16-12-2018 07:45 - La triste baguette de l’année 2018

La triste baguette de l’année 2018

L'Authentique - La Mauritanie vient de traverser l’année 2018 avec deux incertitudes essentielles : la première porte sur la fin du mandat présidentiel, c’est-à-dire, le départ effectif du président Ould Abdel Aziz, arrivé au terme de son dernier mandat constitutionnel, et les contours du jeu politique à venir.

Si, à quelques jours de 2019, nombre de Mauritaniens sont d’avis que le président sortant va effectivement tenir parole en quittant la présidence de la République dans cinq mois, tous sont unanimes sur le fait qu’il garderait malgré tout le Pouvoir, directement ou indirectement ; c’est-à-dire en se faisant suppléer par un « homme de paille » ou en forçant les suffrages pour la consécration d’un alter ego.

Seconde incertitude : l’héritage du président sortant ! Quel sera le sort de ce pays et de son peuple ? Comment sera la Mauritanie après le départ d’un homme qui, pendant ces dix dernières années, a façonné à sa manière, le paysage national, changé toutes les donnes économiques, financières politiques voire sociales ?

Sur quelles bases va travailler son successeur, avec quels moyens, quels hommes ? Il faut bien reconnaître que pendant les dix ans de règne de Mohamed Ould Abdel Aziz, les Mauritaniens ont vécu les pires cauchemars de leur existence : agressions multiples et multiformes portées sur des citoyens et même sur le président de la République, « vacance » de pouvoir, crise politique sans fin, paupérisation, crise économico-financière…

Pour certains, l’ère azizienne est même pire que toutes les années de sécheresse, d’austérité, de dictature et de réajustement structurel réunies. Situation alarmante quand on sait que le pouvoir avait bel et bien la possibilité de réserver un sort meilleur à ses populations, les fonds publics obtenus ces dix dernières années se comptant par centaines de milliards d’Euros !

Sur le plan économique, les populations de l’arrière-pays, surtout celles du monde rural, ont vécu des années dramatiques, non seulement en raison du déficit pluviométrique répété mais aussi à cause de la mauvaise gestion des ressources publiques destinées au développement local. Les fonds régionaux de développement ont été vidés de leur substance. Le plan d’urgence, autrement appelé « Emel », mal ficelé, mal géré et surtout très mal déployé à travers le territoire national a permis juste aux hommes d’affaires et aux fonctionnaires inspirateurs du plan de faire faire un demi-circuit aux fonds alloués afin qu’ils reviennent dans certains comptes privés. L’espoir qui s’est profilé, a vite disparu amenant les pouvoirs publics à mettre fin à ce programme. En échange ! ? Rien.

Dans les grandes agglomérations, les fonctionnaires, petit noyau d’une hypothétique classe moyenne, ont vu les mirages des promesses du pouvoir central se transformer en un enfer infernal. Les primes, les avantages et les traitements de gratifications, les logements… entre autres, ont été supprimés. Les retombées ont certes bénéficié à certains salaires, et le gouvernement a certes procédé à des augmentations de traitement salarial -très timides-, mais la situation socio-économique et professionnelle ainsi créée, a été des pires jamais vécue par les fonctionnaires.

La paupérisation qui gangrenait la vie des Mauritaniens s’est donc élargie aux agents et fonctionnaires de l’Etat. En termes de "bien-être", seuls les soldats et les membres des forces de sécurité ont été "gâtés" avec les miettes du budget de la collectivité. Des centaines d’employés, d’agents contractuels, de travailleurs du parapublic alignent des mois d’arriérés de salaires.

Sur le plan de la gestion des biens publics, des édifices publics (même des écoles) ont été vendus, des marchés passés dans la totale opacité... Plusieurs institutions publiques ont été fermées, jetant dans la rue des centaines voire des milliers de pères de familles désormais sans revenu : Air Mauritanie, Ener, Sonimex, Imprimerie nationale, SAM, Port de Nouakchott…

Au plan du commerce, les prix des produits de consommation n’ont jamais cessé de grimper, atteignant des pics record finalement plombés par la nouvelle expression de l’ouguiya (MRU).

Sur le plan politique, le blocage s’est institué. Le dialogue politique inclusif, souhaité par l’opposition, a été escamoté. Tout comme l’obligation faite au pouvoir d’opérer une réforme profonde de l’armée et des services de sécurité.

