02-09-2008 00:32 - Ibrahima Moctar Sarr, président de l’AJD/MR, face à Bios Diallo

Ibrahima Moctar Sarr, président de l’AJD/MR, face à Bios Diallo

Journaliste et homme politique, Ibrahima Moctar Sarr est à la tête de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie, Mouvement pour la Rénovation, AJD/MR depuis août 2007. Très engagé sur la question du passif humanitaire, il dit ne ménager aucun effort pour qu’une solution honorable soit trouvée. L’unité nationale, à construire, passe par là dit-il. Et se dit toujours surpris qu’on puisse considérer sa formation comme ethnique.

« Il y a que nous avons des revendications que nous ne voudrons nullement monnayer : il s’agit de l’identité de la Mauritanie et de la place que devraient avoir toutes les communautés vivant sur ce territoire ». Tout comme, si son parti est jeune, Ibrahima Moctar Sarr souligne que sa ligne politique n’a jamais été de suivre quelque parti que se soit.

Sarr déplore par ailleurs que la classe politique manque de conviction, ne puisse jamais parler d’une même voix. « Ce qui fait que nous demeurerons toujours sous la surveillance militaire », martèle-t-il avec amertume !

Nos revendications sont nationales et non identitaires

Al Mourabit : Le gouvernement se fera sans vous. Un regret ?

Ibrahima Moctar Sarr : Absolument pas ! Après tout nous étions maîtres de notre participation. La discorde a eu lieu autour de notre plate-forme.

Sur quoi n’avez-vous pas voulu céder ?

Nous avions donné une feuille de route en 35 points. Parmi ceux-ci, il y a des plus saillants. Notamment la neutralité de l’armée, dans le processus électoral. Sur ce point, nous avons insisté sur le fait que toute personne en exercice à la date du 6 août 2008 devait être exclue de toutes les consultations électorales.

Puis, il y a la durée de la transition. Nous avions estimé que celle-ci ne devait pas être fantaisiste, compte tenu de la transition que nous avions connue il y a moins de deux ans. Autrement dit, il y a des mécanismes, acquis encore présents sur lesquels nous pourrons nous appuyer. Donc neuf mois pourraient suffire. Sinon une prolongation, en cas d’extrême nécessité, jusqu’à douze mois.

Une autre préoccupation s’ajoute à ces revendications, le passif humanitaire. Point qui ne peut être, ni passé sous silence ni être élucidé d’une manière légère. C’est un fait dramatique que notre peuple a connu, des blessures profondes dans la chair de la République. Il importe alors de lui trouver une solution adéquate et honorable. Tout homme qui voudra diriger la Mauritanie, sera obligé d’y faire face. Jusqu’à sa résolution. L’unité nationale passe par là.

Mais la transition…

Qu’on ne vienne surtout pas nous parler d’une question de temps. Puisque la résolution du passif ira au-delà d’une décennie, si ce n’est deux ou trois. L’essentiel se trouve dans l’ébauche des choses. En trois mois, il y a ce qui pourra être fait. En six, douze, etc. À chaque jour ou mois suffira ce qu’on voudra lui consacrer.
N’oublions pas que nous avions déjà eu dix-neuf mois de transition et des avancées ont été faites sous le défunt régime de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Alors arrêtons de poser la problématique du temps et pensons au calendrier, à la feuille de route indicative. Qu’on mette, au moins, sur pied une commission nationale indépendante incluant les victimes. Ensuite nous ferons des rajouts avec les suggestions des uns et des autres.

C’est le lieu de rappeler que les structures ayant travaillé sur les journées de concertation, après le coup d’état du 3 août 2005 et qui ont été depuis bloquées, doivent être remises sur le sentier.

Vous semblez voir les choses d’une manière facile. Ne craignez-vous pas que cela puisse donner lieu à des règlements de compte ? Voire des surprises autrement plus dramatiques au sortir des aveux ?

Loin de moi de penser que les choses soient simples et faciles. Il s’agit de drames humains, donc chaque détail compte. Dans l’expression de la victime, ses ayants-droit si le concerné n’est plus là, ou même l’accusé qui doit sauver son âme. Des déballages et des surprises, il faudra s’y attendre.
D’aucuns diraient même que les loups viendront de plus loin qu’on ne le croit. Eh bien, que chacun assume, son passé comme son présent. Cependant, il revient à tous de demeurer vigilants. D’où la nécessité de s’allier le savoir-faire et la neutralité d’acteurs de la société civile, d’avocats, des oulémas et même des chefs coutumiers. Nous sommes un pays de croyants, nul n’accusera gratuitement son semblable.

