08-03-2016 22:30 - Ebola, le jour d’après

Ebola, le jour d’après

Le Quotidien de Nouakchott - Décembre 2015. Dans le quartier de Matoto, l’une des banlieues de Conakry où l’on a enregistré 2 morts lors des manifestations contre les délestages en février 2014, les agents de la société publique Électricité de Guinée (EDG) arpentent d’étroites ruelles à bord de leur véhicule de service.

Au bout du téléphone, le chef du secteur donne des indications pour la visite d’un échantillon d’installations électriques, vieilles comme le monde. Quelques minutes plus tard, nous voici au marché Enco 5, dans la commune de Ratoma, au milieu des tas d’ordures et de câbles posés à même le sol.

Les conversations ici ne tournement pas autour d’Ebola et la date du 29 Décembre censée marquer la fin de l’épidémie est accueillie avec un optimisme modéré. Véritable bazar à ciel ouvert, Enco5 est présenté par les agents d’EDG comme l’archétype des zones où les raccordements au réseau électrique restent problématiques en Guinée.

On est loin des coupures intempestives, jusqu’ 5 à 6 fois par jour, ayant poussé à la révolte des populations il y’a plus d’un an. Depuis la mise en fonction du barrage hydro-électrique de Kaléta en septembre dernier, la Guinée semble entrevoir le bout du tunnel après des décennies d’obscurité.

De kaloum à Lambanyi, les enfants peuvent désormais s’adonner à leur occupation favorite à la tombée de la nuit : taper du ballon rond sur des rues éclairées, sous les yeux hagards des automobilistes, contraints d’user de leurs klaxons pour se frayer un chemin.

Kaléta, c’est effectivement une nouvelle capacité de production (240 mégawatts), mais le problème, selon les techniciens qui se relaient 24h sur 24h, se trouvent ailleurs, au niveau de la distribution dont le réseau est à réhabiliter.

Tout un défi. De l’autre côté de la capitale, au 6eme étage de l’immeuble chemin de fer, les regards sont désormais tournés vers un nouveau venu dans le secteur. Au terme d’un accord conclu avec l’appui du Groupe de la Banque mondiale, Veolia dispose depuis quelques mois d’un contrat de services de gestion énergétique auprès d'EDG pour une durée de quatre ans, avec à la clé 12, 6 millions USD.

A terme, Veolia va contribuer à améliorer l'efficacité du réseau électrique et le développer dans le pays, en gérant les installations de production jusqu'à la distribution d'énergie. Changement de décor. Nous sommes à Forécariah, à un peu plus de 50 Km de la frontière avec la Sierra Léone.

C’est dans cette zone, classée parmi les plus dévastées par le virus Ebola, que le dernier cas a été identifié, un nourrisson d’à peine quelques semaines dont la mère et sa coépouse n’ont pas survécu. Guérie après deux tests négatifs, c’est une petite fille que le monde entier a vu dans les bras de son père le 29 décembre 2015, quand la Guinée fut déclarée débarrassée du virus.

Ce que l’on sait moins, c’est l’immense désarroi que cette famille a vécu au cours des derniers jours qui ont précédé la fin de l’épidémie. Saidoubah Sylla, le père de famille rencontré le 4 décembre dans son village, est un jeune cultivateur au destin brisé.

Ebola lui a pris les deux femmes de sa vie et rendu orphelins 4 enfants ; ces derniers vont à présent devoir lutter le reste de leurs vies contre les stigmates du virus qui a habité leurs frêles corps. Pendant leur confinement aux Centres de Traitement d’Ebola ( CTE) de Forécariah et Conakry, ils ont vécu le bagne du condamné à mort, sans avoir la moindre idée de ce qui leur arrivait. Leur père en a tiré une leçon : Ne pas savoir de quoi et pourquoi mourir est un supplice difficile à supporter.

A quelques encablures de là, dans le campement de Haourou, une petite communauté de paysans soussous rend hommage au Seigneur de l’univers pour lui avoir épargné la vie. Face aux ravages d’Ebola, ils avaient compris que l’ignorance et la résistance aux consignes du personnel médical, qui lui-même a payé un lourd tribut, étaient les deux principaux ennemis.

Avec l’aide de la coordination de lutte contre Ebola, le campement s’était constitué en un ‘’ site sentinelle », où les habitants font leur propre surveillance active pour ne pas tomber dans les trappes.

Du crieur public qui appelle aux lavages des mains, à la gestion des corps avant leur enterrement et la remontée des informations sur tout cas suspect, Haourou est un cas d’école pour la surveillance et la riposte à l’échelle villageoise. C’est aussi l’autre grande leçon de cette tragédie humaine : la gestion communautaire de l’Ebola a été un des grands désastres, à côté d’une infrastructure sanitaire complètement anémiée.

Taleb Ould Sid’Ahmed,
(Chercheur)



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