23-12-2013 17:26 - L’AJDM/MR au bord de l’implosion : pourquoi le professeur Diallo Alpha a-t-il démissionné du parti ?

L’AJD obtient son récépissé le 8 Avril 2001, à la suite d’une scission avec Action pour le Changement AC dont Ibrahima Sarr était le Secrétaire Général. Suite à leur exclusion de AC , signée par Ibrahima Moctar Sarr lui-même, les membres fondateurs de l’AJD :
Kébé Abdoulaye, Alpha Diallo,Cissé Amadou Cheikhou dit Mody, Sarr Mamadou Oumar, Diba Abdoulaye, Hapsa Dia, Sow Amadou Moctar, Ba Abdoul Aziz, Ball Fadel, Hapsa Dia prouvèrent par leur militantisme et leur engagement résolu contre toute forme de dictature, qu’ils étaient bien capables de créer un parti.
A sa création, c’est Diallo Alpha qui en assuma la plus haute fonction celle de Premier Secrétaire et Kébé Abdoulaye celle de Président du Conseil National. Au congrès d’Avril 2002, Alpha Diallo, souffrant de diabète et d’hypertension à la fois, céda la Direction à donc Mody Cissé qui le remplaça à la tête du parti.
Ce « petit » parti politique, disposant de très peu de moyens humains, matériels et financiers, se retrouva pourtant en première ligne pour la résolution de la question nationale et sociale, et pour la défense du retour des déportés mauritaniens. En effet, l’ADJ avait fait du retour des déportés son cheval de bataille.
En 2007, lors de l’élection présidentielle, l’AJD, mue par une double volonté de voir ses idées triompher et surtout d’avoir un candidat négro-africain pour défendre les intérêts de l’ensemble des Mauritaniens, décida d’amener Ibrahima Moctar Sarr et d’en faire un candidat externe au parti, oubliant sa responsabilité dans la récente signature d’exclusion de AC.
Ibrahima Sarr, avec l’appui de l’AJD, obtint un score historique à l’élection présidentielle de 2007. L’engouement suscité par cette performance donna un second souffle à l’AJD et aboutit à la création de l’AJD/MR.
Lors du congrès du parti, les cadres et dirigeants historiques de l’AJD – Mody Cissé, Diallo Alpha et Sarr Mamadou Oumar – firent montre d’une grande ouverture d’esprit en consentant un certain nombre de sacrifices politiques. Une fois encore, ils affichèrent leur ambition première : faire briller les idées et les valeurs prônées par le parti.
C’est donc dans ce sens que le parti décida d’accueillir les leaders des Flam Rénovation et les amis d’Ibrahima Sarr, leur offrant des rôles de premier plan au sein du bureau politique. Dans le même temps, l’AJD/MR intégra de nombreuses autres personnalités indépendantes qui avaient participé à la campagne présidentielle, sans pour autant être membres officiels du parti avant la tenue du congrès.
Le mouvement Flam Rénovation n’avait à l’origine aucune base politique. Le mouvement n’était représenté à l’échelon national que par leur président, Ba Mamadou Bocar, revenu en Mauritanie juste avant l’élection présidentielle de 2007. Ba Mamadou Bocar fut ainsi nommé premier vice-président du bureau politique, bien qu’il n’ait regagné le parti qu’avec le congrès.
Ousmane Diagana fut chargé des relations extérieures, même s’il n’était pas résident mauritanien puisqu’il vivait en France, où il se trouve encore aujourd’hui.
L’AJD/MR sous la présidence d’Ibrahima Sarr connaîtra le début de la spirale infernale dont l’aboutissement va être successivement l’expulsion de quelques cadres du bureau politique dont Amadou Moctar Sow, Ba Abdoul Aziz ,Diallo Alassane Borti, Balas, Ba Mamadou Kalidou, Ngaédé Kalidou, Diop Amadou Tidiane entre autres, la démission de plusieurs membres du conseil national et le départ de très nombreux militants.Depuis la création de l’AJD/MR et la nomination d’Ibrahima Sarr à la tête du parti, celui-ci a perdu bon nombre de cadres de son bureau politique et des milliers de militants.
