19-07-2018 15:51 - Comment éradiquer les fléaux de la pauvreté et de la précarité en Mauritanie?

Comment éradiquer les fléaux de la pauvreté et de la précarité en Mauritanie?

Le Calame - Sommaire --- Pour le musulman, la zakat est une obligation religieuse au même titre que la prière. Tout chef d’Etat musulman est tenu de veiller à son acquittement, même par la force. Reste à trouver le moyen adéquat pour sa collecte et sa distribution.

Création d’une Administration nationale de la zakat (ANZ), érigée en institution constitutionnelle pour sortir du cadre archaïque, désordonné et peu fiable de la distribution traditionnelle de la zakat.

Comme on le verra plus loin, le budget de l’ANZ sera, probablement, aussi important que le budget de l’Etat. Il se chiffrera, sans doute, en centaines de milliards d’ouguiyas. Avec cet apport colossal en argent frais, la zakat permettra d’améliorer le niveau de vie des classes sociales démunies, contribuant ainsi à apaiser les esprits et à calmer les tensions.

Outre le fait qu’elle viendra alléger considérablement les dépenses sociales de l’Etat : universités, hôpitaux et autres infrastructures de base, la zakat apportera aux nombreuses personnes éligibles, un revenu mensuel constant de l’ordre de 30 ou 40 000 ouguiyas pour l’éradication de la pauvreté.

Le chevauchement de la zakat et de l’impôt n’engendrera pas un manque à gagner pour l’Etat. La zakat est une dîme sur la fortune et non pas sur le revenu, comme l’impôt. Bien au contraire, la zakat va booster l’activité économique et, par effet induit, accroître les recettes fiscales.

Le budget de l’ANZ ne sera pas géré par les services de l’Etat. Cette gestion sera assurée par une institution indépendante et autonome (l’ANZ) qui tire sa force et sa légitimité de la Constitution.

Pour une transparence totale du fonctionnement de l’ANZ, le contrôle de la comptabilité et de la gestion de cette institution pourront faire l’objet d’un audit par un cabinet international d’experts indépendants qui publiera chaque fois, à cet effet, un rapport annuel sur son propre site.

Devant la crainte de voir une partie, même infime, de leur argent leur échapper, nombre d’hommes d’affaires et de gens fortunés vont, probablement, se dresser contre l’aboutissement de cette initiative et tout faire pour l’étouffer dans l’œuf.

Pourtant, il est prouvé que l’acquittement de la Zakat a un effet multiplicateur sur le patrimoine.

La mise en œuvre d’une telle initiative est de nature à mettre le pays à l’abri de graves secousses sociales, aux lendemains incertains.

Par ailleurs, les énormes revenus générés par l’ANZ mettront aussi à l’abri, durablement, contre les problèmes de déficits budgétaires qui, souvent, conduisent à solliciter un accord d’ajustement structurel avec le FMI.

Tout donne à penser qu’une telle initiative emportera l’adhésion massive et spontanée des Mauritaniens. Elle constituera, par ailleurs, une première mondiale qui sera, probablement, copiée par les Etats arabes et musulmans.

Elle pourra même s’avérer être un modèle de solidarité sociale originale qui sera enseigné dans les universités du monde entier.

On verra aussi, dans cette initiative, la négation du prisme déformant de l’idéologie dévastatrice des mouvements « jihadistes » qui altère l’image de l’Islam qui est une religion de paix, de tolérance, de partage et de solidarité.

II - Esquisse d’un organigramme pour l’administration nationale de la zakat



III - L’Étude 

La Zakat au temps du Prophète et des califes bien guidés

Pour pallier la propension à l'égoïsme, inhérente à la nature humaine, l'islam a institué la zakat. Du temps du Prophète et des califes bien guidés, la zakat était perçue et redistribuée équitablement entre les pauvres et les nécessiteux, contribuant ainsi à un nivellement par le bas de la société.

Dans les pays musulmans, l'acquittement de la zakat est une obligation religieuse au même titre que la prière. Ne pas acquitter cette dîme est une rébellion contre Allah et Son prophète.

En terre d'islam, il incombe au détenteur du pouvoir, monarque ou président, de faire respecter l'observation de ce pilier de l'islam. C'est une lourde responsabilité dont il devra répondre, personnellement, dans l'Au-delà, devant le Souverain Juge.

