13-12-2018 20:16 - Que dit la fréquence de détentions de Biram Abeïd ?

Que dit la fréquence de détentions de Biram Abeïd ?

Kassataya - J’ai beaucoup réfléchi avant d’écrire cet article. Mais certaines questions trottaient dans mon esprit depuis un certain temps: pourquoi, parmi tous les acteurs de la scène publique mauritanienne, Biram Dah Abeïd est la personne ou, en tout cas, l’une des personnes les plus fréquemment emprisonnées?

D’autre part, à chaque fois qu’il a été écroué, c’est surtout, grâce à une pression internationale qu’il a été libéré. Jamais il n’y a eu un engouement de masse de la part de tous ceux dont il défend la cause pour demander sa libération. Même si je ne néglige pas le cas de certains qui s’activent de toutes parts en vue de sa défense.

Cette situation est problématique et doit nous pousser à nous interroger. Je tenterai, d’abord, de répondre à ma première interrogation relative à l’acharnement du pouvoir sur la personne de Biram Dah Abeïd.

Je crois que s’il y a une personnalité qui fait vraiment peur à celui-ci, c’est Biram Dah Abeïd et l’explication est très simple à identifier. Biram Dah Abeïd est Harratin et les Harratine, jusqu’à récemment et globalement, ont été aux côtés des détenteurs du pouvoir arabo-berbère dans leur politique hégémonique visant à réduire au silence les autres communautés mauritaniennes. Le travail que fait Biram Dah Abeïd, s’il aboutit, signerait la fin de cette alliance et par conséquent mettrait ainsi terme à la domination arabo-berbère sur le pays.

Il ne faut pas oublier que les Harratine constituent la grande majorité de la population mauritanienne. Ils sont, au moins, quarante pour cent des habitants du pays.

L’autre élément à retenir est que Biram, dans ses propos au moins, ne plaide pas seulement la cause des Harratine mais aussi celle des Noirs-africains qui sont opprimés du fait de leur appartenance ethnique ou je dirai de leur couleur de peau et des arabo-berbères exclus du système pour des raisons tenant à leur caste ou à leurs relations éloignées des cercles du pouvoir. Tous les Arabo-berbères ne bénéficient pas du système même si, culturellement, la majorité d’entre eux partage l‘idée de leur supériorité par rapport aux Noirs de manière générale et approuve la politique d’exclusion et de domination de ceux-ci. Or arriver à unir tous les opprimés est un vrai danger pour tout pouvoir.

En Mauritanie, comme dans beaucoup de pays africains, les dirigeants se maintiennent, souvent, grâce à un manque d’unité des dominés. Comme ceux-ci sont peu éduqués, ils arrivent à les détourner des vrais sujets que sont le développement, la justice pour tous, l’égalité des citoyens, etc. Aussi, puisque ces États sont les fruits d’un découpage arbitraire, il s’y pose le problème de l’émergence de la nation, celui du vivre ensemble. Ceux qui détiennent le pouvoir mobilisent ainsi les ressources relevant des appartenances ethniques dans le but de diviser les populations et les affaiblir par ce biais.

Ma seconde interrogation est relative à pourquoi la détention de Biram Dah Abeïd ne soulève-t-elle pas des vents et des marées.

Il me semble que ceux-là mêmes, pour qui il lutte, sacrifie sa vie, n’ont pas, tous, compris l’importance et la portée de son combat de militant des droits de l’Homme [Son action politique relève, pour moi, d’un autre domaine]. Ce qui veut dire que, pour les victimes de la domination et d’injustices, il y a encore un grand travail de conscientisation à faire à leur destination. Mandela n’a pas changé tout seul le destin de l’Afrique du Sud. Il n’a pu le faire qu’avec le soutien de ceux pour qui il se battait. Quand Mandela était en prison, ce sont des milliers, voire des millions d’hommes, de femmes et de jeunes qui se sont, d’une manière ou autre, levés pour dire non à l’injustice et à la domination.

L’autre problème de Biram Dah Abeïd tient à ses origines. Le fait qu’il soit Harratine fait que beaucoup de Noirs-africains ne souhaitent pas le voir devenir un leader dans ce pays et sont, ainsi, indifférents à son sort. Beaucoup de membres de cette communauté le rejettent pour ce simple mobile. Or, le problème ne devait pas être posé en ces termes. Il s’agit, avant tout, d’une question de droits de l’Homme. Être d’accord avec Biram Dah Abeïd, l’aimer ou ne pas l’aimer n’est pas, ici, la question. Il s’agit simplement de la défense des droits de chaque citoyen à exprimer ses opinions.

L’idéal serait que les Mauritaniens et surtout ceux qui militent s’attachent aux principes de justice. Ainsi, les questions de subjectivité doivent être laissées de côté quand les droits d’une personne sont violés.

En dehors du cas de Biram Dah Abeïd, ce dont cette situation témoigne est, qu’en Mauritanie, il n’y a pas encore une culture d’attachement aux valeurs de justice, de démocratie. C’est là où le bât blesse. Une société qui n’est pas en quête de justice ne peut qu’être violente. Lorsque je parle de violence, il ne s’agit pas seulement de violence physique mais surtout aussi de violence morale.

La recherche de la justice nous humanise. Sa traduction à travers des lois d’un pays témoigne de son institutionnalisation. Et cette institutionnalisation n’a de réelle portée que si ces lois sont appliquées. Mais pour que des lois tendant à nous pousser vers plus de justice soient efficientes, il faudrait des hommes et des femmes qui veillent car tout pouvoir a une propension à la déviance, aux excès.