Pensez-vous que le peuple mauritanien soit suffisamment mature, pour un tel procès ?

Si le peuple a pu subir la triste page, il saura surmonter les conséquences pouvant en découler. Et laissez-moi vous dire que la justice est attendue avec impatience, de tous les côtés. On se trompe, en disant que les Arabes n’en veulent pas. C’est faux. Même parmi les plus hautes autorités, on veut voir éclater la vérité. Car beaucoup de personnes sont là dans la douleur, à cause des soupçons ou des accusations qui pèsent sur elles.
Elles attendent d’être innocentées, afin de marcher la tête haute dans cette société où, elles comptent des amis et des parents mais avec qui leur image est biaisée, ternie gratuitement peut-être. Et il y en a du côté des Maures, arabes si vous tenez à la précision, comme des Négro-africains. C’est le moment de tirer les choses au clair. Pour faire la lumière...

L’Afrique du Sud pourrait nous servir d’exemple. Comme elle, on pourra aboutir après vérités et réconciliations, au pardon. Rien n’est exclu. Il suffit juste d’en trouver les mécanismes.

Ne pourrait-on pas aboutir à cette épreuve, sans passager par ce tribunal ?

Nous ne posons pas le tribunal comme un préalable à tout. Mais encore faudrait-il qu’on manifeste la volonté de livrer la vérité aux victimes du passif, que leurs enfants, veuves ou parents sachent ce qui c’est passé, où, quand et pourquoi. Le tribunal peut être évité une fois qu’on saura la vérité, aveu indispensable et incontournable. Et je suis persuadé, comme d’autres, que les victimes accompliront plus facilement le deuil une fois ce pas franchi.
Sachant que leurs morts ne reviendront pas, que les plaies de cicatrices ne retrouveront pas leurs formes initiales, leur cœur lui est capable de pardon. Mais l’État ne peut pas, sur simple décision d’arrêté ou autre, décréter le pardon. Seuls les victimes peuvent, et ont le droit, de le faire.

D’aucuns laissent entendre, entre autres, que Sidi a été emporté par sa détermination à faire revenir les réfugiés…

Cela prouverait le doute qui subsiste encore. L’ouverture du dossier correspond, pour certains, à un saut dans l’inconnu.

Puisque vous évoquez Sidi, suivant des informations probantes que j’ai reçues, on lui aurait demandé d’aller plus que ce qu’il a fait. L’attitude des nouvelles autorités à chercher à démontrer que peu de choses ont été faites à ce sujet, le démontre. Est-ce par démagogie, allez y comprendre quelque chose !

Sa chute, l’avez-vous vue venir ?


En observateur attentif des mouvements s’opérant dans le pays, oui. Et, si vous avez suivi les déclarations de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie / Mouvement pour la Rénovation, AJD/MR, nous avions dit au président déchu que s’il était incapable de diriger le pays qu’il démissionne en prenant le peuple à témoin. On ne peut tenir de telles déclarations si on n’a pas perdu confiance.
A la veille du coup d’état, me trouvant à Dakar, j’avais accordé une interview à un média où je soulignais que le président était pris en étau. Et que je m’attendais à un dénouement qui pourrait surprendre. Le lendemain le coup a eu lieu, par la force la plus organisée, l’armée.

Etait-ce suffisant pour que le politique que vous êtes, et voulant faire de la voie des urnes l’accession légitime au pouvoir, soutienne …

Soyons réalistes, l’armée a toujours été là lorsque les politiques échouent dans la conduite des affaires du pays à cause de leurs propres contradictions. En plus, pendant qu’on y est, Sidi, qui l’a mis au pouvoir ? Qui a forcé le peuple à miser sur ses promesses ? Ce sont les militaires qui tiraient les marrons ! Alors…

Qu’on appelle ça coup d’état ou mouvement de rectification, moi mon propos est ailleurs ! Alors que j’étais le 2e vice-président de l’Alliance Populaire Progressiste, et que plusieurs partis cautionnaient la transition telle que voulue par le CMJD, j’avais élevé la voix en démissionnant de l’APP. Estimant que les préoccupations majeures de notre lutte, revendication, n’étaient pas prises en compte par certains zélés.
En ce mai 2006 je publie une tribune, sur le site Cridem, intitulée La transition en dérive. J’y soulignais que les élections vers lesquelles nous nous acheminions n’allaient être ni libres, ni indépendantes. Que l’homme qui allait en sortir allait être sous la dévotion des militaires. Ne pourra par conséquent nullement appliqué son programme correctement. Qu’on me dise si je m’étais trompé.

