03-05-2015 14:30 - Nouvelle de Aichetou Ahmedou : HARCÈLEMENT SUITE N°3

Nouvelle de Aichetou Ahmedou : HARCÈLEMENT SUITE N°3

Adrar-Info - Il se recula juste assez pour lui permettre de tirer la chaise à elle, tout en l’effleurant au passage. La chaleur de ce corps d’homme trop proche la brûla pendant un moment, comme un fer rouge. Quand elle sentit une protubérance dure lui frôler la hanche, le rouge de la honte lui monta au visage. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait si honte. Elle n’avait rien fait de mal.

Mais elle avait dû sentir au fond d’elle-même, même si c’était de façon encore inconsciente, qu’elle venait d’être souillée et son intégrité morale et physique atteintes. Elle se laissa lourdement tomber sur la chaise, encore sous le choc, étourdie par ce qui venait de se passer.

Sa tante Tahya l’avait exhortée à se méfier des hommes comme de la peste, de tous les hommes, y compris des frères et même du père. ‘’Ne laisse aucun d’eux t’approcher de trop près. Ne t’assois jamais à l’endroit où un homme était assis. Fais attention à leur urine dans la rue, ne l’enjambe jamais.’’

Sultana, son unique amie, en faisait des gorges chaudes :

‘’Cette tradition maure veut nous faire croire que les spermatozoïdes stagnent partout où un homme passe et qu’ils sont à l’affût de tous les corps féminins qui s’en approchent, pour leur sauter dessus. Elle est bien bonne celle-là’’, s’esclaffait-elle.

A la fin de sa journée de travail, son père vint la récupérer. Dès qu’elle le vit, elle sentit son visage redevenir cramoisi, comme si son père pouvait deviner ce qui s’était passé. Elle n’avait pas revu son patron de la journée et elle s’en était trouvée considérablement soulagée.

En ramenant leur fille chez eux, il eut une pensée nostalgique pour les femmes de sa race, le bruit des verres à thé qui s’entrechoquent, l’odeur euphorisante de l’encens et piquante du henné et même le raclement sur le sol des chaussures des visiteurs imprévus.

Mais le plus souvent, il appréciait encore plus le calme, la fraîcheur et la propreté du nid douillet que lui avait aménagé Tatiana, ainsi que l’odeur doucereuse de la cannelle et de la vanille dont elle usait sans modération, dans sa cuisine un peu spéciale de femme originaire de la lointaine ville d’Oulianovsk, des bords de la Volga.

Au moins, Tatiana leur épargnait la présence intempestive, le plus souvent sale et parfois malhonnête d’un domestique.

Sa sœur, Tahya, ne pensait pas comme lui bien évidemment, mais c’était sa vie à lui et personne n’avait le droit de s’y immiscer, même sa sœur unique, qu’il adorait par ailleurs. Elle réprouvait l’éducation à l’européenne qu’elle dispensait à Leila et aussi le fait que Tatiana n’avait pas voulu avoir d’autre enfant, après la naissance de Leila.

Yeslem était un accident, un oubli providentiel, pour lequel Tahya rendait chaque jour grâce au Seigneur.

Leila se confia à Sultana le soir-même. Celle-ci entra dans une rage folle et traita son amie de mauviette. ‘’Tu aurais dû le gifler, ce salopard’’, éructa-t-elle.

‘’Mais, tu sais bien que je ne peux gifler personne’’, se récusa Leila. ‘’Je sais, ma douce, s’attendrit-elle, mais à notre époque, ça ne marche plus. Si tu ne te défends pas, becs et ongles à l’appui, tu te feras piétiner sans pitié. Il faut changer ça et vite, ma belle’’.

Leila l’observait parler avec une affection admirative et une moue dubitative. Son amie ajouta d’un ton déterminé : ‘’A ta place, je l’aurais giflé et envoyé un coup de pied où je pense. Non mais !!’’

Par le passé, lui raconta-t-elle, le harcèlement était toléré, parce que la femme allait de toute façon repousser toutes les avances de tous les hommes, par respect des convenances sociales et religieuses. Si elle vivait une relation amoureuse avant le mariage, c’était une véritable guérilla qui l’opposait alors à son amoureux, et à chaque rencontre, un combat inégal, où la lutte avait la première place. Un corps à corps sans merci où la femme était parfois réellement malmenée physiquement et pouvait se casser les doigts, le poignet, le coude et même se démener une épaule.

‘’Tu vois, c’était pas donné, concluait-elle, secouée par un rire doux et gai. Et ça, c’est le cas de la femme qui est a priori consentante. Alors, imagine l’autre cas. Celle qui n’est pas d’accord pour se laisser tripoter en était pour ses frais. Elle n’avait aucune possibilité pour se faire entendre et encore moins comprendre.’’

