13-07-2008 09:17 - Exclusif : Interview avec Ibrahima Moctar Sarr, Président de l’AJD/MR

Exclusif : Interview avec Ibrahima Moctar Sarr, Président de l’AJD/MR

« Nous somme dans le camp de ceux qui veulent que la Mauritanie avance … ».

L’AJD/MR a donné l’impression d’être en marge de l’agitation politique de ces dernières semaines. Pour savoir ce que ce parti pense des derniers développements de la situation politique, nous avons rencontré son Président, Ibrahima Moctar Sarr.

La scène politiques mauritanienne, ces dernières semaines, a été très agitée avec le dépôt d’une motion de censure, la démission du gouvernement…Pendant toute la crise, on n’a pas beaucoup entendu l’AJD/MR.

Il n’y a pas eu de déclaration de l’AJD/MR ou de son président. Mais ceux qui savent lire entre les lignes ont vu notre réaction dans une note récente de notre porte-parole. Et dans cette note, il s’est d’abord posé la question suivante : Qu’est-ce qui se passe ? Tout le monde s’est posé cette question.

Le porte-parole a rappelé ensuite que la situation n’est pas fortuite. Au niveau de l’AJD/MR, ce qui est arrivé ne nous a pas surpris. Il y a des problèmes au sommet de l’Etat et les gens se demandent si le chef de l’Etat détient le pouvoir. Nous ne sommes pas surpris parce que pendant la transition, nous avions tiré la sonnette d’alarme en disant que le régime civil qui succéderait aux militaires ne serait pas libre.
Nous avions publié dans un journal local une tribune intitulée « la transition en dérive » dans laquelle nous avions exprimé nos craintes sur une armée qui ne s’écarterait pas du pouvoir et qui chercherait à avoir une main mise sur les civile qui exerceraient ce pouvoir. Nous ne sommes nullement surpris de ce qui se passe. Nous avions dit que la transition allait nous conduire nécessairement à la situation d’aujourd’hui.
A ce sujet d’ailleurs, l’opposition a joué un rôle négatif. Elle n’a pas su obliger le CMJD (détenteur du pouvoir pendant la transition) à prendre des mesures pouvant mettre le pays sur de bons rails pour que le régime civil qui arrive ne trouve pas de difficultés.

Le président de la République, à un moment, a voulu exercer pleinement son pouvoir. Le rappel à l’ordre a été cinglant. Les députés frondeurs sont simplement des gens qui pensent que les orientations prises par le chef de l’Etat ne vont pas dans le sens de certains intérêts et qu’il fallait l’arrêter.
Les questions comme le retour des déportés, la résorption du passif humanitaire, l’éradication de l’esclavage…ont suscité, dés le début, des réactions négatives. Nous en voyons les conséquences aujourd’hui. Il a été estimé par certains que le chef de l’Etat va un peu trop vite et un peu trop loin. Ceux qui sont à la base de cette fronde ne sont pas des démocrates fondés à donner des leçons de démocratie et de changement sur le terrain du respect des libertés.
Pour l’essentiel, il s’agit de gens qui ont eu des accointances très prononcées avec le régime de Ould Taya. Face à cette situation, à l’AJD/MR nous nous sommes dits que c’est un conflit au sein du système, le système de Maaouya qui n’a pas bougé. Ce qui se passe est pour nous un conflit pour le monopole du pouvoir. Un combat entre deux camps d’un même système. Le combat de l’AJD /MR se situe ailleurs.

Ce que nous pouvons demander, c’est que ça n’éclabousse pas tout le pays et que ça ne débouche sur des situations dramatiques. L’opposition, dans son ensemble, doit rester dans une position qui lui permette de limiter les dégât en restant dans le camp de ceux qui ne cherchent pas à nous ramener en arrière, en choisissant le camp de ceux qui veulent que la Mauritanie avance dans le sens de la consolidation des acquis démocratiques, dans le sens de l’approfondissements de tout ce qui a été fait pour l’unité nationale. Ce camp est le notre.
Ceux qui veulent nous aider dans cette voie sont les bienvenus. Nous collaborerons avec eux. Nous ne sommes pas partisan de conflits pour le monopole ou la récupération du pouvoir. Toutes ces idées de notre porte-parole ont été reprises devant nos militants de base.