Et, en indépendant, vous vous étiez porté candidat

Par simple dose d’audace ! Puisque quand j’y suis allé je n’avais pas de formation politique proprement dite. Ce qui ne m’a pas empêché d’arriver 5e, avec 8% des suffrages. Et là, comme il y avait un second tour, j’avais préféré soutenir le candidat Ahmed Ould Daddah. Pour m’opposer à celui des militaires, Sidi. Malheureusement, des éléments de l’opposition, sont allés se rajouter à ce camp militaro-politique conduit par le CMJD. Empêchant ainsi la vraie alternance politique.

Passé cet épisode, nous avons proposé un gouvernement d’union nationale. Sachant que l’équipe de Sidi seule ne pourrait régler les problèmes du pays. Et surtout en mettant 48% de la population nationale en dehors du jeu politique. Appuyé par les forces qui l’ont soutenu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi refusa cette main d’ouverture.
Conséquence il n’a pu tenir. Lorsqu’on sentit les chevaux s’essouffler, on tenta d’opérer de la récupération par du copinage pour recoller des morceaux avec l’opposition. Les choix se porteront sur l’Union des forces du progrès et Tawassoul qui iront au premier gouvernement de Yahya Ould Waghef. Nous laissons nous autres dans l’opposition, n’ayant pas voulu entrer sans conditions.

Sauf que …

Sauf que quoi ? Que nous aurions aimé être là. Jamais ! Aujourd’hui, nous ne pouvons pas demander le retour de Sidi. Même si à un moment donné il avait voulu se ressaisir pour assumer ses hautes responsabilités, sa situation de président installé par les militaires nous a conduits à la crise qu’on connaît. Pour dénouer cette crise, il faut chercher autre chose que de le réinstaller. Je considère beaucoup plus, personnellement, cet homme comme une victime. Même si ses dernières décisions, en décapitant l’armée, ont failli mener le pays vers la guerre civile.

C’est le vocabulaire de ses détracteurs…

Vous croyez ? Il serait resté quelques temps encore, on allait être édifiés de la manière la plus dramatique. Des indices étaient là. En tout nous souhaitons mieux que ça. Mais ce mieux que ça, il faudra le tester avec ceux qui détiennent le pouvoir. La mort dans l’âme, je concède, nous devons faire avec les mêmes éléments du CMJD, hier souteneurs de Sidi, là de nouveau. Nous demandons simplement qu’ils revoient leurs copies. Qu’ils prennent de la hauteur. Qu’ils permettent de réelles élections transparentes. Cela passe par l’arrêt du vol des consciences, l’intimidation des membres de l’administration qui refusent les injonctions.

La classe politique parle-t-elle le même langage ?

Là est tout le drame ! Le vrai problème est loin d’être chez les militaires. Non, il est logé et vit parmi des politiques incapables de s’entendre. Si je dis incapables, c’est devant les vrais problèmes du pays. À savoir la cohabitation des nationalités composant la Mauritanie. Et si vous voyez qu’on tergiverse depuis notre indépendance, c’est parce que les politiques se tiennent de tout temps la langue de bois.

Par exemple ?

Le passif humanitaire. Ils ne parlent pas le même langage. Idem pour la question nationale. Ils peuvent s’entendre sur la corruption, la crise des denrées alimentaires, l’insécurité routière, la drogue… mais jamais sur le partage du pouvoir, les voies devant y mener, la langue du travail. Or là sont les vrais sujets, qui unissent ou divisent. Puisqu’il s’agit de la suprématie sur le sol national.

Et tant que les politiques n’oseront pas affronter de front ces sujets essentiels, et continueront à user de superflus, les militaires resteront là. Mieux, quand ceux-ci commettent leur forfait, n’est-ce pas les politiques qui prennent leur bâton de pèlerin pour aller prêcher la soi-disant bonne parole. Comme à Bruxelles, devant l’Union Européenne, pour débloquer de l’argent aux militaires. Et leur éviter des sanctions !