Parmi les cadres du bureau politique, certains choisirent de démissionner car ils ne se sentaient plus en phase avec les orientations du parti.
Parallèlement, d’autres membres du bureau politique furent exclus au motif qu’ils étaient en désaccord avec la position adoptée par le parti lors du coup d’Etat de 2008, qui entraîna la destitution du président Sidi Ould Cheikh Abdallah et la prise du pouvoir par le général président Mohamed Ould Abdel Aziz.
La médiation de nombreuses personnalités, les appels à la négociation et au compromis lancés par les militants ne suffirent pas à empêcher le président Ibrahima Sarr et ses amis de FLAM rénovation d’exclure les « rebelles » du parti.
Furent donc renvoyés du parti : Ba Alassane Hamady dit « Balas », Ba Mamadou Kalidou, Wane Abdoul Birane, Ba Abdoul Aziz, Diop Amadou Tidiane, Ngaidé Kalidou, et bien d’autres membres du bureau politique et du conseil national. Autant d’hommes réputés pour leur liberté de parole et leur capacité à s’opposer aux décisions prises par le président dès lors qu’ils les pensaient contraires à l’intérêt du parti.Par la suite, on confia à Ibrahima Sarr le poste de secrétaire général de l’opposition, pour son soutien à Ahmed Ould Daddah lors du second tour de l’élection présidentielle face à Sidi Ould Cheikh Abdallah.
L’AJD/MR dut alors désigner un deuxième homme pour rejoindre le secrétariat de l’opposition en tant que salarié de l’institution. Ibrahima Sarr porta son dévolu sur Ba Mamadou Bocar, mais sans en référer au bureau politique de l’AJD/MR dont pourtant il aurait dû, en toute logique, avoir l’accord ou tout du moins, par pure politesse, consulter les membres fondateurs historiques (Mody Cissé, Diallo Alpha et Sarr Mamadou Oumar, à l’origine de l’ADJ).
Dans un souci de sauvegarder la cohésion du parti, ses fondateurs historiques acceptèrent la situation et ne firent pas état publiquement de leur désaccord.
La présence contestable de la femme du président au sein du bureau politique.
Faisant fi des demandes répétées de plusieurs membres importants du parti, Ibrahima Sarr refusa de choisir entre sa présence et celle de son épouse au sein du bureau politique.
Cet article n’a pas vocation à commenter la vie privée du président et respecte le droit de chacun de vivre avec la personne de son choix. Cependant, dès lors qu’un président de parti partage sa vie avec une femme qui elle-même est membre du bureau politique du dit parti, il se doit de choisir : soit rester à la tête du parti, auquel cas son épouse devra renoncer à son poste au sein du bureau politique ; soit démissionner de ses fonctions, pour que sa femme puisse conserver sa place au bureau politique. Il s’agit ni plus ni moins d’éviter la survenance de conflits d’intérêts, les suspicions ou les accusations de favoritisme.
Elections législatives et municipales du 23 novembre 2013 :
le président a été désigné tête de la liste nationale, et son épouse, désignée comme tête de la liste nationale des femmes et Ba Mamadou Bocar, tête de liste à Nouakchott, après un grand tiraillement avec Alpha Diallo au sein du Bureau Politique.
En ce moment, Ibrahima Sarr aurait pu faire preuve d’une grande élégance en proposant à Alpha Diallo ou à Ba Mamadou Bocar - qui ont tous les deux des statures présidentielles, l’un pour avoir dirigé le parti pendant toute la période de sa gestation et deux ans après sa naissance et l’autre pour sa position de deuxième vice-président du parti – la direction de la liste nationale et s’en tenir lui, au fait que c’est son épouse qui occupe déjà la tête de la liste des femmes.
Ainsi, il n’aurait pas violé les principes d’équité et de partage du pouvoir entre militants et le parti aurait pu être sauvé parce que l’un d’eux allait diriger la liste nationale et l’autre, la liste régionale de Nouakchott.
