18-10-2017 10:45 - L'Editorial du Calame : Cour des miracles

L'Editorial du Calame : Cour des miracles

Le Calame - L’affaire dite « Ould Bouamatou et consorts » n’en finit pas de faire des vagues. Alors que les prévenus ont été, soit envoyés en prison, soit placés sous contrôle judiciaire, depuis près de quarante-cinq jours, l’instruction n’a commencé que mercredi dernier 11 Octobre.

Les juges formant le pool chargé de la mener n’en semblent nullement pressés, bien que le Code pénal exige un procès rapide, lorsque l’accusé est placé en détention provisoire, lors d’affaires de corruption ( !!!!). Même si les charges sont légères et le dossier vide, ils auraient pu tenter, au moins, de sauver la face, en respectant un semblant de procédure.

Mais il y a longtemps que notre justice n’essaie même plus de faire semblant. Elle est devenue une annexe du pouvoir exécutif qui l’utilise, à sa guise, pour régler ses comptes, envoyer en prison ou placer sous contrôle judiciaire. Le malheur est que les juges, qui disposent, au moins sur le papier, d’une certaine liberté de manœuvres, se retrouvent très souvent sur la même longueur d’onde que le Parquet.

En fait, il est utopique d’exiger une quelconque indépendance de « notre » justice, quand les promotions, les nominations et les déchéances sont décidées par un Conseil supérieur de la Magistrature présidé par le chef de… l’Exécutif. Une bizarrerie mauritanienne, comme on en voit tous les jours.

Mais, bref, l’instruction sur le fond du dossier a donc commencé mercredi dernier. Et de quelle manière ! Premier à comparaitre, Mohamed Ould Ghadda a été extrait de prison, menotté, conformément à une directive décidée… la veille. Une façon de l’humilier un peu plus. Mais le sénateur est teigneux.

Placé, de force, dans la voiture qui l’amène au Palais de justice, il refuse de se mettre debout pour rencontrer le juge, tant que les menottes ne lui sont pas retirées. A 17 heures et las d’attendre, le magistrat reporte la séance au lendemain 10 heures.

Le jeudi, c’est donc un sénateur libre de ses mouvements mais en grève de la faim, pour protester contre ses conditions de détention, qui se présente devant le pool.

Ce sera, ensuite, au tour des autres sénateurs, des journalistes et des syndicalistes de passer sur le gril dans les prochains jours. Ils seront, soit envoyés en procès, soit libérés de toutes charges. De longues journées en perspective, pour des prévenus qui se demandent toujours par quel « miracle » a-t-on pu les accuser de la sorte et entraver leur liberté de mouvement, alors que les charges retenues contre eux prêtent à sourire.

Leurs avocats ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, en qualifiant l’affaire de « mascarade », montée de toutes pièces, pour faire payer, à certains, leur insolence et leur liberté de ton. Human Rights Watch s’est aussi jointe au concert de récriminations.

L’organisation internationale non-gouvernementale, qui plaide en faveur des droits humains et a partagé, en 1997, le prix Nobel de la paix, en tant que membre fondateur de la Campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonnelles, a publié un communiqué dénonçant l’arrestation du sénateur, « sur la base de vagues accusations de corruption » et la mise sous contrôle judiciaire de sénateurs, de journalistes et de syndicalistes, « dans une affaire qui consiste davantage à museler l’opposition au Président qu’à rendre justice ».

D’autres ONG, des Etats et des organisations de syndicats et de journalistes ont, à leur tour, dénoncé une cabale qui ne dit pas son nom. Ce qui n’a pas manqué d’hérisser notre guide éclairé, si convaincu du caractère providentiel de ses humeurs et de ses antipathies. Mais d’hérissements en déchirements, de rectifications en providences, d’antipathies en haines, vers quel effondrement un tel égocentrisme maladif mène-t-il la Mauritanie ?

Ce n’est pas seulement qu’on en soit obligé de dire, à l’entrée des juges au prétoire, « Messieurs, mesdames, la Cour des miracles ! », c’est que ces miracles, s’accumulent… avant que les miraculés ne se décident, enfin, à balayer la cour de ses abracadabrants éclairages présidentiels ?

Ahmed Ould Cheikh



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 4
Lus : 2520

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (4)

  • abouth (H) 18/10/2017 23:14 X

    La justice mauritanienne est réellement indépendante, si elle ne l'était pas ce directeur accusé de recèle de l'argent sale, sous forme de corruption que le concerné ne récuse pas, ce monsieur n'aurait pas eu tout le loisir de rédiger ses "éditoriaux -communiqués-politiques" absurdes... Si elle ne l'était pas, Cridem n'aurait pas eu tout le loisir de servir de caisse de résonance de la propagande contre le président Aziz et sa majorité, en censurant tout texte favorable au président. Si elle ne l'était pas, le trépied m/ediatico- politique, Le Calame-Cridem-Le360, n'aurait pas pu instiller constamment sa haine viscérale contre la Mauritanie et ses intérêts vitaux. Si elle ne l'était pas...

  • Le Docker (H) 18/10/2017 14:39 X

    Dire que la justice est dépendante de l’exécutif est connu de tout le monde même les vendeurs Bissap vous diront qu’il y’à un seul homme qui décide dans ce pays de tout jusqu’au prix du pain et du sel que l’on met dans la marmite du pauvre, la justice joue le jeu du président par manque de croyance à sa mission, les juges qui trahissent leur serment aujourd’hui auront besoin de justice demain. Cette mascarade dans la liberté d’expression et l’atteinte aux droits les plus élémentaires à atteint le sommet avec la fermeture des chaines de télévisions privées, maintenant il reste l’internet et plus particulièrement cridem. Aziz n’a pas encore dit son dernier mot, il est entrain de sombrer dans le vide et rien ne l’arrêtera, si les hommes ne se réveillent pas à temps, le navire à chavirer.

  • medabdul (H) 18/10/2017 13:00 X

    @ Ahmed cheikh,y'a longtemps que la justice en Mauritanie est sous les bottes du président et Aziz n'est pas le premier du genre, s'aurait été un pauvre kowry du brakna,ou un harratin de ton mederdra natal,y'aurait pas tout ce tintamarre autour d'eux; justice a plusieurs vitesses, compassion aussi a multiples visages, en fonction de la peau, et des milliards qu'on peut détenir....basta;

  • aminatat (H) 18/10/2017 11:52 X

    Contrairement à ce que vous affirmez encore en faisant preuve de mauvaise foi, la justice mauritanienne sous le président aziz est indépendante. Quand à la tenue du procès, il est normal que des enquêtes soient menées sérieusement afin de ne pas condamner des innocents ou d'acquitter des coupables. voilà pourquoi les procès n'ont toujours pas eu lieu. Vous ne connaissez pas les procédures mieux que les avocats et les juges. ALORS, arrêtez de raconter des histoires et d'accuser le président md ould abdel aziz qui n'est pas du tout intervenu de quelque manière que ce soit.