Son caractère obligatoire est indiscutable. Dieu a dit à l'adresse de Son prophète: "Prélève sur leurs biens une aumône (zakat) pour les purifier et promouvoir leur foi; prie aussi pour eux, ta prière leur donnera plus de sérénité. Allah entend tout et sait tout".1

Ce verset est une INJONCTION divine, un ORDRE donné au prophète. C'est pourquoi, quelle que soit la mauvaise foi ou les dérobades des uns ou des autres, rien ne pourrait soustraire le musulman au versement de cette dîme.

D'après Ibn al-Abbas, le Messager d'Allah envoya Mouaâd au Yémen et lui dit: "Appelle les gens à témoigner qu'il n'y a pas de dieu autre que Dieu et que je suis Son prophète. S'ils acceptent, fais leur savoir que Dieu leur a prescrit cinq prières par jour et nuit. S'ils l'acceptent, fais leur savoir que Dieu a frappé leurs biens d'une aumône légale (zakat) qui doit être versée par ceux, parmi eux, qui sont aisés et donnée à ceux, parmi eux, qui sont dans le besoin".2

Pour sa part, Abou Dharr a rapporté: "Je me dirigeai vers le Prophète qui se trouvait à l'ombre de la Kaâba. Lorsqu'il m'a vu, il dit: "Ils sont des perdants, par le Seigneur de la Kaâba!" Abou Dharr poursuivit: "Je m'assis tout près de lui, mais comme je ne pus rester longtemps, je me levai et dis: "Ô Envoyé de Dieu, que je sacrifie pour toi père et mère!

Qui sont ces perdants?"
. Il me répondit: "Les plus fortunés, à moins qu'ils ne dépensent leur argent par-ci, par-là, en aumônes (il fit des gestes devant lui, derrière lui, à sa droite et à sa gauche) (…)."3

Le détenteur du pouvoir, dans un pays musulman doit faire, si nécessaire, usage de la force pour le recouvrement de la zakat. C'est ce que fit, sans hésiter, Abou Bakr qui venait d'être investi calife de l'Envoyé de Dieu. En effet, à l'annonce de la mort du Prophète, beaucoup de tribus bédouines, voulant s'affranchir de la tutelle du pouvoir central de Médine, ont refusé de payer la zakat. Le contexte d'alors était très délicat. Les bédouins sont en révolte et un peu partout de faux prophètes se manifestent suivis par de nombreux adeptes.

Dans la Ville Lumineuse, en deuil, on appréhendait les menaces qui pesaient sur la pérennité de l'Etat islamique naissant.

Les Compagnons conseillèrent au nouveau calife de faire preuve de retenue et de surseoir, momentanément, à sa décision de forcer les rebelles à s'acquitter de la zakat.

Intransigeant, Abou Bakr, contre l'avis général, jura qu'il leur fera payer la dîme exactement comme du vivant du Prophète et ce, quelles qu'en soit les conséquences. Il ajouta qu'il s'agit là de l'application d'une prescription religieuse qui ne peut faire l'objet d'aucune tergiversation. Commencèrent alors des guerres dites "guerres d'apostasie" que le calife matera avec beaucoup de fermeté.

L’ANZ, une aubaine pour les pauvres et pour l’Etat

De nos jours, la collecte et la distribution de la zakat par un organisme d'Etat autonome s'avère, plus que jamais, être une priorité absolue. Le chômage endémique, la misère et la pauvreté qui frappent cruellement nombre de pays arabes, pourront être jugulés, en grande partie, grâce à un usage rationnel et inédit du produit d'une zakat généralisée et bien encadrée.

Si on excepte des expériences encore embryonnaires comme en Malaisie ou au Soudan, la zakat est gérée par des associations caritatives, notamment dans les Etats du Golfe.

Quelle que soit la générosité des donateurs, une telle gestion segmentée, fragmentée, ne peut répondre aux besoins de la masse des pauvres et des nécessiteux. Seule une institution centrale indépendante avec des moyens matériels et humains conséquents pourrait relever le défi de recenser et de venir en aide aux populations ciblées.

Pour sortir du carcan traditionnel actuel de cette distribution archaïque, désordonnée et peu fiable, on pourra envisager la création, dans chaque Etat arabe, d'une Administration Nationale de la Zakat, érigée en institution constitutionnelle.

Un référendum ou une réforme constitutionnelle votée par le Parlement réuni en congrès, adoptera cette modification constitutionnelle qui confèrera à cette nouvelle Administration un caractère national d'utilité publique. Une loi organique en précisera l'organigramme et les modalités de fonctionnement.

A première vue, le chevauchement de la zakat et de l'impôt pourrait faire craindre un manque à gagner pour les recettes de l'Etat.