Pessimiste, avec vos pairs ?

Hélas oui. Et c’est bien triste de le dire. Il n’est pas exclu que cela le soit encore pour longtemps. A moins d’avoir des militaires politiquement éclairés et qui prennent le taureau par les cornes, règlent nos différends et passent d’eux-mêmes la main

En récompense de quoi ?

La reconnaissance patriotique ! Qu’ils ne soient nullement inquiétés… S’ils accomplissent une très bonne transition, le peuple souverain sera certainement reconnaissant.

Pensez-vous que le retour des réfugiés, l’autre cheval de bataille de l’AJD/MR, va se poursuivre ?

Le président du Haut Conseil d’Etat, le général Mohamed Abdel Aziz qui m’a reçu, m’a manifesté sa volonté de mener le combat dans ce sens. C’est une parole, une promesse. Mais je sais qu’il faudra plus pour faire aboutir les choses. Sidi avait demandé que les déportés reviennent, regagnent leur patrie. Mais l’administration qui n’en voulait pas a traîné les pieds, tergiversé. Et cela a donné ce qu’on sait, le fiasco ! Il revient au pouvoir d’être conséquent, en donnant des directives claires. Et non se laisser affaiblir, ou intimider par des forces tapies dans l’ombre et qui ne veulent nullement de l’unité du pays.

Revenons à vos amitiés avec le Rfd. Autant cette fois-ci, qu’au 2e tour de la présidentielle de 2007, vous vous êtes aligné sur cette formation. Pourquoi ?

Voilà un constat, bien curieux ! Pourquoi ne dit-on pas que c’est le Rfd qui a rejoint la ligne de l’AJD/MR ? [Sarr repousse un filet de sueur de son front. Refait sa position. Il sent une indignation dans le propos]. Quand le conflit a éclaté, nous avions dit que nous n’étions ni pour les militaires, ni pour Sidi [Il ponctue fortement ses phrases]. Alors que Ahmed Daddah et ses hommes avaient pris fait et cause pour les généraux ! Ils ont même participé à la fronde. Jusque dans les manifestations de rues, où on voyait les militants du Rassemblement des forces démocratiques brandir des pancartes. Nulle part les nôtres n’ont été vus.

Puis, ayant dit que nous comprenions avec réserve le mobile de l’acte, nous avions contacté le Rfd, et d’autres, afin d’élaborer un communiqué commun, plus réfléchi !

Ensuite, nous avions suggéré au Rfd la rédaction d’une plate-forme commune là aussi à soumettre aux militaires. Ce qui allait déterminer notre participation ou pas. Disons-le clairement : nous n’avons suivi, nulle part, quelque parti que ce soit ! Nous suivons notre politique. Est-ce parce que le Rfd est un grand parti, et que le nôtre est jeune et plus petit, qu’on devrait toujours penser que c’est nous qui lui courant après ? [L’expression monte encore]. Pourquoi avoir cette vision, cet esprit ? Alors que c’est nous étions les premiers à dire qu’il ne fallait nullement faire confiance aveuglement aux militaires. Depuis 2005, nous avions régulièrement refusé cette carte blanche aux militaires. Et c’est aujourd’hui, après le blocage que l’on sait, que le Rfd est revenu à notre position. Et on ose dire que…

Il ne nous échappe pas que c’est le jeu de déstabilisation entretenu par certains acteurs politiques, avec la complicité de la presse nationale, surtout internationale. A l’image de Rfi qui nous évite de tout temps et fait fi de nos déclarations. Ce parti pris est indigne.

S’agissant des élections du 2e tour, rien n’a été fait au hasard. Ou même par complaisance. Nous avions nos préoccupations passant par les réparations des préjudices subis sous l’État d’exception. Ensuite les quatre points déterminants pour une bonne cohabitation :

- L’identité de la Mauritanie qui doit être redéfinie dans la Constitution
- Le partage du pouvoir politique
- La question culturelle et des langues nationales à la hauteur de tous
- Enfin, la question de l’esclavage

Avait-on répondu à vos doléances ?

