27-01-2009 08:07 - Un président noir en Mauritanie, est-ce possible ? Ibrahima Sarr candidat.

Bien des candidats de notoriété relative se sont déjà constitués prétendants à la présidentielle de juin 2009, où les seuls postulants lourds encore cantonnés sur leurs réserves, en plus du Général Mohamed Ould Abdel Aziz seraient Ahmed Ould Daddah, Ely Ould Mohamed Vall et le candidat éventuel du Fndd.
Le lot de candidats à cette échéance cruciale risque de dépasser celui de 2007. Ibrahima Moctar Sarr est candidat d’où les interrogations que peuvent soulever cette candidature après la victoire d’Obama, de savoir si la Mauritanie pourrait avoir enfin son président noir ?
C’est au cours de l’élection présidentielle de mars 2007 qu’Ibrahima Moctar Sarr, à l’époque, candidat indépendant de la cause des "opprimés", notamment négro-africains, a pu se forger d’un seul trait une incroyable popularité, alors que l’homme était presque inconnu dans les milieux politiques. Depuis lors, ses militants, ainsi que ceux de la Mauritanie multiraciale se posaient la question de savoir si un candidat noir (haratine ou kowry) a de réelles possibilités d'accéder au palais ocre.
Deuxième fois candidat à une élection présidentielle, le leader de l’Ajd/Mr devra batailler fort pour ne pas faire les frais des préjugés dont certains adversaires politiques, notamment des milieux nationalistes arabes, l’indexent en qualifiant son parti de formation politique à caractère purement racial.
Cette polémique a été soulevée tout récemment et ses auteurs n’ont pas manqué de demander la dissolution de ce parti qui se voudrait comme les autres structures politiques, flambeau des victimes des années de braise, mais également et surtout un espace de convergence multiraciale pour une véritable réconciliation nationale et une paix intérieure de la Mauritanie avec elle-même.
Ibrahim Sarr, dont la candidature a été confirmée de sources officielles au sein de l’Ajd/Mr, n’aura pas la mission facile et devra réaliser, parallèlement à son ambition d’être probablement le premier président noir de la Mauritanie plurielle, un consensus autour de sa personne et de son programme, gagner en assurance et en optimisme. Des atouts qu’il pourrait détenir, mais que les électeurs ne peuvent sentir à travers les seules prédispositions des candidats potentiels.
Ibrahima Sarr est sans doute conscient des mentalités encore réfractaires de ses concitoyens. Ces derniers, blancs ou noirs, ne sont pas encore arrivés au stade où ils doivent rompre avec les vieux réflexes de vote dicté par la couleur, l’argent…etc. Le temps où notre peuple ne votera pas pour un noir ou un blanc, mais uniquement pour un homme et ses idées, comme l’ont fait les américains, est encore lointain, mais avec l’expérience de mars 2007 et celle de juin prochain, la politique raciale s’usera et l’alternative se posera comme nécessité.
Le leader de l’Ajd/Mr n’en est pas à sa première candidature à l’élection présidentielle. En effet, en mars 2007, Ibrahima Sarr s’est bien positionné aux résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 11 mars 2007 en obtenant 7,95% (soit 58 878 voix). Un résultant qui l’a consacré 5ème devant plusieurs autres candidats, juste au coude-à -coude avec Messaoud Ould Boulkheir qui a réalisé le score de 9,79% soit 72 493 voix).
En attendant l’heure de vérité ?
Le 31 janvier prochain, l’Ajd/Mr compte organiser un important meeting au stade de Sebkha. Le parti devrait tenir incessamment son congrès probablement pour entériner cette candidature qui planait encore depuis l’annonce par cette formation politique de sa satisfaction au sujet du rapport général des états généraux de la démocratie. Avec l’échéance présidentielle qui se profile à l’horizon, le meeting de samedi prochain a de fortes chances pour les militants de l’Ajd/Mr de se transformer en grande fête afin de saluer la candidature de Sarr.