Nous ne savons pas sur quoi débouchera la situation actuelle. Nous refusons de prendre position dans un camp ou dans un autre dans la guerre que se livrent ceux qui cherchent le monopole du pouvoir. Nous attirons simplement l’attention sur les dérives qui nous ramèneraient en arrière

Cette crise serait née du refus des orientations du chef de l’Etat au sujet de certaines questions. Vous avez des préoccupations communes. Pourquoi pendant la fronde des parlementaires, vous n’avez pas soutenu le Président de la République ?

Il y a une nuance qu’il faut saisir. C’est vrai que le président à des orientations. Mais, il y a des contradictions dans sa démarche. Le Président de la République ne peut pas engager ces chantiers en faisant appel aux gens qui sont à la base de tous les problèmes de la Mauritanie. Il s’agit des anciens dignitaire du régime d’avant transition. Il n’avait aucune raison de ramener ces gens. Nous ne comprenons pas cela. C’est un retour qui nous fait douter de la volonté de continuer ce qui a été entamé.
Pourquoi le retour de ceux qu’on appelle les « Roumouz » ? Nous ne comprenons pas. Nous ne pouvons pas donc lui (le chef de l’Etat) apporter notre soutien. Nous préférons rester dans l’expectative tout en mettant engarde contre ceux qui veulent nous ramener en arrière en désorientant le pays de la voie de la démocratie et de l’unité nationale.

Il a été question de manière récurrente d’une immixtion de l’armée dans le jeu politique, dans les prérogatives du chef de l’Etat. Une armée qui contrôlerait le Président de la république dans un pays qui se veut démocratique, ne serait ce que sur les principes, ça ne vous inquiète pas ?

Ca ne nous étonne pas. On l’avait écrit. On était préparé à ça. Je vous renvoie à la relecture de la transition en dérive. J’avais dit que ça va arriver. C’est arrivé. Mes prévisions ont été justes. Ce que nous pouvons dire maintenant, c’est : attention, tenez vous prêts à aider les forces politiques qui veulent, non pas contrôler le pouvoir, mais lutter pour la préservation des acquis démocratiques.
Les forces disposées à mener ce combat existent au sein des acteurs politiques et de toute la société. Il ne s’agit pas de s’inquiéter mais de prendre les dispositions pour lutter contre toute les tendances qui veulent nous ramener en arrière qu’elles soient dans le pouvoir ou dans le camp de ceux qui veulent le remplacer.

Dans une récente déclaration, le FONADH, dénonce l’élection à la vice-présidence de l’assemblée nationale d’un député sur lequel pèseraient des présomptions de participation au passif humanitaire. Quel est votre sentiment sur cette élection ?

Ce sont les députés de ADIL, ceux qui sont à la base de la fronde, qui ont porté celui dont vous parlez à la vice-présidence de l’assemblée. Des personnalités impliquées dans les tortures du régime d’exception sont aujourd’hui portées au devant de la scène politique. C’est inquiétant.

Le Premier ministre lors de sa récente visite dans la vallée, à propos du passif humanitaire, a parlé de la mise en place prochaine d’une commission. Et sur la nature d’une éventuelle commission, il existe des divergences. Sera-t-elle indépendante. Le FONADH s’oppose à toute participation des militaires à cette future commission. Quelle est la position de l’AJD/MR ?

Au cours des journées nationales e concertation, il n’y avait pas eu d’aboutissement heureux au sujet du passif humanitaire. Nous avions à l’époque demandée le report des journées pour une étude approfondie de ce dossier douloureux et difficile qui doit être traité avec le maximum de sérieux et d’efficacité. Les victimes, pour l’essentiel, optent pour une commission indépendante.