Lutter, selon ses moyens, pour la libération de Biram Dah Abeïd ou toute autre personne détenue injustement est simplement un devoir de citoyen. Rousseau l’avait bien vu : la différence entre L’Homme et l’Animal est la part de liberté humaine, sa capacité à se perfectionner. Ainsi, le travail urgent à faire en Mauritanie est d’œuvrer en vue de l’intériorisation collective des valeurs d’équité. Cela peut passer par l’école et par un travail d’éducation des masses réalisé par les organisations non étatiques.

Oumar Diagne
Ecrivain



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Commentaires (5)

  • babasy (H) 14/12/2018 22:11 X

    AhmedAbdallah , ce qui te rends très amère et insultant que mon posting contient des vérités qui te dérangent

  • babasy (H) 14/12/2018 14:01 X

    Je voudrais apporter un rectificatif sur mon commentaire ; c`est Oumar Diagne au lieu de Oumar Wagne. Mes excuses aux lecteurs mais aussi à mon grand frère Oumar Diagne.

  • Ahmedabdallah (H) 14/12/2018 04:28 X

    babasy ton post prouve que tu es hypocrite, malheureusement! Celui que tu appelles "grand frère" ne se prénomme pas "OUMAR WAGNE", mais plutôt "OUMAR DIAGNE". Et de WAGNE à DIAGNE, il y'a mille pas, il y'a 2 mille kilomètres que tu as enjambés, de manière hirsute, dans la précipitation...

  • babasy (H) 13/12/2018 23:41 X

    Grand frère Oumar Wagne vous dites dans votre article ‘’ Le fait qu’il (Biram Ould Dah Ould Abeid) soit Harratine fait que beaucoup de Noirs-africains ne souhaitent pas le voir devenir un leader dans ce pays…’’ C`est vraiment une insulte à ceux qui ont tous sacrifie depuis la création de L`IRA…. Mais je commence d`abords par vous rappeler mon grand frère Wagne que le leadership c`est le charisme, c`est aussi la connaissance des raisons d'être du mouvement ou de l'organisme et ses objectifs à long terme et à court terme. Si Biram a été un leader c`est pour juste le temps de construire sa propre personne, son propre agenda politique et utiliser la lutte des droits de l`homme pour rentrer dans l’arène politique. Le voilà aujourd’hui un allie du SAWAB-Bassiste qui sont l`idéologie vivante du génocide contre la communauté Afro-Mauritanienne…. Après la participation de L`IRA à l`élection présidentielle de 2014, Biram a imposé une position d’autorité́ personnelle dans L`IRA, il ne pense qu`avec le pronom «je» et jamais «nous»….son «je» était devenu le règlement intérieur , le statut et une seule voix qui a le droit sur celle de la majorité de tous le bureau exécutif et de la base. Biram ne reconnait jamais ces erreurs, pour sa personne il est un Homme parfait et dans toute lutte si on refuse de reconnaitre ces erreurs, on ne saurait apprendre ou grandir. Pour ma personne et plusieurs autres camarades ; L`IRA était une vision idéologique de l'avenir conjuguée à une action des Mauritaniens de l`intérieur et de de la Diaspora pour changer la Mauritanie. Grand frère Oumar Wagne, si vraiment comme vous le dite : ‘’ la question ; Il s’agit simplement de la défense des droits de chaque citoyen à exprimer ses opinions.’’ ; pourquoi Biram ould Dah ould Abeid n`a pas respecté la liberté d`expression et les voix de la majorité dans L`IRA ? Biram a eu le soutien de la majorité de la diaspora qui n`ont pas chercher à regarder ces origines, sa couleur ou son ethnie. Il avait aussi reçu le soutien de millier de Mauritaniens qui ne sont pas aussi des Hratines ; mais des compatriotes qui ont cru à un combat, à des convictions et à une Mauritanie meilleure. Pour finir, Grand frère Oumar Wagne ; la majorité de nos leaders ont pris l`habitude de ne jamais écouter les autres et d'obtenir la participation, d'enseigner et de perfectionner le statut et le règlement intérieur de l`organisation ou du parti et de tirer un bilan sur les échecs consommes ….On ne peut pas dénoncer certaines pratiques injustes et anti-démocratiques chez le système sanguinaire et les légitimer dans nos mouvements, organisations et partis politiques …..

  • statutderome (H) 13/12/2018 22:02 X

    C’est une grande réflexion sur la vie de Biram, mais aussi c’est une grande question sur l’attitude de nos dirigeants politiques et plus particulièrement ceux qui sont de la communauté Harratine, entre deux lignes vous avez répondu à la question en partie. En ce qui concerne les populations qui devraient se refuser ce comportement elles n’ont pas le choix et je vais expliquer dans ce que j’ai analysé et vu sur la scène politique mauritanienne. Ceux qui nous gouvernes aujourd’hui et la Mauritanie ont fait de sorte que chaque tribu et clan gère une partie de ce pays dans tous les domaines, aucun poolar ou Harratine dans l’importation et l’exportation, aucun cadre de haut niveau à la direction générale de la douane, aucun harratin ni autres n’est officiers dans les corps d’armés, regarder au tribunal, tout est arabisé et gare aux négros ou harratine qui est devant un procureur beïdane qui demandes ses droits, la même chose dans l’ensemble des domaines de ce pays, comment donc ces populations et défenseurs peuvent-ils secoururent ou venir en aide à quelqu’un qui sait déjà qu’il sera condamné et peut être même mis sous silence. Seule une institution forte de la justice pouvait permettre aux mauritaniens de défendre leurs droits et le droit des autres. Nous avons besoin d’institution forte des droits de l’homme et au respect des êtres humains pour leurs idées.