17-02-2011 21:58 - Qu’est-ce qui fait donc courir Ibrahima Moktar Sarr ?

Qu’est-ce qui fait donc courir Ibrahima Moktar Sarr ?

Le leader de l’AJD/MR M. Ibrahima Moktar Sarr vient de sauter à pied joints dans le plat de la cohabitation des nationalités mauritaniennes à travers le très sensible débat de la place des langues nationales.

Participant à une conférence-débat organisée par les partis de la Majorité présidentielle en Mauritanie, Ibrahima Moctar Sarr surprend l’auditoire en s’exprimant en langue poular. Il n’en fallait pas plus pour secouer la fibre nationaliste à fleur de peau de certains mauritaniens qui, passés la torpeur et l’effet de surprise, relancent le très passionné débat qui divise le pays.

Ibrahima Sarr
qui est plus connu pour ses talents d’homme de culture que d’acteur politique a bien calculé son coup : en parlant dans une langue reconnue par la Constitution comme langue nationale en même temps que le Hassaniya, le Soninké et le Wolof, il se défait d’un piège souvent tendu par les nationalistes arabes, à savoir l’accusation de défendre une langue étrangère de surcroit celle du colonisateur au détriment de l’Arabe, langue du coran.

On se souvient qu'en mars 2010, presqu'un an jour pour jour, le premier ministre Ould Laghdaf et la ministre de la Culture Cissé Mint Boyda avaient défrayé la chronique et provoqué des manifestations de protestation des mauritaniens francophones suite à des déclarations provocatrices tendant à minimiser le rôle et la place du français, langue abusivement identifiée comme celle des négro-africains (de nombreux arabes de Mauritanie scolarisent leurs enfants en français et pratiquent cette langue mieux que l’arabe).

Prémonition : le journaliste par qui le scandale était arrivé –Khalilou Diagana avait interpellé le Premier ministre au sujet de la difficulté que certains avaient à accéder au discours en arabe- s'était posé une question : Qu’aurait-dit le premier ministre si nous l’avions interpellé en wolof ?

L'acte posé par Ibrahima Moctar Sarr oblige pour une fois, les mauritaniens à discuter sans faux-semblant ni hypocrisie : quelle place revient à chacune des langues qui se côtoient en Mauritanie ?

Khalilou Diagana a aujourd’hui une partie de la réponse à sa question avec cette sortie de Ibrahima Sarr qui n’en est pas à son premier coup d’éclat.

Un dangereux provocateur ?


Du temps où il était député pour le compte de AC, ses interventions à l’Assemblée Nationale de même que celles de Messaoud Ould Boulkheir au sujet du « passif humanitaire » (évocation pudique des crimes commis sous la dictature de Ould Taya entre 1989 et 1991) furent la raison principale invoquée par les autorités pour justifier la dissolution du parti Action pour le Changement.

Ibrahima Moctar Sarr
récidivera plus tard en demandant la révision du nom et des symboles de la République (hymne national, devise…). Ses positions jugées sectaires par certaines franges nationalistes arabes lui vaudront l’inimitié de certaines formations de la majorité présidentielle qui surfent sur la vague de l’unité nationale pour demander la dissolution du parti AJD/MR. Ce qui est d’ailleurs souvent reproché à Ibrahima Moctar Sarr c’est le fait de se « spécialiser » dans les questions de droit de l’homme et la question nationale alors que d’autres sujets nationaux auraient mérité autant d’intérêt de la part d’un homme politique d’envergure nationale.

Les limites de l’homme.

Ibrahima Moctar Sarr qui s’est forgé une dimension de leader national et de porte drapeau de la communauté noire depuis l’élection présidentielle de 2007, a pour principal mérite de matérialiser la diversité du peuplement et du leadership politique en Mauritanie. Il est sur le terrain et partage les souffrances de ceux qu’il défend, s’exposant aux humiliations et aux vexations quotidiennes. Mais il traine aussi des lacunes en ce sens qu’il ne parvient pas à transformer l’essai en fédérant les courants et mouvements qui poursuivent le même idéal.

Décrit comme un homme pouvant s’emporter facilement, Ibrahima Sarr, de l’avis de ses connaisseurs, aurait encore du chemin à parcourir pour habiter le rôle de leader et en porter le costume. Le coup d’Etat militaire perpétré par le Général Ould Abdel Aziz contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, seul civil démocratiquement élu dans l’histoire de la Mauritanie, restera longtemps comme un boulet au pied du leader de l’AJD/MR. Il s’est contenté de « prendre acte » d’une atteinte aussi grave à la Constitution de la République. La pilule eut du mal à passer.

De même, le départ d’une partie des cadres du parti consécutivement aux débats qui ont suivi ledit putsch a été perçu comme un signe de faiblesse de la part d’un parti qui n’a pas réussi à déployer les efforts nécessaires pour garder l’équipe soudée à travers un compromis salutaire (un mauvais compromis vaut mieux qu’un…).