Mais nos leaders politiques sont ce qu’ils sont même quand on leur donne le statut de Président, ils ne voient que leur égoïsme primaire et leur intérêt proche, incapables de s’élever au niveau de l’intérêt général qui justifie pourtant leur présence à la tête des institutions.
Le choix de participer à des élections pourtant boycottées par plusieurs partis d’opposition se révéla fort judicieux à plusieurs titres. En effet, d’une part, ce boycott électoral augmenterait les chances du parti de gagner de nouvelles circonscriptions et, d’autre part, il lui permettrait sans doute d’obtenir un score honorable pour la liste nationale.
Ainsi donc, le bureau politique valida la liste des candidats choisis par le président, après un simulacre de vote organisé en son sein pour les départager. Mais, en fait, c’est le président Ibrahima Sarr allié aux Flam Réno (tous derniers venus au parti) qui imposa son ami en le plaçant à la tête de la liste des législatives de Nouakchott. Il faut préciser que ces personnes du Flam Réno désignées comme membres du bureau et comme têtes de liste des législatives n’ont jamais monté une cellule, une section, une sous section ou un comité pour le parti .
Par contre toutes les cellules, sections et sous section de l’AJD ont été montées par le président Alpha Diallo et ses amis déguerpis de AC par IMS depuis 2001. Ces personnes ne sont que des arrivistes issus de Flam Rénovation, auxquels se sont ajoutés d’autres individus qui lui sont acquis et qui ne contesteront jamais ses décisions.
De même, le choix pour le moins contestable de Ba Mamadou Bocar comme tête de liste à Nouakchott pour les élections législatives fut l’élément déclencheur, la goutte d’eau qui fit déborder le vase et entraîna la démission du Président Diallo Alpha.
Aucun des responsables du bureau politique n’a eu le courage de se présenter dans une circonscription à scrutin majoritaire à deux tours. Pourtant, ils auraient trouvé là une belle opportunité de tester leur capacité à mobiliser l’électorat autour de leur personne.
Finalement, le parti obtint 2,61 % des suffrages soit 15567 voix, pour quatre sièges à l’assemblée nationale, dans un contexte électoral rendu a priori favorable grâce au boycott du RFD, de l’UFP et des petites formations politiques négro-africaines.
L’AJD obtient quatre députés, Ibrahima Sarr, Ba Mamadou Bocar, Thiam Ousmane et Saoudatou Wane.
L’élection de ces quatre députés, pour une formation politique qui n’avait aucun élu, est une très bonne avancée mais le faible score obtenu au niveau national amène à se poser des questions sur la pertinence de la stratégie du parti.
Union pour la République arrive en première position avec 127580 voix, soit 21,34%, Rassemblement National pour la Réforme et le Développement: 81744 voix, soit 13,68%, Alliance Populaire Progressiste 44700 voix, soit 7,48%, Sursaut de la jeunesse pour la Nation: 25706 voix, soit 4,30%, Parti El Wiam: 22888 voix, soit 3,83%, Union pour la Démocratie et le Progrès: 20470 voix, soit 3,42%, AJD/MR : 15567 voix soit 2 ,61%.
Ce faible score de 2,61 % place donc l’AJD/MR en septième position, loin derrière les autres formations politiques, des mouvements politiques dont certains ont été fondés seulement une année auparavant.
L’AJD/MR a néanmoins réalisé un bon résultat à Nouadhibou, grâce à la mobilisation et à l’esprit de rassemblement qui ont toujours caractérisé les militants de cette ville. Plus particulièrement, c’est la motivation et la capacité mobilisatrice des jeunes de Boghé qui, comme à chaque élection, ont permis au parti de prendre la deuxième place derrière l’UPR à Boghé.
En revanche, dans les autres villes, ces élections furent pour le parti un échec cuisant, surtout dans les villes du Sud (Bababé, Mbagne et Kaédi) et dans la région de Gidimakha. La situation est donc pour le moins inquiétante.
Même en France, où le mouvement Flam Rénovation est censé disposer d’une structure militante bien implantée, le parti a obtenu seulement 35 voix sur 322 votants. La représentation française du parti se compose de deux membres du bureau politique nommés par le président.Quelle légitimité peut-on alors accorder à un membre du bureau politique incapable de se porter candidat dans sa circonscription ou de mobiliser plus de 30 personnes le jour de l’élection ?