Perplexe, Leila buvait avidement ses paroles, fascinée par ce monde, tellement contradictoire, tellement complexe et si subtil à la fois, dans la gestion de cette complexité-même et de toutes ces contradictions. Sultana termina d’un ton docte et sentencieux : ‘’Ne le laisse plus recommencer, sinon, il s’enhardira de plus en plus. C’est en se taisant, que les femmes finissent par se faire violer. Les femmes qui subissent ce genre d’avanies doivent briser le silence pour que ça cesse.’’

Et effectivement, son patron s’enhardit chaque jour de plus en plus. Elle se dit, désespérée, quelle devait impérativement quitter son emploi. Pourtant, elle avait tant besoin de son travail. Il lui permettait une autonomie financière qu’elle appréciait beaucoup. Et cela faisait quelque temps qu’elle mettait de l’argent de côté pour pouvoir s’offrir un Iphone. D’un autre côté, quelle excuse inventerait-elle aux siens, pour expliquer son départ.

Il essayait de lui prendre la main, qu’elle retirait avec la vivacité d’une brûlée vive. Sa main aussi baladeuse qu’une vache en plein hiver (une comparaison que sa tante adorait sortir à tout bout de champ) effleurait sa poitrine, sa joue, son épaule. Elle le repoussait avec toute la vigueur de ses petits bras potelés et le suppliait d’une petite voix craintive de la laisser tranquille. Ce qui avait sur lui un effet plutôt stimulant.

Leila n’en reparla plus à Sultana, car cela lui faisait de plus en plus honte et elle n’osait plus en parler du tout. Elle craignait aussi l’impétuosité et l’impulsivité de son amie, qui risquait de trahir son avilissant secret.

Un jour, il la ceintura de près et essaya de l’embrasser. Sa fougue lui fit perdre l’équilibre. Elle trébucha et se retint à la table. Ce dont il profita pour la tripoter à son aise. Le sang ne fit qu’un tour dans sa tête. Ivre de rage, elle saisit l’agrafeuse et lui en assena un violent coup sur le crâne. Le sang jaillit et éclaboussa sa chemise.

Fou de colère et de douleur, il la gifla si violemment qu’elle se cogna la tête contre le mur. Fulminant de rage, il sortit en tenant un kleenex appuyé sur sa blessure, pour que personne ne puisse la voir.A sa sortie, deux ou trois employés s’affairaient dans la salle informatique, attenante au bureau de Leila.

Ils firent semblant d’être si occupés, qu’ils n’avaient rien vu ni entendu du grabuge, qui pourtant leur était clairement parvenu du bureau de la pauvre Leila. De toute façon, leur patron agissait ainsi avec toutes les femmes qu’il recrutait, c’est pourquoi elles ne restaient jamais longtemps. Là, il était tombé sur une femme du genre craintif et naïf.

A suivre …./

………………………………………………………………………………………………………

Précision : Je tiens à préciser que cette histoire n’a pas été vécue par moi ni par une de mes connaissances. Il s’agit tout simplement d’un sujet d’actualité, que j’ai voulu aborder, comme toutes les causes sociales qui m’interpellent. Merci

Aichetou



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Commentaires (4)

  • el makhlough (H) 24/05/2015 17:13 X

    Aichetou, on est pas dupes, on sait que c'est du vécu et du personnel et bravo pour le coup de l'agrafeuse sur la tête, si vous aviez visé 84 cm plus bas et en lâchant une bonne rafale d'agrafes "sur la protubérance", celle de votre premier jour qui vous a effleuré la hanche, vous ne pouviez pas l'oublier celle là, ainsi vous auriez rendu service et vengé toutes les précédentes.

  • KANTAKI (H) 04/05/2015 10:01 X

    Dommage que vous n'avez pas su utiliser votre imagination romanesque sur un sujet plus intéressant. Le harcèlement sexuel est une seconde nature dans les sociétés "puritaines" et le décrire revient à faire une incartade au sacré saint principe d'opacité qui l'entoure culturellement... Deçu quand vous évoquiez "la protubérance qui lui frôla la hanche"...Est ici du harcèlement, on est dans l'action ou bien vous êtes trop permissive dans votre entendement du harcèlement... Votre nouvelle s'enrichit de domaines érotiques qu'il est interdit de conter...sachez que le sexe n'est pas pour jouer, ni pour faire rêver...Évitez les sentiers communs!

  • cricri (H) 03/05/2015 16:26 X

    Tu pouvais titrer ton histoire "Comment devenir une pouffiasse de nos jours"

  • Moutalli (H) 03/05/2015 16:04 X

    Histoire à quatre sous, digne de Pauline Réage! Le contexte mauritanien ne se prête pas encore à ce genre de littérature (érotique)! Quant à vous,Aïchetou, vous auriez dû utiliser un pseudonyme...Heureusement que c'est écrit dans une langue étrangère qui ne ratissera pas large...!