Pour couper court à cette éventuelle polémique, il faut tout de suite préciser que la zakat est une dîme sur la fortune et non pas sur le revenu, comme l'impôt. C'est dire que ces appréhensions ne sont pas fondées. Bien au contraire, le prélèvement de la zakat va booster l'activité économique et par effet induit, accroître les revenus engendrés par l'impôt. En clair, les recettes fiscales seront plus importantes avec l'institution d'une zakat centralisée. Comment ?

D'abord l'assiette de l'impôt et autres taxes va être considérablement élargie car les assujettis seront beaucoup plus nombreux.

En effet, si on excepte les grands et moyens opérateurs économiques qui, pour la plupart, sont citadins et ont pignon sur rue, le nombre des personnes imposables est, somme toute, restreint. En revanche, les petits commerçants, les éleveurs, les agriculteurs du fait, notamment, de leur éparpillement échappent, dans leur grande majorité, au fisc.

Avec l'institution d'une Administration nationale de la zakat (ANZ), presque tout le monde sera concerné par l'acquittement de cette dîme. Des listes dûment établies par les services de l'ANZ seront alors disponibles, lesquelles constitueront un important potentiel de foyers fiscaux. Les revenus ainsi générés seront redistribués et auront un impact certain sur l'activité économique grâce notamment à la consommation des ménages ce qui, in fine, dopera la croissance.

Toutes les activités de l'ANZ comme la collecte de la zakat, la rémunération des fonctionnaires ou le fonctionnement de cette institution, seront autofinancés par cette même ANZ.

Non seulement l'ANZ apportera un revenu mensuel constant (revenu d'éradication de la pauvreté /REP) pour les populations déshéritées, mais en plus, elle viendra alléger de façon significative les dépenses d'investissement de l'Etat dans les écoles, les universités, les dispensaires, les hôpitaux, les mosquées et autres infrastructures de base.

L’importance de la zakat en islam et les barèmes pour son recouvrement

L'islam accorde un intérêt particulier aux personnes vulnérables. Cet intérêt est la clé de voûte du système social islamique qui repose sur la solidarité entre les différentes composantes de la société.

Si le modèle de solidarité sociale prôné par l'islam venait à être appliqué à la lettre, le cours de l'histoire de l'humanité en serait profondément bouleversé. Ce serait probablement, la fin de phénomènes récurrents comme la pauvreté, la précarité ou l'exclusion en terre d’islam. Ce serait aussi, sans doute, la fin des crises économiques, financières, des tensions sociales, des violences urbaines et cela aboutira à une réduction sensible des actes de délinquance…

Le système islamique de solidarité repose sur trois piliers essentiels :

La zakat, un impôt prélevé sur les riches pour être distribué aux pauvres et aux démunis ;

Al awqaf ;

Un système bancaire prohibant l'usure et la spéculation.

Le modèle économique islamique qui est d'inspiration divine constitue une voie médiane entre le socialisme et le capitalisme, à l'image de l'islam, lui-même qui est une religion du juste milieu. Ce modèle n'a jamais été expérimenté à grande échelle. En revanche, le socialisme a fait faillite et le capitalisme, au-delà des apparences, est en train de vivre les soubresauts de l'agonie.

La zakat, impôt sur les riches reversé aux pauvres représente la pierre angulaire du modèle économique islamique. En effet, l'islam considère que les pauvres sont des associés des riches.

La zakat n'est pas, comme on peut le penser, une obole offerte au pauvre par le riche mais un droit dû au pauvre sur les biens du riche. L'injonction divine faite au Prophète est sans appel: "Prélève sur leurs biens une part pour les purifier et élever leurs âmes".4

Ainsi tout capital, générateur ou non de revenus, possédé par un musulman est frappé d'un impôt – zakat ou aumône légale – au profit de la solidarité sociale. Voici grosso modo, les barèmes :

Pour l'agriculture non irriguée et non mécanisée donc ne nécessitant pas d'investissements 10%;

Pour l'agriculture irriguée, la zakat est à percevoir à hauteur de 2,5% ;

Pour les activités commerciales ou industrielles : 2,5 % ;

Pour les richesses minières: 5%;

Pour le bétail: à partir de 2,5% comme premier seuil. Elle se définit, pour chaque type de cheptel, (ovins, caprins, bovins, camelins) à partir d'un nombre déterminé de têtes et sa progression suit le croît du bétail concerné.