Il faut à présent, pour le président Ibrahima Sarr et ses amis de Flam Rénovation, tirer les leçons de cet échec électoral. Il est temps qu’ils renoncent à leurs mandats et qu’ils cèdent la place à la nouvelle génération qui a déjà fait ses preuves sur le terrain, comme en témoignent les bons scores obtenus à Boghé, Nouadhibou, Sebkha, El Mina et Ryad.
De la nécessité d’un rassemblement avec les forces politiques négro-africaines pour peser sur la scène politique nationale.
Aujourd’hui, force est de constater que l’AJD/MR a perdu l’esprit d’ouverture et de rassemblement qui la caractérisait et qui fut le fer de lance du mouvement, dès sa création par les fondateurs historiques.
Le parti se retrouve donc isolé dans le paysage politique national, refusant le dialogue avec les autres formations politiques et les groupements de la société civile qui défendent pourtant les mêmes idéaux (PLEJ, TPN, MPR, Flam, canal historique, Arc-en-Ciel, RAG, etc.).
Le président Ibrahima Sarr et ses amis de Flam Rénovation, ne tenant aucunement compte des demandes pressantes des militants, ont refusé la main tendue par les Flam et d’autres formations politiques négro-africaines à travers leur implication directe dans la campagne de l’AJD/MR à Nouadhibou, tout comme au début du compagnonnage de Ibrahima Sarr avec l’AJD, ce dernier est venu de lui-même s’impliquer dans la campagne de l’AJD pour le boycott de la constitution lors du référendum de 2007 .Les raisons de ce rejet sont liées à des règlements de compte entre anciens camarades ou à de petits problèmes d’égo d’Ibrahima Sarr qui pense avoir été insulté dans le Net par les éléments du Flam canal historique.
Pourtant le retour, des Flam en Mauritanie, avec l’accueil triomphal réservé au président Samba Thiam et à sa délégation, fut un événement unique et mémorable. Evènement que le parti aurait pu – ou dû – mettre à profit pour renouer le contact avec les frères des Flam. Mais, Ibrahima Sarr, n’écoutant que son orgueil, n’a fait qu’une petite visite de courtoisie au président Samba Thiam et campe toujours sur sa position qui consiste à demander un face à face avec ceux qu’il considère comme des impolis qui l’ont insulté.
Voilà donc comment le parti s’est coupé de sa base et a perdu, au cours des cinq dernières années, plus de la moitié de son électorat.
Ibrahima Sarr doit quitter la tête du bureau politique, comme il doit quitter le parti, condition essentielle pour ouvrir de nouvelles perspectives à l’AJD/MR et surtout faciliter son rapprochement avec les autres formations politiques (PLEJ, Flam, MPR, Arc-en-Ciel, TPMN, RAG).
Pour jouer un rôle-clé sur la scène politique nationale, l’AJD/MR doit tout d’abord retrouver ses valeurs fondamentales, celles qui primaient du temps de ses créateurs historiques : cohésion, rassemblement, partage.
De même, le parti doit regagner un mode de gouvernance démocratique et promouvoir une dynamique de dialogue avec tous les partis et mouvements politiques présents sur le terrain.
De plus, les membres du bureau politique qui ne se sont pas présentés aux élections locales faute de circonscription, ainsi que ceux qui ont échoué dans leur mission de mobilisation des électeurs, tant en France qu’en Mauritanie, doivent abandonner leurs fonctions. Leur légitimité en tant que membres du bureau politique est trop compromise pour leur permettre de continuer.
Ensuite, le parti doit rompre avec Ibrahima Sarr et ses amis, qui ont montré l’étendue de leurs dégâts par leur incapacité à rassembler et à travailler avec leurs militants et les autres formations politiques.
Enfin, il convient que le parti se dote d’une nouvelle direction, apte à prendre en compte les réalités politiques actuelles et à s’instruire de ces réalités.
Ba Samba Djiby
Boghé, Mauritanie.
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