Ces questions doivent faire l’objet d’une attention de première urgence, sinon impossible d’avoir la Mauritanie du rêve de tous. Le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi m’a répondu qu’il ne pouvait absolument pas prendre en charge les réformes constitutionnelles que je lui soumettais. Alors qu’Ahmed Ould Daddah s’est montré ouvert sur mes requêtes. Avec un engagement écrit. Que faire ? Suivre celui qui me rejette, en ignorant celui qui pourrait m’accorder une portion, même maigre ? Le choix s’imposait de lui-même : Ahmed ! Et s’il faut refaire, je remettrais ça !

D’ailleurs le cours des événements a prouvé que j’avais raison encore. Puisque que le camp de Sidi, malgré la personnalité de ce dernier que je respecte toujours, a prouvé qu’il était le résidu du système de Ould Taya. Et lui-même Sidi était sous les ordres de ceux qui l’ont mis là, les militaires. Ce qui déteignait sur lui, et a fini par le perdre.

Au moment de votre candidature, vous étiez sans parti. Depuis août 2007 vous avez été intronisé président de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie, Mouvement pour la Rénovation. A cela s’ajoute le parcours militant qui vous a conduit en prison. Quel bilan faites-vous de cette longue marche ? Et que direz-vous à ceux qui pensent que les revendications identitaires ont toujours été source de blocages ?


La réponse à la première partie de votre question va, à coup sur, déborder de l’espace qui me serait accordé dans votre journal. Je dirai simplement que, tout comme la Mauritanie, je viens de loin. J’ai été militant jeune. A cause des blessures observées au quotidienne ; le mépris et l’exclusion. Ce qui me vaudra le séjour en prison, comme d’autres. Ceux qui avaient une part de vie courte, comme on dit dans notre esprit religieux, sont morts en prison. D’autres dans d’autres circonstances. Ce qui a produit le passif pour lequel je me bats.

J’ai connu par la suite un long bannissement. J’apparaissais même comme non fréquentable. Mais tant qu’on vit, il y a espoir. Aujourd’hui le peuple m’a accordé sa confiance pour que je continue le combat pour l’égalité et la justice pour tous les Mauritaniens. Mon parti n’est pas un parti nationaliste, mais véritablement un parti national. Je n’en veux pour preuve que sa composition multinationale. Et j’ai été le seul candidat à l’élection présidentielle à poser le problème des rapatriés du Sénégal.

S’agissant du 2e volet, je suis toujours surpris lorsqu’on ramène mes revendications à des positions identitaires. Lorsqu’on est soi-même victime d’un système, d’une injustice, il ne peut y avoir de meilleure voix que sa voix propre. C’est mon cas. Sans jouer au martyr.

Quant à l’expression « vote identitaire », je l’ai souvent entendue. Surtout depuis ma candidature. Oubliant que, lorsqu’un pays est manifestement structuré sur la base d’une identité raciale, l’inquiétude à combattre devrait venir de là. Comment voyez-vous le fait qu’on se refuse à poser clairement la question des droits de l’homme, alors qu’il y a eu mort d’homme ? Que des exclusions se constatent encore, dans l’administration et ailleurs à cause du faciès ? Mais non, il est plus simple de recourir à des boucs émissaires, à de la diabolisation.

Je ne me répèterai jamais assez, nos revendications sont nationales et non identitaires.

Quelle est votre conception de l’identité nationale ?


Simple : la Mauritanie est un pays où vivent des Arabes, des Négro-Africains qui ne sont pas des Arabes et composés de Soninkés, Wolofs, Poulars et même de Bambaras. La Mauritanie a une multi culturalité qui doit être respectée. L’unique visage arabe par lequel on la présente est loin de refléter la réalité. Il faudra par conséquent corriger l’orientation du pinceau. Toutes les cultures, identités, doivent être prises en considération au même pied d’égalité. En allant à l’étranger on ne doit pas se dire que la Mauritanie est simplement arabe comme cela se reflète à travers notre diplomatie.

A la présidence de la République on doit voir les visages de toute la nation. A la télévision nationale, comme dans les autres symboles de la nation. Et non qu’une seule ethnie, une seule langue, soient mises en exergue au détriment des autres composantes.

