05-11-2018 15:51 - Esclavage : Washington exclut la Mauritanie de l’Agoa

Esclavage : Washington exclut la Mauritanie de l’Agoa

Jeune Afrique - Donald Trump a informé le Congrès américain qu’à partir du 1er janvier 2019, il mettra fin « à l’admissibilité de la Mauritanie aux avantages en matière de préférence commerciale, en vertu de la loi sur la croissance et les perspectives économiques en Afrique (Agoa), en raison des pratiques de travail forcé ».

Le président américain a déclaré, samedi 3 novembre, que « la Mauritanie ne progresse pas suffisamment dans la mise en place de la protection de droits des travailleurs internationalement reconnus (..) En particulier, elle n’a pas progressé dans la lutte contre le travail forcé, et notamment contre le fléau de l’esclavage héréditaire. En outre, le gouvernement mauritanien continue de limiter la capacité de la société civile à travailler en toute liberté pour résoudre les problèmes liés à la lutte contre l’esclavage ».

Le représentant adjoint du Commerce, Charles J. Mahoney, a ajouté : « Le travail forcé ou obligatoire, tel que l’esclavage héréditaire, n’a pas sa place au XXIe siècle (..) Nous espérons que la Mauritanie travaillera avec nous pour éliminer le travail forcé et l’esclavage héréditaire, afin que son éligibilité à l’Agoa soit rétablie à l’avenir ».

Des effets commerciaux minimes ?

La sanction appliquée à la Mauritanie est la même que celle déjà infligée pour gouvernance défectueuse au Burundi, au Soudan du Sud ou à la RDC : le fautif est privé de la suppression de 32% à 36% des droits de douane sur les produits qu’il exporte vers les États-Unis. En ce qui concerne la République islamique de Mauritanie, les effets de cette mesure seront minimes, car elle y exporte à peine quelques dizaines de millions de dollars de marchandises – essentiellement des hydrocarbures, des phosphates et des produits de la pêche.

Il n’empêche que la décision de la Maison Blanche est un camouflet pour le président et le gouvernement mauritaniens, qui paient une politique de lutte contre l’esclavage souvent jugée opaque et contradictoire, puisque les ONG domestiques œuvrant dans ce domaine ont été accusées, voire poursuivies pour avoir dénoncé la persistance de l’esclavage. Ce dernier est condamné depuis 1981, qualifié par une loi d’août 2015 de « crime contre l’humanité », et relève de trois tribunaux spécialisés.

Préoccupations autour du sort de Biram Dah Abeid

Les responsables de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) ont été plusieurs fois condamnés à des peines de prison et son chef, Biram Dah Abeid, est toujours emprisonné – bien qu’élu député en septembre – , officiellement pour avoir menacé un journaliste.

El Hadj Fall, responsable de la campagne électorale de Biram en France, juge que la décision américaine a été provoquée par trois événements. « Nos amis de l’IRA-Ohio ont envoyé, il y a un mois et demi, une lettre aux congressistes américains pour attirer leur attention sur l’emprisonnement de Biram et la persistance de l’esclavage en Mauritanie, explique-t-il à Jeune Afrique. En septembre 2017, une délégation de l’ONG américaine « Arc-en-Ciel », conduite par le fils du pasteur Jesse Jackson et invitée par l’IRA et l’ONG mauritanienne SOS Esclaves, avait été refoulée à l’aéroport de Nouakchott. Enfin, le nouvel ambassadeur américain en Mauritanie a récemment donné une interview dans laquelle il a rappelé que les États-Unis regardent de façon scrupuleuse la situation des droits de l’homme dans le pays. »

Selon El Hadj Fall, « la suspension de l’Agoa n’a pas d’effet significatif pour l’instant, compte tenu de l’insignifiance des exportations mauritaniennes vers les États-Unis. Mais la découverte de gisements d’hydrocarbures au large de nos côtes donne aux Américains un levier pour peser sur le gouvernement. Le message est clair : il faut que Biram [à qui le Secrétaire d’État John Kerry avait remis en juin 2016 un prix pour son action contre l’esclavage] soit libéré ! »

Il semble aussi que le grand syndicat américain AFL-CIO n’ait pas du tout apprécié que plusieurs syndicalistes mauritaniens aient été inquiétés en 2017, dans le cadre d’une enquête pour corruption qui concernait également des parlementaires et des journalistes. Le 16 août dernier, le délégué de cette puissante centrale avait plaidé, devant l’instance chargé de l’examen annuel de l’éligibilité à l’Agoa, pour une suspension de la Mauritanie.