Ceux qui thésaurisent des fortunes qui ne sont pas dans le circuit économique doivent payer la zakat: comptes bloqués, propriétés foncières,5 or, pierres précieuses6…

Le produit de cette aumône légale est alloué aux pauvres et aux nécessiteux : "[Sachez que] les ayants droit à l'aumône sont: les pauvres, les nécessiteux, ceux qui travaillent à son recouvrement, les néophytes pour s'en rallier les cœurs, les captifs [pour qu'ils se rachètent], ceux qui sont accablés de dettes, ceux qui luttent pour la cause d'Allah et le voyageur démuni".7

La zakat étant une obligation, l'intention de la verser aux pauvres doit en précéder le versement. La zakat est due par tout musulman libre, majeur, saint d'esprit, et ayant un revenu minimum fixé par la loi islamique. Pas de zakat sur un bien à moins que son propriétaire ne la possède depuis un an.8

Les "dhimmis", ressortissants non musulmans de l'Etat musulman bénéficient aussi, le cas échéant, de la zakat et du Khoums.9 Une partie de la zakat peut également être affectée aux sinistrés…

L’argent généré par les revenus de la zakat a une affectation spécifique et exclusive : l’amélioration des conditions de vie des pauvres

On vient de passer en revue certains des aspects bénéfiques de l'institution encadrée de la zakat. En résumé, on peut mettre en exergue deux points: l'amélioration significative du pouvoir d'achat des démunis d'une part, et, d'autre part, l'augmentation des recettes fiscales de l'Etat, notamment, à travers la TVA.

On peut dire en conclusion que l'instauration d'un système de solidarité comme celui de la zakat permettrait aujourd'hui, s'il est appliqué convenablement, de doter les Etats arabes de ressources financières supplémentaires colossales qui seraient à même, sinon de résoudre tous les problèmes sociaux des classes défavorisées, du moins de contribuer grandement à leur solution.

Toutefois, une remarque importante s'impose ici. Le budget de l'ANZ sera probablement plus important que le budget de l'Etat lui-même. La tentation serait alors très forte pour les gouvernants de puiser dans ces fonds.

Chercher à renflouer les caisses de l'Etat à partir de l'argent de la zakat serait un manquement gravissime aux prescriptions religieuses. Le produit de cette aumône légale a une affectation spécifique et exclusive: l'assistance aux pauvres et aux démunis.10 Dans cette optique, l'ANZ pourra créer, sur le modèle islamique, une banque – qui sera probablement la plus importante du pays – pour le financement du logement social, les microprojets, les centres de santé comme les dispensaires de quartier, les bourses pour les enfants des pauvres, les allocations mensuelles d'indigence ou d'infirmité, etc., etc.

L'ANZ pourra, aussi, suivant la formule islamique placer, par ailleurs, certains de ses avoirs, moyennant rémunération, dans d'autres banques.

Une campagne d'explication et de sensibilisation devra être menée à grande échelle avec un argument sans appel: la zakat est une obligation religieuse au même titre que la prière. L'Etat pourra même exiger pour l'établissement de tout document administratif: passeport, carte d'identité nationale, signature ou légalisation de toute transaction… un quitus de la part des personnes éligibles à l'acquittement de la zakat.

Quelques remarques d’ordre général

Pour clore ces développements, quelques remarques d'ordre général :

Avec la création d'une Administration de la zakat, on tordra le coup aux stéréotypes et autres clichés véhiculés par les islamophobes, notamment, en Occident qui donnent une image peu reluisante des musulmans. On montrera ainsi le vrai visage de l'islam: une religion de paix, de solidarité, d'entraide, de tolérance et de partage.

Pour des raisons religieuses et économiques, tout laisse à penser que l'Administration de la zakat qui s'assigne pour objectif d'éradiquer la pauvreté, sera accueillie avec un enthousiasme et une ferveur populaires débordants;

L'Etat providence a montré ses limites aussi bien dans les systèmes socialistes que libéraux. En France, par exemple, il y a, officiellement, 6 millions de chômeurs et près de 10 millions de pauvres.11

On ne devra jamais perdre de vue, par ailleurs, que les récentes révolutions arabes se sont déroulées sur fond d'inégalités sociales;

Avec l'institution de l'Administration de la zakat et l'amélioration du niveau de vie des classes sociales démunies, on contribuera grandement à apaiser les esprits et à calmer les tensions;

Avec un corollaire important: couper l'herbe sous les pieds des islamistes radicaux qui recrutent essentiellement leurs partisans parmi ces couches populaires.12

En résumé, la mise en œuvre de l’initiative que nous venons de passer en revue, pourra générer un budget, probablement, plus important que celui de l’Etat.

