05-12-2016 11:35 - La guerre ancestrale entre éleveurs et agriculteurs se poursuit en Mauritanie

La guerre ancestrale entre éleveurs et agriculteurs se poursuit en Mauritanie

DuneVoices - L’automne mauritanien connaît toujours une recrudescence des risques de frictions et de querelles entre les éleveurs et les agriculteurs. Il s’agit de tensions qui menacent parfois la paix sociale, comme en témoigne ce qui s’est récemment produit entre éleveurs et agriculteurs appartenant à deux tribus différentes dans les banlieues de la commune de Sankerafa de la province de Brakna dans le centre de la Mauritanie.

Les habitants de la campagne mauritanienne se divisent en deux catégories : des éleveurs qui vivent tout au long de l’année de l’engraissement et de la vente de leur bétail et des agriculteurs qui profitent de la saison pluviale en automne pour cultiver leurs terres et vendre leurs récoltes par la suite.

Mais du fait de l’absence de surfaces exclusivement consacrées aux pâturages et du fait que ces derniers se confondent le plus souvent avec les surfaces cultivées par les agriculteurs, les autorités locales dans les provinces de Brakna et de Gorgol enregistrent fréquemment des plaintes portées pour violation de cultures par du bétail.

C’est d’ailleurs ce qui a été à l’origine d’une grosse bagarre entre agriculteurs et éleveurs de la tribu de Fellane. Et bien qu’aucune arme n’y ait été utilisée, plusieurs blessés sont tombés dans les deux camps.

Par ailleurs, avec la peur grandissante d’une sécheresse qui frapperait probablement la province de Brakna l’année prochaine à cause du manque de pluies enregistré cette année, de très nombreuses tribus se sont vues obligées de surveiller de plus près leurs champs, de crainte que leurs cultures et leurs pâturages ne soient dévastés par les innombrables têtes de bétail appartenant à d’autres tribus originaires d’Adrar et d’Inchiri.

Mbarek Ouelt Ahmed, un agriculteur qui habite à Lemlizem, assure que plusieurs dizaines de moutons appartenant à des éleveurs étrangers au village ont violé ses terres et dévoré ses cultures, ne lui laissant que des racines sans fruits.

D’une voix altérée par le courroux, Mbarek nous confie que, voyant tous les efforts qu’il avait consentis avec sa famille pour voir éclore ces fruits maintenant réduits à néant par l’arrogance des propriétaires de ces bêtes, il a pensé à en tuer quelques unes pour venger ses cultures. C’est finalement la peur de provoquer davantage de tensions et de se retrouver en prison qui l’a poussé à y renoncer.

En effet, les agriculteurs sont parfois poussés à abattre les bêtes qui s’invitent dans leurs champs et qui se trouvent en retrait par rapport au reste du troupeau appartenant à des éleveurs étrangers à la région. Très souvent d’ailleurs, ils les égorgent en douce, dans le dors de leurs propriétaires.

Mohamed, qui est éleveur, affirme pour sa part que les incessantes violations perpétrées par les troupeaux contre les terrains cultivés ont poussé nombre d’agriculteurs à prendre leur revanche en tuant secrètement des vaches et des moutons appartenant aux éleveurs intrus.

Cette pratique a surtout lieu dans la région d’Amboud qu’il a récemment visitée et où vit une majorité d’agriculteurs issus de la catégorie sociale des anciens esclaves.

Mohamed nous raconte également comment le conflit entre les agriculteurs originaires de Sankrafa et les éleveurs nouvellement arrivés au village et installés au niveau du kilomètre 5 a failli se transformer en véritable guerre civile, n’eût été l’intervention des autorités locales.

L’automne enregistre chaque année une augmentation du nombre de morts parmi les bêtes et, selon Mohamed, ce sont ses voisins agriculteurs qui en sont responsables. Très souvent pourtant c’est à une plante vénéneuse, le "Tenkikilit", qu’on impute ces morts par souci de préserver la paix sociale et d’éviter les conflits.

A noter enfin que le cheptel mauritanien compte 16.4 millions de têtes de bétail entre moutons et chèvres, 1.4 million de têtes de veaux et 1.4 million de têtes de chameaux.

En même temps, sur les 140 mille hectares mauritaniens exploitables, 30% seulement sont cultivés et servent à faire pousser le riz dans le sud du pays, tandis que de nombreux agriculteurs à l’est et au centre se limitent aux cultures de saison, en particulier pendant l’automne qui est la saison pluviale en Mauritanie.



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Source : DuneVoices
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