06-01-2006 06:58 - « BILAL » de Mohamed Baba : La révolte d’un intellectuel mauritanien
« Bilal », est le livre de 187 pages que vient de publier le Mauritanien Mohamed Baba aux éditions l’Harmattan. L’œuvre fait un diagnostic sans complaisance de l’esclavage et de la torture cautionnés par l’ex-régime.
La torture et l’esclavage en Mauritanie n’apparaissent qu’en filigrane dans les premières pages du livre. Un couple franco-mauritanien est au bord de la séparation. La femme, une Française du nom de Muriel et ses parents s’opposent à l’envoi d’Hamza en Mauritanie où il deviendrait, par la lignée de son père Bilal, un esclave. « Pense au moins au petit. Tu nous avais montré des images de gamins de la famille de tes maîtres qui n’étaient guère encourageantes pour laisser partir notre petit Hamza », s’inquiète l’épouse de Bilal.
Mais celui-ci tient à amener son fils dans son pays pour lui faire découvrir la tradition de son pays et, ceci, malgré les tentatives de dissuasion de ses gendres. Bilal a choisi de tenir tête aux personnes qui cautionnent ces pratiques, plutôt que de rester en France. « Je préfère être esclave dans un pays qui est le mien, plutôt que libre chez les gens qui me traitent d’ancien esclaves. Je veux lutter contre ma condition d’esclave », écrit l’auteur à la page 24. Même si l’œuvre peut être classé dans le courant du réalisme, le style de l’auteur emprunte parfois les chemins du naturalisme.
Bilal décrit, de façon détaillée, tel Emile Zola dans « Germinal », la disposition des cases dans son village natal Boghé. Certaines pages ressemblent à un carnet de route.
« L’entrée de la langue de Barbarie est occupée par des maisons basses et miséreuses des pêcheurs, reconnaissables aux odeurs de graisse de poisson plus ou moins séché », lit-on à la page 83.
Cette description n’apporte pas d’information sur la thématique centrale de l’œuvre et ne fait pas avancer l’action.
Par contre, la description des conditions de détention ou d’interrogatoire met en lumière tous les harcèlements et l’humiliation dont souffraient ceux qui n’épousaient les idées des anciens tenants du pouvoir.
« Ce fut très douloureux, tant ses jambes et ses plantes de pieds étaient enflées. Bilal avait à passer en cette compagnie et ne comptait pas engager les hostilités toute de suite », écrit l’auteur. L’originalité du livre se trouve surtout dans le style.
Bien que l’auteur relate l’expérience qu’il a vécue, il utilise tantôt la première ou la troisième personne du singulier pour faire avancer l’action. La narration est parfois entrecoupée de dialogues.
Bilal dévoile aussi les instruments mis en place pour légitimer l’esclavage. Les pages du livre nous informent sur les conditions de vie des ethnies soumises à l’esclavage.
Ces esclaves qui travaillent pour leurs maîtres. Il dénonce les brimades que subissent ses « harnani », une ethnie minoritaire, et les négro-mauritaniens dans la région Sud de la Mauritanie.
L’auteur est un Franco-mauritanien, Maître de conférence à l’Ecole Nationale de Chimie de Clermont-Ferrand, en France.
IDRISSA SANE