26-10-2018 08:29 - Mauritanie : Mauvaise pêche

Afrimag -
L’économie mauritanienne pourrait ne pas être au rendez-vous, en 2018-2019, en termes de croissance, malgré les prévisions de la Banque mondiale et du FMI.
Alors que la SNIM ne parvient pas à retrouver son niveau de production record d’avant la crise de 2013-2014 (13 millions de tonnes, la société Tasiast (or) a annoncé récemment la suspension des travaux d’extension de son usine. Mais la plus grande peur vient de la mer…
Le En effet, la Société mauritanienne d’exportation du poisson (SMCP) serait en brouille avec ses plus gros clients, essentiellement nippons (Marubeni, Nishirei, Mitsubushi, Maruha et Utusha). La raison ?
C’est la majoration par la SMCP des prix de la dernière décade, fixée a 18.000 dollars la tonne pour le premier choix, qui aurait provoqué le courroux des clients japonais. Comme riposte imparable, les clients nippons auraient tout simplement refusé de prendre le produit.
Résultat : la SMCP se retrouve aujourd’hui avec la production de la dernière marée et une bonne partie du congelé terre entre les bras. Malgré les pouvoirs que la société détient depuis la dernière restructuration portant les parts de l’Etat mauritanien à 70% du capital, on voit mal comment la SMCP peut se sortir seule de cette nouvelle crise.
Certes, ce n’est pas la première fois qu’une telle crise frappe le secteur de la commercialisation du poisson mauritanien, qui souffre d’un manque de diversification de ses marchés, mais à Nouadhibou, les opérateurs de la pêche craignent que le malaise ne s’installe dans la durée.
Ce qui porterait un rude coup à des opérateurs dont la fragilité des structures, et la dépendance de la SMCP (devenue par la force des choses leur intermédiaire) constituent de sérieux handicaps. En majorant la cotation de ses produits congelés, la SMCP cherche-t-elle à compenser la baisse des exportations de produits de la pêche industrielle qui ont connu un repli de 13,6% au cours du quatrième trimestre 2017 ?
Evaluées à 70,8 milliards UM l’année dernière, ces exportations prennent la direction de l’Espagne (36,3%), pour le poisson frais réfrigéré ou congelé, suivi du Japon (15,1%), de la Russie (14,8%) et de la Côte d’Ivoire (8,2%).
Pour les exportations de produits halieutiques transformés (farine de poissons, huiles et conserves), d’une valeur de 11,2 milliards d’UM, les principales destinations sont la Chine (35,1%), la Turquie (22,3%) et le Vietnam (10,6%).
Dans le passé, l’Etat venait souvent en aide à la SMCP, en s’alignant sur sa position commerciale tendant à valoriser la production nationale. Il ordonnait à la Caisse de dépôt et développement (CDD) la mise à disposition d’une ligne de crédit en faveur des producteurs afin de les aider à supporter la mévente de leur poisson.
Mais à Nouakchott, l’on sait aussi faire marche arrière quand le rapport de forces est vraiment inégal. Le nouveau patron de la SMCP (ancien ministre de la Santé et ancien directeur général du Port autonome de Nouadhibou), Ahmedou Ould Hademine Ould Jelvoun, pourrait bien être forcé à lâcher du lest. Le Japon, premier importateur mondial du poulpe, détient également un marché fortement rémunérateur. Avec la Chine, il accapare, depuis la fin du siècle dernier, l’essentiel des exportations du poisson mauritanien.
Avec la présence d’une forte concurrence, notamment marocaine, la Mauritanie n’a donc pas le souffle long pour tenir tête à ses puissants clients asiatiques. La SMCP a également choisi le mauvais moment puisque, après l’arrêt biologique, les nouveaux débarquements vont augmenter la quantité en stock.
La pêche étant le premier poste d’exportation de la Mauritanie, avec 42,5%, au quatrième trimestre 2017, devant le minerai de fer (29,4%), l’or (15,3%) et le cuivre (11,1%), il est certain que le gouvernement suit de très prêt ce bras de fer entre la SMCP et ses clients japonais, et ne risque donc pas de tuer la poule aux œufs d’or.
Par Mohamed Sneïba Comité Editorial – Casablanca