En outre, nombreux sont ceux qui attendent que Ibrahima Moctar Sarr parvienne à trouver le moyen de rassembler les forces qui sont sur le même bout de l’échiquier politique que lui pour mettre un terme aux dispersions mortelles (FLAM, PLEJ, HARATINES, défenseurs de l’égalité et de la justice de quelque couleur qu’ils soient).

Dans le même ordre d’idée, Ibrahima Moctar Sarr est perçu comme étant plus homme de culture que leader politique. Il lui faudra apprendre à se dédoubler ou à ranger provisoirement dans l’armoire son caftan d’homme de culture pour arborer le costume de leader politique s’il veut éviter de brouiller le message. C’est à ce prix-là qu’Ibrahima Moctar Sarr pourra ensuite se positionner comme un vrai leader d’envergure nationale.

Ce qui lui fait sauver la face cependant, c’est qu’il a eu le mérite de refuser par deux fois au moins de rejoindre un gouvernement sans un programme politique clairement défini. Le procès de celui qui va à la soupe ne peut donc lui être fait.

Et comme dirait Mandela – à qui Ibrahima Moctar Sarr vient de consacrer des CDs- «celui qui est au centre dune lutte politique, qui doit répondre à des problèmes pratiques pressants sans avoir le temps de la réflexion et alors qu'aucun précédent ne peut le guider, celui-là est amené à faire nombreuses erreurs. Mais avec le temps, et pour peu qu'il soit souple d'esprit et disposé à examiner son travail avec un œil critique, il finit par acquérir l'expérience nécessaire, par devenir assez prévoyant pour éviter les embûches ordinaires et maintenir le cap dans le tumulte des événements».

En attendant, les observateurs avisés de la scène politique lui donnent acte de ce qu’il pimente les événements en posant le doigt sur la plaie. Le temps aidant, les mauritaniens retiendront peut-être plus ses contributions au débat que ses erreurs de parcours, car sur une chose au moins l’homme met tout le monde d’accord : il a des convictions bien ancrées et en paie le prix. Reste une question lancinante : Mais au juste, que disait-il dans son discours en poular ?





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Source : Poullori Galo
Commentaires : 8
Lus : 1311

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Commentaires (8)

  • whataworld (H) 18/02/2011 15:47 X

    mdslhb,

    Laisse moi t'informer tres rapidement qu'il n y a pas eu un gouvernement qui n'a pas voulu travailler avec Sarr et il a refuse. Il n'a pas refuse parce qu'il ne veut pas travailler avec un gouvernement, amis il a refuse par ces gouvernements lui ont demande de venir sans conditions. C'est la raison pour laquelle il a fallu un an de negociations avec la majorite presidentielle pour qu'il y'ait signature d'accord.

    Meme Ahmed Daddah considere que la question de l'unite nationale est tres sensible et ne veut pas en parler. C'est pourquoi il a chasser Sarr de la COD.

    Aussi peu que Monsieur Sarr represente, il est le seul en ce moment a amener la question epineuse de la cohabitation et des langues nationales, au palais gris. Tous les autres ont peur de "choquer", parce qu'ils croient que demander ses droits c'est semer la division.

    Merci Monsieur Sarr pour aller de l'avant dans tes convictions, n'en deplaise certains meme de ton camp.

    Ainsi va la vie.

  • BLAKGEND (H) 18/02/2011 12:25 X

    Monsieur CATOMA...etc .

    Je te suis très reconnaissant de suspendre tes commentaires, car il m'est d'avis que tu ne vas débiter que des aneries. Je ne te connais pas, mais ta foudroyante sortie démontre ton intolérance et tes limites. Tu parles de lois. Quelles lois? Sinon celles votées par des ignares de ton acabit.

  • hamadel (H) 18/02/2011 11:38 X

    bon courage vous etes le seul a qui on peut compter aupres CPM
    A BAS ceux qui te denigrent ils sont frustres de votre ascension mais rien ne peut contre la volonte d'ALLAH

    longue vie a sarr

  • mdslhb (H) 18/02/2011 11:24 X

    Ibrahima n'a pas refusé d'aller dans ces gouvernements comme vous dites, c'est les gouvernements qui n'ont pas voulu de lui. D'où sa haine contre Sidioca qui l'a amené à soutenir l'insoutenable : un coup d'Etat militaire contre le seul président démocratiquement élu en Mauritanie, chose aberrante de la part de celui qui prétend défendre l'égalité et la justice.

    Il est bien allé à la soupe, (ou bien il veut bien) depuis le 6/6 (...). Avec qui a-t-il signé un programme de ralliement à la majorité ? Avec la Majorité ?

    Elle ne gouverne pas : une seule personne gouverne (en solitaire ou avec des conseillers bathistes occultes) actuellement le pays. Le programme sur la base duquel il a officiellement rallié la "majorité" n'est qu'un alibi.

    Pour ce qui concerne la défense des langues nationales, c'est bien que Sarr s'exprime dans sa langue maternelle, mais l'a t-il fait par démagogie ou par conviction ?