Là-dessus les medias nationaux ont un rôle prépondérant à jouer. On connaît l’impact de la radio, aujourd’hui la télévision et même la presse écrite qui se lit à travers l’Internet. Les recommandations de la Commission nationale de réforme de l’audiovisuel, à laquelle j’avais participé, avaient souligné que les langues nationales étaient les parents pauvres des medias officiels. Les Négro-africains n’ont leur place, ni à la télé ni à la radio. Ce sont des portions congrues. Or on doit respecter la proportion de représentativité, mais là aussi il faut se compter pour savoir ce que chacun pèse.

Votre score à la présidentielle était de 8%. Pensez-vous que ce soit le nombre de votre communauté ?


Absolument pas ! Et je m’en suis souvent expliqué. En parlant de Ibrahima Moctar Sarr et du vote identitaire, je dis que c’est de la distraction. Car combien de Négro-Mauritaniens ont voté pour Ould Daddah, Ould Cheikh Abdallahi, Ould Maouloud, Haidallah, Hannana, et même Chbih Ould Melaïnine ? Sans parler de l’APP qui prête à confusion à cause de son candidat Messaoud Ould Boulkheir qui est Noir comme moi. J’ai été laminé dans la vallée par Sidi Ould Cheikh Abdallahi.

Moi, je n’ai pris que le résidu, le restant des parts de tous ces candidats. Et on n’oublie que seule une partie de la communauté a voté pour moi. Alors que la majorité des Noirs ont donné leurs voix aux candidats maures, quel Maure a glissé dans l’urne le bulletin de Sarr ? Qui a alors fait le vote identitaire ? Bref les 8% sont loin d’être notre proportion. Sans oublier que beaucoup ont été empêchés de voter, en plus des déportés et ceux qui se trouvent à l’étranger.

Votre parti semble traverser des crises. Parmi celles-ci le statut de leadership qu’on vous dispute. Et on a même vu des voix s’élever contre votre décision de soutenir le putsch. Est-ce le propre d’un parti jeune ? Ou aurez-vous une autre lecture des faits ?

Ni moi, ni mon parti n’avons jamais soutenu les putschistes, encore une fois. Qu’à la veille des recompositions politiques et d’offres de participation au gouvernement, que des ambitions se manifestent ça et là me paraît tout à fait normal dans un jeune parti qui cherche encore à affirmer sa ligne et son unité. Le Bureau politique accorde une entière confiance à son président. Le reste n’est qu’affabulation de nos adversaires politiques qui ne manquent une occasion de chercher à nous descendre. Heureusement qu’ils ont toujours échoué.

Dans vos derniers meetings et conférences, on constate de plus en plus des membres de la communauté arabe. Coloration, ou conviction ?


Ce sont des convaincus. Nous avons commencé à en recevoir après nos sorties à la radio et à la télévision. Ils ont été conquis par notre discours, et ont littéralement brisé le mythe du Négro-mauritanien à ne pas approcher. D’aucuns ont pris des rendez-vous avec moi, d’autres sont passés par des émissaires. Lorsque je leur ai expliqué, de vive voix, mes ambitions pour la Mauritanie ils s’y sont retrouvés. Depuis ils sont à mes côtés, et le cercle s’agrandit. Il viendra un moment où la présence des Arabes contrebalancera celle des Noirs à l’AJD/MR.

En attendant, si on voit leur couleur parmi nous, c’est parce que le pays est encore à ce stade de stigmatisation et de ghettoïsation. Fait que nous devons vigoureusement combattre. Pour arriver à l’adhésion à un parti sans que la couleur de la peau ou la langue soient mises en avant. Ce jour-là, nous fêterons la victoire nationale !

Propos recueillis par Bios Diallo

Al Mourabit N°8 du 1er septembre 2008

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Commentaires (4)