Ce budget colossal pourra sinon éradiquer la pauvreté en Mauritanie, du moins la réduire considérablement.

D’autant plus, que cette initiative ne coûtera pas une ouguiya à l’Etat. Bien au contraire, elle augmentera ses recettes, dopera le pouvoir d’achat et boostera la croissance.

Mieux, elle allégera considérablement les charges de l’Etat en finançant nombre d’infrastructures à caractère social : écoles, universités, dispensaires, hôpitaux, routes, indemnités mensuelles d’indigence versées aux pauvres, généralisation de l’implantation des ‘’boutiques Emel’’ dans toutes les villes, villages et autres bourgs, achat et distribution gratuite aux démunis des aliments de bétail, etc. Sans oublier l’eau et l’électricité dans les régions enclavées du pays.

En débarrassant ainsi l’Etat de toutes ces onéreuses dépenses, elle constituera un ballon d’oxygène pour l’économie nationale dans l’attente des revenus financiers prometteurs générés par l’exploitation prochaine des hydrocarbures. Elle apaisera aussi les velléités de tension interne et renforcera la pérennité des institutions nationales.

Enfin, la mise en œuvre de cette initiative constituera une première mondiale qui sera, probablement, copiée par les Etats arabes et musulmans. Tout donne à penser qu’elle sera, par ailleurs, un modèle de solidarité originale qui sera enseigné dans les universités du monde entier.

Remarque et observations

D’aucuns pourraient rétorquer qu’ils préfèrent verser la zakat à des proches nécessiteux. Cette pratique, héritée d’une vieille tradition est devenue la règle dans beaucoup de pays musulmans. Au-delà de cette intention fort louable, il n’en demeure pas moins, que cette pratique n’est pas, tout à fait, conforme à celle qui avait court au temps du Prophète et des califes bien guidés. La zakat était alors perçue et versée dans le Trésor public (Bayat almâal). Puis, redistribuée aux pauvres et aux démunis.

Cette pratique d’acquit tement de la zakat en vigueur aujourd’hui a, entre autres explications, une raison historique : Après l’éclatement de l’empire musulman, on a perdu, avec le temps, la notion d’Etat central. Après Médine, Damas, Baghdad…, on a assisté à l’apparition d’entités autonomes. Les centres du pouvoir se sont ainsi multipliés et on a commencé à observer, pour des raisons souvent politiques, certaines déviances par rapport à l’orthodoxie religieuse originelle…

Quelque méritoire qu’elle soit, cette distribution de la zakat aux proches, ne peut répondre aux besoins de la masse des pauvres et des nécessiteux. Car elle reste, somme toute, un peu, comme une goutte d’eau dans un océan de pauvreté et de misère.

Pas de méprise. On doit faire la distinction entre la zakat et l’aumône. La première est obligatoire, la seconde facultative. Autant, on pourra faire des aumônes, à titre individuel, autant, on devra observer scrupuleusement, la destination originelle de la zakat telle que prévue par le Coran et la Sounna, laquelle destination n’est autre que le Trésor public. C’est pourquoi, LE LEGISLATEUR a voulu que celle-ci soit centralisée puis redistribuée pour améliorer, sans distinction, les conditions de vie des musulmans sans ressources.

Pour une transparence totale du fonctionnement de l’ANZ, le contrôle de la comptabilité et de la gestion de cette institution pourront faire l’objet d’un audit par un cabinet international d’experts indépendants qui publiera chaque fois, à cet effet, un rapport annuel sur son propre site.

L’opposition nationale devra être largement représentée notamment au sein du conseil d’administration de l’ANZ.

Le haut commissaire, administrateur de l’ANZ, devra être une personnalité connue pour sa droiture, sa probité et son intégrité morale. Sa désignation à ce poste devra se faire sur la base d’un consensus de la classe politique, toutes tendances confondues.

Des Assises nationales sur le sujet devront être tenues avec la participation de membres du gouvernement, du parlement, de partis politiques, de syndicats, d’oulémas, du patronat et de la société civile. Une vaste campagne d’explication et de sensibilisation sur la dimension religieuse et sociale de cette opération devra être menée sur l’ensemble du territoire national.

Dans l’intérêt bien compris du pays, toutes les forces vives de la Nation, quelle que soit leur étiquette politique, devront conjuguer leurs efforts pour la concrétisation de cette initiative.