Pour le moment les principaux cadres du parti d’Ibrahima Sarr se focaliseraient sur des objectifs tels que le règlement définitif du passif humanitaire, le partage du pouvoir politique entre les différentes communautés, une politique volontariste pour l'éradication de l'esclavage, la loi criminalisant cette pratique honteuse – laquelle s'est avérée n'être qu'un texte de plus désincarné et caduc – ; en plus de l'instauration d'un service militaire obligatoire pour ouvrir l'armée à tous les fils du pays, ce qui devrait favoriser un meilleur recrutement et ressouder les corps constitués autour de l'idéal d'une nation unie par la force de sa diversité.
Toujours est-il que la future élection présidentielle risque d’être très difficile pour les différents prétendants, en particulier ceux qui seraient investis par des partis politiques sujets à des dissidentes politiquement "préjudiciables", dont les auteurs battent des mains et des pieds pour soutenir la candidature du Général Mohamed Ould Abdel Aziz, ou, du moins, son homme d’ombre.
Quel cheval de bataille ?
Déjà , la candidature d’Ibrahima Sarr a l’insigne particularité de présenter une nouveauté dans un pays dirigés depuis plusieurs décennies par des présidents pour lesquels l’éradication de l’esclavage, la lutte contre le népotisme, le clientélisme et le communautarisme n’ont jamais été une véritable préoccupation. L’espoir nourri par les américains dans leur nouvel chef noir ne pourra-t-il pas profiter à nous pour donner la chance aux autres, pour leur montrer concrètement que la Mauritanie n’est pas seulement arabe, mais aussi négro-africaine.
Un président noir ne peut-être que la consécration ultime de la fin des systèmes « Apartheid », comme, cela fut le cas hier en Afrique du Sud, comme c’est le cas aujourd’hui aux Etats-Unis et comme ce pourra être le cas demain en Mauritanie.
Ibrahima Sarr serait plus habilité à gérer le passif humanitaire sans verser dans l’extrémisme nocif à la nation. Il plaide pour l’officialisation constitutionnelle des langues nationales (soninké, pular et wolof). Il est aussi l’homme qui a toujours proné la thèse d’un gouvernement d'union nationale pour associer toutes les forces politiques à l’œuvre de construction nationale.
Contenir la tempête interne ?
En décembre dernier, à quelques jours de la tenue des Etats généraux de la démocratie, l’Ajd/Mr a été confrontée aux plus durs jours de son existence, avec cette aile dissidente en son sein qui est partie aux EGD avant que le Bureau politique du parti n’examine la question.
Finalement, les deux camps se sont retrouvés sur le même bateau, à la différence près que les dissidents seraient plutôt favorables à la candidature du Général Mohamed Ould Abdel Aziz, alors que les conformistes cautionneraient plutôt celle de leur chef. Reste à savoir si le meeting du 31 janvier prochain arriverait à cicatriser les plaies et à faire éviter au parti de partir en rang dispersé vers une présidentielle où l’union ferait à grand peine la force.
Parmi les principaux dissidents, étaient cités entre autres MM. Diop Amadou Tidjane, Sow Amadou Moctar, Alassane Hamady Soma Ba dit Balas, Tabara Ba, Mourtodo Diop, Farba Habib Ndiaye, qui avaient organisé d’ailleurs un meeting consacré au soutien du Haut Conseil d’Etat.
Pour terminer, notons que le candidat indépendant de mars 2007, de la cause des "opprimés" comme il se vantait de le dire, est journaliste de formation. Il a été radié de la radio mauritanienne en 1986. C’est dans les années 70 qu’il avait commencé son militantisme politique.
Il a participé à la création en 1983 du mouvement des Flam, où il était chargé de la communication, avant d’être arrêté en 1986. C’est là qu’il allait purger quatre ans de geôle à Nouakchott, Aioun et Walata, où certains de ses camarades avaient trouvé la mort.. Ibrahima Sarr militait au sein de l’Alliance populaire progressiste (App) avait de claquer la porte pour créer le Mouvement pour la réconciliation nationale.
Mohamed Ould Mohamed Lemine
mdhademine@yahoo.fr