18-03-2013 01:29 - Les supputations d’un pain

Les supputations d’un pain

Je m’appelle Pain. Et comme tous les pains du monde, j’ai des surnoms : Pain Chaud, Pain Riche, Pain Moisi, Pain Rassis, Pain Sec, Pain de singe, Pain « Lakhdhab »… Vous me voyez tout petit, tout maigrichon, maintenant, et pourtant j’avais été bien gros aux belles heures de ma gloire (perdue, snif !!).

Il a fallu tout un processus de restructuration, d’ajustement, de redressement, de salut public et de rectification pour que tous se souviennent que j’avais l’âge de mes artères – comme Mathusalem ou l’ancêtre Lucie. Je me suis promené partout avant d’atterrir à Haay Essaken dont le carrefour vient juste (si vous venez de l’aéroport de la capitale) après celui d’Aziz, notre actuel Président.

Qu’est-ce que vous croyez ? Je suis un pain mauritanien, fier de l’être et vertical comme un i majuscule. Que ça me fasse honte ou pas, le Président de ce pays est aussi mon Président. Peu me chaut donc que ce Raïss s’appelât Moctar, Sidi, Ely, Maham, Mahmoud, Abdoul ou qu’il soit l’homonyme du fils d’Abou Soufiane.

Ben, oui ! Nous, Pains, nous sommes comme l’eau : nous avons la couleur du récipient qui nous contient. Nous avons la nationalité des fours qui nous produisent, des boulangeries qui nous façonnent.

Et nous votons ; nous votons parce que nous sommes des Pains républicains. Je suis un Pain mais, je vous dis – huc et nunc – qu’il y a pain et pain. Le vrai pain et les faux pains : les gâteaux (que ceux qui gravitent autour du pouvoir partagent) et autres croissants (pas toujours lunaires - le comportement de certains, ici, à défaut d’être bien catholique, n’en demeure pas moins peu pieux) ne sauraient être confondus avec nous.

Mais bon, comme tout pain qui se respecte, nous autres pains vivons avec notre temps, pauvres thermomètres – comme les vaches, tiens ! – d’un pays à la démarche de canard (d’autres diront oie) (ndeysaane, yaadu kankaleewal, jaBBal madam !!). Nous vivons avec notre temps et nous faisons comme les autres pour beurrer… euh… notre pain, ayant compris, depuis belle lurette, qu’il y avait… euh… euh… du pain sur la planche ; et qu’au risque de passer des jours sans… pain, nous devions rouler les autres dans… la farine, notre élément.

Résultat : dans la communauté des descendants du blé, on retrouve : les « Pain-RDS », les « U-Pain-R », les UD-Pain, les « M-Pain-R », les « A-Pain-Pain » mais aussi les mal bronzés (c’est-à-dire nos cousins les « Biscuits ») : Ehel ADIL, Oulad RFDêh ou gallé AJDêh. Quant à la fraction des « UF-Pain » (descendante en ligne directe des « Kaaddi-mbourou-Hiine »), son arbre généalogique ne se confond que rarement avec le tronc commun qu’était le « Pain-Pain-M » qui avait recyclé certains de ses fils sous l’appellation peu flatteuse de « Kaaddi-mbourou-Hiine de Mariam » Daddah (s’entend).

Oh ! Oh ! Oh ! Etant un pain qui déteste être mangé à toute les sauces, je regardais tous ces pains s’agiter dans tous les sens jusqu’au jour où un grand galonné de la place déclara que désormais il était commis à la bonne marche du grand four (crématoire ?) qu’était la Mauritanie.

Cet illustre nouveau boulanger ne tarda pas à nous convaincre qu’il savait bien tourner les rotatives et, à grandes fournées et par GAB(egie)s entiers, il envoya dans les braises toutes sortes de farines malaxées, mais ayant oublié –par suffisance sans doute – la levure, ce Général peu gêné aux entournures, produisit un pain semblable au « kisré » de chez lui, version Lemdenne, Gaabouniya, M’Haymelaat… que très peu de monde appréciait.

Et plus les jours s’ajoutaient aux jours, les semaines aux semaines et les mois aux mois, le Pain rétrécit, se rabougrit, se mua en moignon, sa vie dépendant largement du prix qu’affichait son ennemi : la station d’essence. Aujourd’hui, beaucoup se demandent si le nouveau (pas si nouveau que ça) boulanger national et ses assistants sont du Pain béni, la joie qu’avait suscitée leur arrivée renvoyant à la boutade de Lord Chesterfield parlant de l’amour : « Le plaisir est bref et la position ridicule ».

Ha ! Ha ! Ha ! Nous, pauvres Pains, étions si contents et riions des autres. Mais nous avions oublié l’essentiel : « Quand vous vous courbez pour regarder le derrière de celui qui est devant vous, celui qui est derrière vous regarde votre derrière !! »…

Rachid LY


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Commentaires (5)

  • conseillerbenevol (H) 18/03/2013 12:24 X

    En complément à mon commentaire précedent, voici le lien qui mène à l'important article qui a attiré 10 fois plus de lecteurs à cause de son caractère plus sensationnel: http://www.cridem.org/C_Info.php?article=640904.

  • conseillerbenevol (H) 18/03/2013 12:21 X

    Au moment où je poste ce commentaire l'article résumant l'hitoire du pays comme l'a si bien dit ANTIGABEGIE n'est lu que par 209 internautes alors que l'article lisible sous le lien suivant et qui proposé aux lecteurs 11 heures après lui est lu plus de 1100 fois.

    Cela dénote de la paresse de nos internautes qui ne cherchent que le sensationnel et néglige tout ce qui ne l'est pas et qui, parfois, comme dans le cas de cet article mérite d'être lu, commenté et médité.

  • Matamou (H) 18/03/2013 12:10 X

    Article croustillant, à croquer sans modération. Mais, hélas, en ces temps de dèche, notre pain national, cet aliment de base le plus démocratique, rassemble bien plus à un pain de Mie très peu sucré avec, comme toujours, une absence de croûte croustillante et le caractère excessivement moelleux de sa Mie. Et vogue la galère.

  • ANTIGABEGIE (H) 18/03/2013 11:30 X

    "khoulassa metghachiryaa yeghaï ebmanaha". Conclusion en apparence vulgaire mais pleine de sens.

    Mon cher pain.

    Le paradoxe est que plus tu deviens mégichon et faible plus on n'a des difficultés à te gagner.

    C'est bien entendu le résultat de toute l'histoire par laquelle notre pays a passé

  • serranus (H) 18/03/2013 09:28 X

    Rachid,
    belle réflexion teintée d'humour mais très instructive.