Dans cette optique, il serait souhaitable que les formations politiques aussi bien de la majorité que de l’opposition placent cette initiative en tête de leur programme pour les élections à venir.

De même, il serait souhaitable que cette initiative soit relayée par les médias de tous bords sur fond d’un débat national.

Car il faut se rendre à l’évidence : l’Etat, quel qu’il soit et quelles que soient ses ressources propres, ne pourra jamais venir à bout des fléaux de la pauvreté et de la précarité. L’exemple de la France, pays riche, cité plus haut, avec ses millions de chômeurs et de pauvres, est parlant. Pourtant, tout a été fait dans l’Hexagone pour essayer d’enrayer ce phénomène de la pauvreté. Mais rien n’y fait. Ni les lois, ni les plans, ni les changements de majorité n’en sont venus à bout. Loin s’en faut. La pauvreté est toujours en progression en France.

Si des pays riches et fortement industrialisés, avouent leur impuissance face à ce problème, que dire alors des pays pauvres et sous-développés ? C’est pourquoi, il serait illusoire de croire que l’Etat, avec ses moyens d’intervention conventionnels, législatifs, financiers et économiques, puisse venir à bout de la pauvreté et de la précarité.

Seule une législation d’inspiration divine qui transcende les égoïsmes inhérents à la nature humaine et qui vise, à terme, le nivellement de la société, pourrait constituer une solution fiable et pérenne à ces fléaux.

Que l’on ne s’y trompe point. Ce sont les inégalités sociales qui sont à l’origine de la pauvreté. On doit pouvoir prélever un peu sur les biens des nantis pour améliorer les conditions de vie des plus démunis. C’est là où les législations humaines ont failli. Et, c’est là, en revanche, où la zakat, avec beaucoup d’équité et de justice, a montré la voie à suivre. La seule qui vaille.

Sur le plan intérieur, il va sans dire que cette initiative emportera l’adhésion massive et spontanée de Mauritaniens. A l’étranger, notamment en Occident, on y verra, probablement, un moyen original, efficient et inédit pour lutter contre les inégalités sociales qui sont à l’origine de troubles récurrents de plus en plus graves, un peu partout dans le monde. Et, naturellement, on y verra aussi la négation du prisme déformant de l’idéologie dévastatrice des mouvements ‘’jihadistes’’ qui altère l’image de l’islam qui est une religion de paix, de tolérance, de partage et de solidarité.

Moussa Hormat-Allah
Professeur d’université
Lauréat du Prix Chinguitt

Renvois

[1]. Sourate Le Repentir, Verset 103.

2. Hadith rapporté par Boukhari.

3. Hadith rapporté par Mouslim.

4. Sourate Le Repentir, Verset 103.

5. En location ou faisant l'objet d'une activité économique régulière.

6. Exceptés les bijoux à usage personnel possédés par les femmes.

7. Sourate le Repentir, Verset 60. 8. cf. L'ouvrage publié par le Conseil supérieur des Affaires islamiques d'Egypte, al Ahram commercial presses, 1993.

9. Khums: c'est le cinquième du butin que le Prophète redistribuait aux pauvres et aux démunis. Le Messager d'Allah réservait aussi aux dhimmis une part de la zakat et du Khoums.

10. Ainsi que la réalisation des actions et projets d'utilité générale.

[1]1. cf. Déclaration de François Fillon, ancien premier ministre, candidat à l'élection présidentielle 2017, le mardi 03/01/2017 sur Itélé; LCI et BFMTV.

12. Passages extraits du livre Les Gouvernants arabes et l’Islam de Moussa Hormat-Allah.



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Commentaires (3)

  • bleil (H) 20/07/2018 00:47 X

    CHAQUE CHOSE EN SON TEMPS ... La légitimité du pouvoir d'abord, la bonne gouvernance et les bonnes chose découlent comme l'eau de roche; Education gratuite, Système sanitaire digne de ce nom, sécurité sociale et couverture médicale pour tous etc...

  • doudou19 (H) 19/07/2018 16:52 X

    Vous avez cité la France, partout en Europe les chômeurs sont payés à hauteur du SMIC dans leurs pays respectifs.

  • doudou19 (H) 19/07/2018 16:51 X

    Cher professeur ce texte riche en enseignement s'adresse t-il à Aziz président des pauvres et à son entourage. Nous autres on ne peut que tendre la main. Je me fie et me contente du terme:"Etat musulman" qui veut tout dire. Tout musulman est en mesure de savoir ses devoirs et ses droits vis-à-vis de son frère musulman.