12-08-2017 20:16 - Libre Expression | Du déséquilibre territorial à l’inégalité sociale
Daouda Amadou - La véritable inégalité qui mine la République Islamique de
Mauritanie demeure l’inégalité territoriale.
Comment pouvons-nous
mettre chaque Mauritanien sur un pied d’égalité si, selon son lieu
d’habitation, il n’a pas accès aux mêmes droits, aux mêmes
opportunités et aux mêmes services ? Les territoires ruraux sont les
premiers territoires abandonnés, oubliés de la République. Le seul
moment où leur existence est prise en compte reste la période
électorale.
Les sources du problème sont multiples :
l’analphabétisme, des connaissances très limitées des enjeux
territoriaux et par ailleurs l’absence même dans notre Constitution
d’un rôle prépondérant des collectivités. L’article 98 de la
Constitution de 2006 ne consacre ni de pouvoirs, ni de moyens pour les
collectivités territoriales.
Leur existence n’est que symbolique. Les
collectivités qui souffrent le plus de ce déséquilibre territorial
sont les collectivités de la zone sud du pays. Ces collectivités, au
lendemain des indépendances, ont vu naître de grands intellectuels
mauritaniens au sein de lycées comme ceux de Kaédi, M’Bagne, Boghé,
Rosso pour ne citer que ces derniers. L’éducation étant la base du
développement, ces lycées n’arrivent même pas, de nos jours, Ã
obtenir 3% d’admis aux différents examens nationaux.
J’ai pu
avoir quelques informations relatives au système éducatif au niveau
d’Atar, Néma, Kiffa. Il a notamment été remarqué que l’Etat
envoie de plus en plus les quelques enseignants qui sortent des écoles
nationales dans ces localités. Par conséquent, il est possible de voir
un établissement ayant cinq enseignants pour un nombre d’élèves qui
ne dépasse pas la centaine et avec tous les moyens nécessaires pour
une bonne formation. En ce qui concerne le Sud et dans ma seule localité (tu ne dis pas laquelle ?), le nombre d’élèves est supérieur
à cent ; en revanche, le nombre d’enseignants au sein de cet
établissement, se limite à deux pour quatre niveaux de classe.
Le
système éducatif oblige le bilingue dans cet établissement, pourtant,
les deux enseignants sont unilingues. Dans cet établissement même les
craies font défaut, sans vous parlez des autres problèmes logistiques,
matériels et humains. Dans la seule année 2016-2017, près de quarante
enseignants ont pris leur retraite dans la région, aucun remplacement
étant effectué. Mon objectif n’est pas, dans ces quelques lignes,
de porter un jugement sur la personne des enseignants mais plutôt
d’essayer de faire la part des choses : l'Etat est là pour tous les
Mauritaniens, pas seulement pour une partie du peuple.
Je fais le point
sur cette désertification du Sud au profit du Nord. Nos hommes
politiques savent que ce problème existe, mais comme ils savent que la
population du Sud est particulièrement pauvre, ils l’éblouissent
avec de l’argent. Le changement ou le développement de la
Mauritanie dépend principalement du rôle que doivent jouer nos
collectivités territoriales.
Cela passe notamment par la formation des
acteurs locaux sur des projets territoriaux mais également par la prise
de conscience des élus des enjeux de nos territoires. Le droit ne se
donne, il s’arrache. Tant que nos élus locaux ne font pas barrage Ã
cette politique de désertification étatique, non seulement nous
demeurerons pauvres mais encore ruinés intellectuellement.
Daouda
Niang,
Manager Territorial
Université de Limoges
nzrou80@gmail.com
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