Par Alain Faujas



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Source : Jeune Afrique
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Commentaires (3)

  • leguignolm (H) 05/11/2018 23:27 X

    Le malheur de ce pays, il nous manque un certain Abraham Lincoln!!! Un peuple de feignant ne peut jamais se débarrasser d’esclavagisme.

  • GERONIMO TASK-FORCE (H) 05/11/2018 21:30 X

    Le Trumpisme encore : arbitraire sur la question palestinienne en faveur d'israel.Haine envers l'Iran en faveur d 'Israel, Raviver et déclencher tensions politiques, économiques partout contre tout le monde.Inciter à une nouvelle guerre froide et jeter de l 'huile sur le feu sur tous les foyers de tension dans le monde.La société américaine n 'a jamais été aussi divisée.Et vu l 'énorme potentiel pétrolier, gazier et minier.Notre liberté affirmée et nos excellentes relations avec d'autres puissances comme la Chine.Trump et son administration veulent nous mettre la pression en allumant l'épouvantail "esclavage".C'est minable et pitoyable venant d'une grande puissance amie et alliée.On note et retient, et on en reparle inchallah au moment de faire le choix d'acheter des S 400 russes...

  • declic (H) 05/11/2018 16:45 X

    La Mauritanie vient d'être suspendue de L'AGOA une structure permettant à des pays faibles comme la Mauritanie d'espérer un jour commercer au niveau international. Cette expulsion d'une grande organisation parrainée par le gendarme du monde inquiète et sonne comme un aveu d'échec pour la diplomatie mauritanienne.

    Incarnée depuis quelques mois par Ismael Ould Cheikh Ahmed, cette diplomatie tangue et tourne en rond aux mains de cet homme ambitieux et ombrageux. Le président Aziz pensait avoir décroché "la perle rare" mais il est a noté que cette perle rare n'a jamais enregistré un succès diplomatique à son actif. Obscure employé du système des nations unies au Yémen comme des milliers d'autres personnes Mr Ismael Ould Cheikh Ahmed n'a jamais été nommé pour sa compétence mais au nom de la Mauritanie sous représentée dans les instances internationales.

    Comme le dit un diplomate du ministère " Il ne doit rien à lui même. Il fut toujours copté au nom de la Mauritanie". La carence de ce personnage se dévoilera au Yémen.

    Dans une lettre adressée au SG de lONU Antonio Guterres, le président du Conseil du Yémen souligne l'incompétence professionnelle de Ismael Ould Cheikh Ahmed. Avant de le déclarer Persona non grata.

    Un ancien collaborateur affirme que Ismael Ould Cheikh Ahmed n'a jamais enregistré un succès diplomatique à son actif. Il n'aurait jamais dû accepter ce poste qui l'a mis à nu.

    Même si le ministre affirme en coulisse être le seul intellectuel valable du pays, ses résultats restent en deçà de ses prétentions. Son successeur au Yémen le britannique Jamie Mc Goldrick affirme n'avoir hérité de lui aucun dossier.

    Il est vrai que son périple yéménite a failli lui coûter la vie sans l'intervention d'un membre de son équipe qui su dialoguer avec les protagonistes à Sannaa. Ceux-ci l'accusant d'impartialité.

    Les Houthis du Yémen affirment que la raison de l'impartialité de Ismael Ould Cheikh Ahmed est à chercher en Arabie saoudite où le prince héritier Mohamed Ben Sultan l'a gracieusement entretenu. Un spécialiste du Moyen-Orient affirme que tous les soutiens du royaume wahabite le font pour des raisons matérielles? L'homme est décrit comme ambitieux ayant même affirmé une fois qu'il veut se faire connaître des mauritaniens car il aspire à la haute fonction.

    Au ministère des affaires étrangères, le ministre que les protagonistes yéménite qualifient d'incompétent professionnel à paraît il inaugurer une série d'entretiens avec les fonctionnaires pour masquer une nonchalance administrative. Les récentes nominations du ministre caractérisées par un amateurisme éhonté et inédit jettent le doute sur ce monsieur qui se cherche encore. De l'avis général au ministère 90% des nommés par le ministre sont du Trarza sa région natale!

    En le nommant le président Mohamed Ould Abdel Aziz n'a certainement pas jugé nécessaire de jeter un coup d'oeil dans le pedigree de Ould Cheikh Ahmed. Heureusement que le président Mohamed Ould Abdel Aziz ne se laisse jamais surprendre et la fin de son delai de grâce tombe à pic et de manière inattendue.

    Sidaty...