Pour les militaires, je ne m’oppose pas à leur présence dans une future commission. Ils ont été à la base des drames vécus. Leur présence dans la commission ne me dérange pas. Ce qui m’importe, c’est que le problème soit traité clairement et de manière exhaustive avec la représentation des victimes et de la société civile. Nous ne sommes pas d’accord avec la solution « payer la diya et pardonner.» Il faut un règlement sur la base du devoir de vérité, de justice de réparation. Le pardon appartient aux victimes.

L’UFP avait déposé une proposition de loi attribuant le poste de secrétaire général de l’institution du chef de file de l’opposition au deuxième parti en terme de représentation parlementaire. L’UFP est ensuite allé au pouvoir. Elle n’y est plus. Elle va revenir dans l’Opposition. Comment ça va se passer ?

J’ai dit à ma base jeudi dernier, que je souhaite le retour de ceux qui étaient allés dans la majorité à l’opposition. C’est leur place Je les accueillerai à bras ouverts. S’ils reviennent le débat reprendra là où il s’était arrêté. Le texte dont vous parlez est passé à l’assemblée national. Au sénat, il y a eu des problèmes. Les parlementaires en discuteront. La vraie question est ailleurs. Du fait de divergences, nous n’avons pas travaillé. L’opposition doit retrouver ses marques et s’entendre sur un programme et le mette en action. C’est le plus important.

Les états généraux de l’éducation nationale auront lieu bientôt. Trouvez-vous pertinente la délimitation « Matières scientifiques enseignées en Français et matière littéraire en arabe » aménagé par la reforme de 1999 ?


Je suis un enseignant « raté » En 1968, j’étais étudiant l’ENI de Nouakchott. Je n’ai pas terminé la formation. A l’AJD/ MR nous n’avons pas attendu les états généraux pour réfléchir sur l’école. Récemment nous avons organisé une conférence débat sur la question sous la direction de notre secrétaire à l’éducation Fara Ba. Nous voulons élargir ce débat et impliquer toute la société.

Nous avons organisé aussi un débat sur les langues nationales. Un débat animé par Kane Souleymane Ex directeur de l’institut national des langues, un institut qui a été renvoyé dans un département à l’Université de Nouakchott.

Pour l’éducation nationale, après enquête, l’AJD/MR fera connaître sa position. Le problème va au-delà des matières. Tout est à revoir dans ce secteur. Nous sommes pour un enseignement, unifié avec l’apprentissage et l’officialisation de toutes les langues nationales. L’éducation nationale doit être basée sur toutes les langues nationales pour que les enfants du pays se parlent. La Mauritanie étant un pays francophone, le français doit garder sa place. C’est la langue de formation et de travail de beaucoup de mauritaniens.

Le retour des déportés se poursuit. Il est fait état de difficultés rencontrées par ceux déjà rentrés.

Nous sommes allés sur le terrain. Nous avons tiré la sonnette d’alarme. J’ai rencontré le Président de la république pour lui faire part des problèmes rencontrés par les réfugiés de retour. A l’approche de l’hivernage, ils sont sous des tentes. Il y a donc un risque de catastrophe humanitaire. Il est urgent d’agir pour que ceux qui sont sous ces tentes ne regrettent pas leur retour chez eux.

Je dois ajouter aussi que le problème de nos compatriotes rapatriés du Sénégal ne doit pas être oublié. Je ne le dis pas par démagogie, ça fait partie des préoccupations et du programme de l’AJD MR. Ces compatriotes sont victimes d‘un conflit entre deux pays. Certains parmi eux ont payé de leur vie. D’autres ont perdu leurs biens. Leur dossier doit être ouvert sans le lier au règlement de la question des déportés.

Propos recueillis par Khalilou Diagana
Pour Cridem

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