  • paupoline2009 (H) 02/09/2008 10:57 X

    Monsieur Le Président votre vision pour notre maurtianie ne peut être trouver ailleurs que chez toi. Vous voulez bien juste l\'unité de ce pays sont développement, mais malheureusement, il y a des politiques qui : - Refusent de reconnaitre l\'idenité de ce pays intérieurement et extérieuremet. Mais une chose est clair ont peut jamais se développer sans s\'unir et on ne peut pas s\'unir sans se dire la vérité. Et on ne peut pas se dire la vérité sans corriger nos erreurs. J\'avais dit que l\'AJD/MR est le seul parti qui a un programme qui relfète le pays. Que vous le voyez ou pas c\'est l\'AJD/MR. J\'ai dit encore que si je me reveille le matin j\'ai en vue de me suicider, mais si je vois l\'AJD.MR, ou son président ou un de ses militant plus particulièrement so président, pour moi cela la renaissance. Car je vois au moins quelqu\'un qui cherche l\'intérêt du pays. Ibrahim sache que nous sommes derrière toi, et nous seront derrière toi jusqu\'aux dernières secondes de notre vie. Nous t\'aimons. Nous ne savons et n\'avons vu autre que toi. Tu es le seul, à qui on a confiance. Par notre âme, notre sang nous sacrifierons pour toi. Bonne journée Ibrahima Moctar Sarr. Je pleur de joie où je suis car je sais nous ne pouvons avoir aucun partiote qui comme toi. Ibrahima, tu pour nous le seul. Ibrahima, ne nous laisse pas. Ibrahima, nous t\'aimons, nous t\'aimons. Ibrahima, pour votre information, nous sommes entraines de réfléchir, pour former un club des jeunes pour te soutenir à jamais. Mais quant à RFI et autres médias qui vous refusent, sont racistes. J\'interpelle ici marie pièrre olfant pour qu\'elle rectifie sa position, en tant que jounaliste.

  • abma (H) 02/09/2008 10:50 X

    C\'est triste que Ibrahima Sarr qu\'on connaissait avec son franc-parlé devienne aujourd\'hui un vulgaire suiviste reniant ainsi la ligne de son parti. Qu\'il sache au moins une chose tant qu\'il continuera d\'être sous tutelle d\'Ahmed Dadah il ne connaitra que désentement et déboire. C\'est vraiment dommage!

  • paupoline2009 (H) 02/09/2008 10:35 X

    Nous jeunes qui oeuvrons pour la réussite multiforme et multidimensionnelle du parti, nous demandons à tous nos dirigrants du parti, du Pdt jusqu\'au gardien du Siège de parti et Mamadou Kalidou Ba de serrer les rangs et de se considérer comme des militant avec conviction, rien ne nous séparera inchallah et, nous demandons aux dirigeant de flam qui sont en exil de revenir et mener le combat avec nous afin de mettre notre pays sur les rail en combattant contre l\'injustice, contre la faim, contre tous ce qui peut diviser notre pays. O mes frères soyons unis. O mes soeurs soyons unis. Moi personnellement, où je suis actuellement, même si on m\'exclu carrèment du parti, ça n\'empêchera pas d\'apporter une aide à ce parti. Et j\'utiliserais tous les moyens pour l\'aider car c\'est par conviction pas par Samba ni demba que j\'ai intégré. Nous devons savoir encore qu\'un militant du parti ne doit pas bouder son parti par sa postion, mais en déviant son programme. Le groupe des jeunes militants de l\'AJD/MR. Vive la Mauritanie Vive l\'AJD/MR

  • bala (H) 02/09/2008 09:22 X

    A la lecture de cet article, je vois qu\'Ibrahima Moctar Sarr a mis les pendules à l\'heure. Ce que j\'attends d\'un homme politique est qu\'il puisse s\'expliquer sur ces choix et d\'en assumer les conséquences bonnes ou mauvaises. M. Richard Nixon a été poussé à la démission parce que des journalistes ont découvert qu\'il pratiquait des écoutes téléphoniques sur ses adversaires. L\'Amérique indignée est descendue dans la rue, ce qui montra à la face du monde la grande Démocratie des USA. Republique Islamique de Mauritanie, un chef d\'état reconnait qu\'il a été soutenu par les militaires qui l\'ont amené au pouvoir en trichant, faussant ainsi le jeu démocratique que d\'aucuns ont qualifié de transparent mais un Mensonge ne porte jamais le label de TRANSPARENT. Cet acte anti-démocratique de collusion avec les militaires ne devrait-il pousser notre président Sidi Mohamed O.Cheikh Abdallah à la démission? Un Occidental disait\"limitez-vous simplement pour les pays africains de les amener à mettre le bulletin dans les urnes. Dire que les élections doivent etre transparentes c\'est trop leur demander.Ils ne sont pas comme nous\". Je ne comprends rien à la politique des hommes politiques de mon pays. Ce que je sais c\'est que vous n\'aurez pas comme dit le chanteur français Florent Pagny\"MA LIBERTE DE PENSER\".