17-12-2008 19:04 - AJD/MR : L'implosion

La bataille qui fait rage depuis quelque temps au sein de l'AJD/MR a finalement abouti à l'implosion de la formation politique d'Ibrahima Moctar Sarr. C'est du moins ce qui apparaît aux yeux des observateurs après la publication par les parties prenantes, de différents communiqués aussi virulents les uns que les autres.
Beaucoup d'analystes s'attendaient depuis le 06 Août 2008 à l'implosion de l'AJD/MR. Le parti de M. Ibrahima Moctar Sarr venait de commettre son erreur politique fatale : la banalisation d'un évènement national de l'ampleur d'un coup d'Etat.
En effet, au moment où toute la Mauritanie se positionnait avec ou contre le putsch des généraux, le Président Ibrahima Moctar Sarr (IMS), lui préférait attendre. Quoi ? C'est la question que tout le monde se posait et que personne ne pouvait comprendre.
Plus tard, la situation sera encore plus confuse. Juste après le putsch, le président de l'AJD/MR s'entretenait en personne avec le Général Ould Abdel Aziz. Les médias d'Etat, qui faisaient systématiquement état de toutes les audiences du nouveau leader du pays, passent bizarrement sous silence celle-ci. La base ne comprend pas. IMS, lui semble bien comprendre. Du moins il prend acte du coup d'Etat. Sans commentaire.
De son côté, Ahmed Ould Daddah et Saleh Ould Hannena, eux, y vont de leur soutien, têtes baissées. Le FNDD voit le jour. Sans Ibrahima Sarr. Mais la base de celui-ci s'y arrime dès les premières heures pour exprimer sa large opposition au putsch.
C'est à partir de ce moment que la confusion s'installe. Une partie du Bureau exécutif national, dirigée par Bâ Alassane Soma dit Balas prend directement langue avec le Général Aziz. Un haut gradé négro-africain, membre du CMJD serait à l'origine de cette rencontre.
M. Bâ, par ailleurs président d'une association des droits de l'homme dédiée à la défense des hommes d'affaires victimes des évènements de 1989, sort " convaincu " des engagements du Général par rapport à toutes les questions qui le tenait à cœur.
Il commence alors à exercer un lobbying soutenu auprès de certains membres du bureau politique pour obtenir un engagement ferme du parti aux côtés du putsch. Ibrahima Sarr préfère attendre les résultats de sa coordination avec le RFD, Hatem et le MDD, autrement dit les alliés de ce qui s'appelait l'opposition démocratique, devenue caduque depuis son soutien affiché au putsch. Là aussi, Ibrahima Sarr piétine.
Alors qu'il demeure attaché à la plate-forme que la coordination a présentée aux militaires qui n'en ont eu cure, Saleh Ould Hannena va à la soupe. Dans la lancée, des proches d'Ahmed Ould Daddah se verront cooptés. Des postes ministériels leur sont réservés dans la constellation du gouvernement des militaires.
Ould Daddah publiera une déclaration dans laquelle il souligne en substance que tout militant du RFD qui accepterait un poste ministériel, est d'office exclu de son parti. Cela n'aura aucune influence sur l'interprétation que les observateurs se feront du choix des leaders du RFD au sein du gouvernement…
Ibrahima Moctar Sarr reste sur le carreau et les cadres du parti qui s'attendaient à faire enfin partie de l'échiquier gouvernementale sont frustrés. Les contestataires rehaussent le ton et accusent le président d'être le dindon de la farce. Elle lui reproche une inféodation aveugle au RFD qui lui fait perdre toute crédibilité.
Sarr remonte au créneau et décide de rompre son alliance avec Ould Daddah. Là aussi, il joue dans le temps mort. La division du parti devient un réel danger qui le menace. Les instances ne siègent plus et les militants se disent floués et trahis par leur direction.
Malgré les appels qui fusaient de toutes parts, pour un regroupement des leaders du parti, Ibrahima Sarr refuse de convoquer le Conseil national et tente d'imposer son avis au sein du Bureau politique qui se réunit à deux reprises sans arriver à un compromis.
L'opposition au président qui avait pris forme entretemps, dira sous tous les cieux que " tous ceux qui ont osé élever la voix contre l'avis de Sarr sont suspendus".
En tout état de cause, plus du tiers du Bureau exécutif est suspendu ou exclu. La cacophonie s'installe. L'homme qui avait souhaité fédérer autour de sa personne les segments de feu l'AMN, après de longues années d'errements politiques, déçoit.
Le capital de 7% des voix obtenues à la présidentielle de 2007 s'effrite. Le leadership que Sarr voulait incarner pour la communauté négro-africaine devient une chimère. L'homme semble se débattre dans un état d'esprit très peu serein, ce qui lui a fait perdre beaucoup de son aura.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, le leader de l'AJD tente de s'accrocher à tout ce qui pourrait ressembler à une bouée de sauvetage. Une valse chez Aziz et une apparition aux côtés d'Ahmed Daddah. Il multiplie les démarches et les déclarations contradictoires.
Ainsi, lors de sa dernière entrevue avec le Général Aziz, il donnera l'engagement de participer aux journées de concertation. Moyennant quoi ? Personne ne le sait.
Deux semaines après, ses détracteurs font le ratissage chez le Général. Ils décident de le soutenir. Sarr se rétracte et revient sur son engagement. Il réunit un groupe de ses inconditionnels qui comptent deux grandes pointures du parti, Cissé Mody et Diallo Alpha et décide de suspendre d'autres grandes pointures comme Tabara Bâ et Diallo Yero Borti, entre autres.
Motif, ils auraient rencontré le Général sans l'aval du parti. Auparavant, ce dernier groupe avait décidé de retirer sa confiance à Sarr. Revenant en force, Sarr multiplie les rencontres et ses détracteurs le défient.
L'ex-porte-parole qui est opposé aux orientations des pro et anti-putsch, démissionne du parti. Vingt-quatre heures après, c'est la section de l'AJD/MR du Kentucky du nord qui fait à son tour défection.
Voilà aujourd'hui, le visage actuel l'AJD/MR : un parti en implosion, ombre d'une formation qui avait pourtant commencé avec beaucoup de promesses. Son échec latent face au premier grand défi montre au grand jour que ce n'est pas pour demain qu'une formation typiquement négro-africaine réussira à s'imposer.
Les appétits sont grands, car la longue traversée du désert des cadres de cette communauté n'a que trop duré. Le temps de vomir les principes et d'oublier que le credo de leur parti était de promouvoir le dialogue inter-communautaire et de redéfinir les règles de la cohabitation nationale.
En attendant, M. Mamadou Moctar Sarr et ses alliés devenus ennemis, doivent méditer, impuissants, la longue agonie d'une formation qu'ils voulaient originale par son engagement et sa cohésion. Ici aussi, le putsch du Général Aziz a laissé des traces….
Cheikh Aïdara