23-08-2017 14:04 - L'Edito du Calame : De Grab en Grab…

L'Edito du Calame : De Grab en Grab…

Le Calame - Deux semaines après avoir été kidnappé par des policiers en civil, le 10 Août dernier, alors qu’il jouissait toujours de son immunité parlementaire, le sénateur Mohamed ould Ghadda reste gardé au secret, entre la gendarmerie, la Sûreté d’Etat et la police économique.

Ce n’est que sept jours après son enlèvement que son avocat a pu enfin le rencontrer. Sept jours d’angoisse pour sa famille sans nouvelle de lui. La justice non plus, alors que dans un Etat normal, c’est elle et elle seule qui peut – doit – ordonner toute arrestation. Il aura fallu une semaine, au Parquet, pour se rappeler à nos (bons) souvenirs.

Il se fend d’un communiqué, rédigé apparemment à la hâte, faisant état d’« informations documentées, sur l’implication de plusieurs personnes dans des actes de complicité et de planification, en vue de commettre de crimes transfrontaliers de grande ampleur et étrangers aux mœurs et valeurs de notre société, dans le cadre d’une structure organisée, cherchant à semer le désordre et à perturber la sécurité publique ».

Ça ne s’invente pas. Pressé de partout, le pouvoir a voulu lâcher du lest. Tentative maladroite de se rattraper et de donner l’impression d’avoir respecté la procédure. Mais à supposer que ce fut le cas, ce qui est loin d’être vrai, pourquoi attendre une semaine, avant de donner une si vague information ? De quel droit le Parquet ordonne-t-il l’arrestation d’un sénateur qui jouit de l’immunité parlementaire ?

Que signifient « actes de complicité et de planification » ? « Crimes transfrontaliers de grande ampleur » ? Dans le communiqué, diffusé en arabe, il est fait mention de "crimes de gabegie transfrontaliers", un délit qui ne figure nulle part dans le droit pénal mauritanien. D’où l’idée de tordre le cou au texte initial.

Quels règlements de comptes veut-on encore nous faire avaler ? Et qui sont ces gens victimes de l’ire azizienne ? Le rejet, par le Sénat, des fameux amendements du Raïs, abasourdi par une telle effronterie, et le taux catastrophique de participation au referendum décrété, en suivant, par notre guide imprudemment engagé, à titre personnel, pour une si piètre victoire (on parle d’un taux de participation réel de 23%), ont singulièrement terni l’éclat d’un pouvoir qui ne sait plus où donner de la tête.

Son parti et ses ministres, avec, à leur tête, le premier d’entre eux, lui ont fait miroiter l’idée, fausse bien évidemment, que la consultation passerait comme une lettre à la poste. Avec le résultat qu’on sait. S’ajoutent, à ce climat pesant, une situation économique plus que morose, un mécontentement populaire qui ne cesse de prendre de l’ampleur, une opposition farouche qui ne lâche rien, des affaires qui n’arrêtent plus d’éclabousser la tête de l’Etat et un sénateur teigneux qui a juré de déterrer des dossiers pas vraiment parfumés. Que faire ?

Embastiller Ould Ghadda, pour le jeter en pâture à l’opinion, en espérant y faire oublier la déconvenue du referendum ? Et après ? Cela le fera-t-il taire ? Rien n’est moins sûr. Chercher d’autres boucs émissaires pour expliquer la fronde des sénateurs ? Indexer, comme au temps des pires régimes dictatoriaux, cette cinquième colonne qui « cherche à semer le désordre dans le pays » ?

Empêtré dans d’inextricables difficultés, Maaouya avait chargé ses services secrets de goupiller, en 2003, un plan diabolique, nommé Grab 1, pour envoyer les opposants en prison. Il s’avérera, plus tard, qu’il ne s’agissait que d’un montage grossier, inventé de toutes pièces. Alors, un Grab 2 en perspective ? On sait comment le premier s’est soldé, deux ans plus tard. Aurait-on, cette fois, l’opportunité d’en finir, dans les mêmes délais mais avec beaucoup plus de citoyenneté ? Grab… uge des urnes, donc, en 2019 ?

Ahmed Ould Cheikh



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Commentaires (3)

  • samba el bakar (H) 24/08/2017 13:12 X

    Dans un commentaire précédent,je suggérais au Président des pauvres le scénario suivant pour se maintenir au pouvoir:(" ").. "1-Laisser l' opposition faire son tapage médiatique jusqu'à atteindre un niveau où on trouvera que la sûreté de l' État est menacée alors vous les assignez tous en résidence surveillée. 2-Notre vaillante armée pour maintenir l'ordre et la discipline déclare l' État d'urgence (car on aura trouvé qu'il y a connivence entre opposition et ennemis de l' Extérieur) avec force de coups de clairons dans les médias et bruits de bottes sur la chaussée.Bien sûr les mesures d' accompagnement seront l' interdiction des partis,la dissolution de l' Assemblée et bien surtout la suspension de la Constitution. Les voix Internationales s' élèvent mais vous n' en avez cure car vous aviez averti au préalable Macron que c'est dans le cadre de la lutte antiterroriste . 3-Enfin vous promettez un retour à la Normale en désignant une Commission ad hoc chargé d' élaborer une nouvelle Constitution qui ne limitera plus le nombre de mandats.Comme cela tout le monde est gagnant " A présent qu'avec l' affaire kafkaïenne du sénateur Ould GHADDA ,mon plan a un début d' exécution,j' exige des droits d' auteur.

  • Lebatmohamed (H) 23/08/2017 15:59 X

    Décidément , nous avons le gouvernement le plus bête du monde. Il croit que cette histoire cousue de fil blanc peut tromper qui que ce soit. À côté de cette affaire de "corruption transfrontalière ", le fameux Grab de Taya apparaît comme un chef d'œuvre de finesse et de bon sens. Le ministre de la justice , ce vieil avocat cinique, a glissé sous les pieds de Aziz une peau de banane qui va le déstabiliser pour longtemps.

  • leguignolm (H) 23/08/2017 14:16 X

    Un adage "un serpentiez finira toujours d'être victime d'un serpent" sa façon de gérer les choses n'a rien avoir aux règles jeu!Il croie trop avoir la confiance en lui et il s'est parmi!