (Mandingue) au XVème siècle avant l’empire de Gao. Koli Tenngela réalisera définitivement son unité en 1512 et le pays s’appelera désormais Fuuta-Tooro. Il avait déjà réalisé la symbiose des cultures de toutes ces influences avant d’en réexporter le produit à travers toute l’Afrique de l’Ouest, du Mali au cameroun et au Nigeria notamment grâce aux expéditions de Ousmane Dem Foodeejo (Ousman Dan Fodio) et Oumarul Fuutiiya (El hadj Oumar).
Affectation littéraire des castes
Les rimbe (nobles) qui comprend les Peuls, les Torobbe, les Sebbe, les Subalbe, les Jaawambe.
On ne naissait ni Ceddo, ni peul-berger, ni cubbalo, on le devenait tout simplement selon son tempérament, ses aptitudes et les circonstances – la condition d’esclaves, elle, ne procède d’aucune essence. On devenait esclave à la suite des captivités de guerre. Mais le fait est bien là , les esclaves constituent aujourd’hui une caste au même titre que les autres, importante numériquement bien sûr, dont la descendance continue de porter la condition infériorisée comme une tare génétique.
En vérité, toutes ces castes se rattachent, à l’origine, à l’ancêtre commun peulh, lequel, devient bûcheron par-ci, cuballo (pêcheur) par-là , griot-bambaado par ailleurs, etc. De là s’est codifié tout un mode d’expression littéraire casté sans être exclusif ni hermétique. Chaque groupe prend une fonction dans la gestion du patrimoine culturel commun, étant entendu que cette culture a un rôle, avant tout, fonctionnel, focalisé participant effectivement dans l’organisation de la vie quotidienne des populations. La notion de l’Art pour l’Art » n’existait pas en effet dans ces sociétés.
Bayal Samba Teen a incarné, vers les années 30, ce genre. Une génération plus récente s’est imposée : il s’agit des Samba Di’iye Sal, Sidi Baylel Caam, Birome Njaay, Aali Hammadi Aali, etc. de nos jours, se sont les musiciens modernes dirigés par le leader Baaba Maal qui perpétuent le genre en le modernisant, tout en intérgrant les autres formes littéraires du Fuuta et d’ailleurs. Citons, entre autres : Ousman Hammadi Joop, Ngaari Law (qui se veut l’héritier de Bayal Sammba Teen), Demba Jah, Accaa Wele, Abuu Jubaa Deh, etc.
A signaler également que les Sebbe eux-mêmes ont des laudateurs issus de la caste des lawbé (bûcherons) qui sont les lawbé gummbalaa (bûcherons chanteurs de gummbalaa). Le rayonnement culturel de l’empire du Mali s’étend sur toute la Sénégambie, la Guinée et même la Mauritanie du Nord-Est. Les influences musicales (instruments et airs musicaux) du Mali sur les tribus Oulad Mbareck ont donné la forme définitive du Howl maure. Les mêmes airs de guitare se jouent partout de la même façon à Néma, Bamako, Dakar et Conakry.
Les poèmes de Thierno Abdourahmane de Banadji dit « Thierno Boy » sont très célèbres. Niokkane Djiby Selli est aujourd’hui un de ses élèves les plus en vue. Mohamadou Ali Caan est un écrivain prolixe. Sa Gacida sur El Haj Oumar comporte plus de neuf mille vers ! Cette littérature religieuse orale ou écrite était le fait de certains éléments fortement islamisés et pour l’essentiel appartenant à la caste Torodo, même si elle est de fait un patrimoine commun à toutes les castes.
Bibliographie
- Youssouf Guèye : Aspects de la littérature Pulaar en Afrique Occidentale. Essais.
- Sakho Mamadou Dickall : La place des beyti dans la littérature Pulaar. Mémoire de fin d’études. ENS de Nouakchott.
- Bâ Moussa : L’éthique Pulaar dans la poésie du Alhajji Banal. Mémoire de maîtrise, ENS de Nouakchott.
- Bâ Mohamed Daha : le Naale d’hier et d’aujourd’hui. Mémoire de fin d’études, ENS Nouakchott.
- Amadou Abel Sy : La geste Tiédo. Thèse de doctorat de 3ème cycle, Dakar, 1980.
- Yaya Wane : les Toucouleurs du Fuuta Toro. IFAN, Dakar.