    Défendre une langue, et parler pour ne pas être compris font 2 choses différentes. Les plus grands défenseurs de la promotion de toutes nos langues nationales n'ont pas besoin de coups d'éclats, comme pour combler un "manque" ou pour "apparaître comme"....

  • Doussam (H) 18/02/2011 10:13 X

    Je dirai au commentaire nr 1 " catomatravihme" cette citation de Gorges BRAQUE: ""La vérité existe, on invente que le mensonge"

    Vous avez beau vous roulez par terre, vociférer votre haine et votre impuisssance devant le cours des évènements qui vont surprendre plus d'une personne, jamais vous n'allez faire de votre slogan raciste un message porteur.

    Des hommes comme vous sont toujours broyés par le cours des évènements. Ibrahima Mokhtar Sarr n'a pas besoin de reconnaissance des négatifs qui se promènent dans les ténèbres, des obscurantistes, mais des hommes de valeur et des patriotes. En vérité, seule la vérité blaisse.

  • lerigoleur (H) 18/02/2011 03:58 X

    Décidemment, il y a ici certaines personnes qui ont des réelles difficultés avec la liberté d’expression. Quand un article déplaît à ces personnes, elles attaquent tout de suite cridem de partialité. Non c’est trop facile monsieur catomatravihme !

    Cridem nous offre tout simplement la possibilité de disposer d’un espace d’expression un niveau duquel chacun pourra apporter son opinion sur tel ou tel sujet qui touche ma communauté nationale. Ici on peut réagir en toute liberté pour apprécier ou critiquer l’orientation politique d’un parti ou d’un leader politique dans la limite du respect de la charte qui encadre le site. Et C’est très bien comme ça !

    Sachez monsieur catomatravihme le jour où cridem se rangera derrière un leader ou un parti politique, il perdra aussitôt sa crédibilité et ses visiteurs par la même occasion. Moi en tout cas, j’ai l’impression que le traitement fait de l’information est presque pareil pour touts les partis et leaders politiques. Arrêtez de nous bassiner avec ce supposé partialité de cridem. C’est un fantasme et c’est ridicule à la fin!

    Arrêtez aussi de penser que les bons mauritaniens sont au pays les mauvais à l’étranger qui salissent l’image du pays et qui n’ont aucun droit de s’emparer de la chose mauritanienne.

    Monsieur catomatravihme ne vous s’inquiéter pas la Mauritanie n’a pas besoin de ses fils de l’étranger pour salir son image, certains de ce qui sont au pays s’en charge avec professionnalisme sans faille. En effet, ceux qui salissent l’image de la Mauritanie pullulent du plus haut niveau de l’Etat aux policiers au coin de la route.

    Alors arrêtez de stigmatiser l’expatrié et de le rendre coupable de tous les maux de la société. Pourtant ces mauritaniens de l’étranger participent au développement du pays. Ils essaient de pallier l’insuffisance de l’Etat. Là où l’Etat ne construit plus d’écoles, des dispensaires, les expatriés se mobilisent pour le faire à sa place dans nos villes et les villages. Je pense que partir construire son projet de vie à l’étranger ne doit altérer en rien sa mauritanité monsieur catomatravihme.

  • morelam (F) 18/02/2011 03:55 X

    "En outre, nombreux sont ceux qui attendent que Ibrahima Moctar Sarr parvienne à trouver le moyen de rassembler les forces qui sont sur le même bout de l’échiquier politique que lui pour mettre un terme aux dispersions mortelles (FLAM, PLEJ, HARATINES, défenseurs de l’égalité et de la justice de quelque couleur qu’ils soient)."

    ce paragraphe dit tout voila ce que MR IMS a besoin je pense qu'il doit commencer a travailler sur ce probleme je sais que MR sarr est tres horgueux mais il peut faire mieu s'il aller ce mettre ajenoux devant certaines personnalites negro africain pour les conduirent dans sont partie mais j'y doute...

    en politique il faut savoir jouer la politique politicienne ce qui manque a sarr

  • catomatravihme (H) 17/02/2011 22:20 X

    Un fût plein est obligatoirement lourd. La comparaison avec Mandela me donne de la nausée; c'est pour celà que je suspend mon commentaire, tout en rappelant aux gérants du présent site, qu'il est claire contrairement à l'égalité éspérée, que cridem est plus disposée à ceux qui ne sont même pas reconnus par nos lois, ceux qui luttent pour la division du pays, ceux qui tiennent à donner une mauvaise image de notre pays à l'exterieur, ceux qui n'ont rien à perdre en Mauritanie et qui font tout pour ne pas voire s'envoler leur "nationalité"européenne.

    ----------------------------------------------------

    Monsieur Catomatravihme,

    Pour votre info, ceux que vous désignez par "...ceux qui ne sont même pas reconnus par nos lois,... " disent exactement le contraire.

    La parole est donnée à tous, y inclus vous comme vous pouvez le constater

    Le webmaster Cridem