Sur le plan des droits de l’homme, les progrès enregistrés avec le CMJD dans l’expression des libertés et l’édification d’un État de droit, appartiennent à un passé lointain. De dignes patriotes, personnalités charismatiques, ont vu leurs biens spoliés du simple fait qu’ils aient refusé de parrainer des pratiques douteuses du pouvoir en place, d’autres ont été détenus pour leurs opinions. Les problèmes de l’esclavage, du passif humanitaire et même des terres cultivables, sont restés en l’état.

Sur le plan sécuritaire, le pays est certes parvenu à circonscrire les attaques terroristes qui menaçaient son existence, il a été toutefois incapable de se définir dans la guerre au Mali, plombant conséquemment le bon fonctionnement du G5 Sahel.

En matière de politique de communication, la place des langues nationales dans les médias publics a été de plus en plus contestée et pour y répondre, le pouvoir a décidé de libéraliser l’espace audiovisuel en ne servant que ses proches politiques. La diversité culturelle n’y verra que du feu.

En matière de politique étrangère, nous avons soufflé le chaud et le froid ; tantôt avec le « Saint », tantôt du côté du « Diable ». La qualité de nos relations avec les pays voisins en a souffert, celle scellée avec nos partenaires traditionnels, aussi.

Alors, de quoi sera faite la Mauritanie au lendemain du départ de Ould Abdel Aziz ? Pour l’heure, les incertitudes font légion. Osons espérer qu’au bout du compte, les Mauritaniens verront le bout du tunnel.

O.Moctar



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Commentaires (5)

  • Nouvelle-Mauritanie (H) 16/12/2018 21:52 X

    Le prophète Mohamed :(PSL) à dit qu'il ne crains pas pour sa ouma, ni la mécréance ni l'idolâtrie; mais il craint pour ces derniers, que les biens de se bas monde s’ouvre pour eux et qu'ils fassent la concurrence en s'y disputant entre eux ; jusqu’à que ces même biens les anéantisses en les détruisent tous. Don cher Mauritanie/es : Arabes, Béydane, Poulards, Haratines,Wolofes, Soninkés et Bambaras ; unissons nous dans notre riche diversité ; ethnique, culturelle et sociale, en admettant avec conviction qu’une Nouvelle-Mauritanie, prospère, juste, forte et démocratique, là ou toutes ses différentes composantes y tirerons profit, sans exclusion , ni discrimination, ni marginalisation ; est bien possible et est d’ailleurs en pleine géstation , inchaAllah. Cependant, nous invitons toutes la jeunesse Mauritanienne ,l'opposition radicale et modérée, la société civile, l’ensembles des acteurs politiques, le gouvernement, ainsi que tout le peuple Mauritanien à se relever en acceptant d’aller de l'avant ensembles unis, à fin qu'il y'ai une vraie réconciliation entre les Mauritaniens, en défendant ensembles avant tout , des valeurs et principes, indispensables , plus durables et profitables pour les Mauritaniens/es , que se focaliser toujours sur des idées concurrentielles, opportunistes et enviables, qui ne mèneront qu'à la discorde et divisions haineuses et destructives entre les Mauritaniens/es , ce qui est d’ailleurs opposé aux pertinentes objectives de la réalisation d'une Nouvelle Mauritanie qui doit être basée avant tout sur une réconciliation , d’abord ethnique, sociale, politique, voir économique. « Allahouma Salli Wo Sélime alla Séyidina Mohamed ». Amine !

  • yawonni (H) 16/12/2018 17:59 X

    O.Moctar Balchoï spaciba tavarich Vladmir Illith Lenine disait a la classe bourgeoise : le corbeau est l’animal le plus vaniteux et le plus orgueilleux car- estime t il (corbeau)- tant que la bande blanche (couronne) est toujours autour de son cou il fera de son plumage (peuple) le sceau de sa richesse et de sa gloire. Mais le moineau qui le connaissait bien le conseillait de toujours bien prendre soin de ses plumes noires afin qu’elles ne se déplument pas entrainant ainsi la perte de la bande blanche. Le corbeau n’avait cure des conseils de ce petit oiseau et arriva un jour …ce qui devait arriver (la révolution d’octobre). La bourgeoisie se décima et le peuple gagna grandement. Ceci est ecrit quelque part a la place rouge a Moscou prés de l’Hermitage

  • ahznar (H) 16/12/2018 16:04 X

    Il faut ajouter a cette triste et désolante diatribe la queue de peloton qu'occupe honteusement le pays a chaque publication des Nations Unies,Fmi,BM et autres organismes de développement sur tous les aspects sectoriels du pays relatifs a la gestion de gouvernance

  • Oh mon Dieu (H) 16/12/2018 10:51 X

    Sur le plan foncier, Aziz a fait pire que n’importe quel chef d’état Africains, jamais dans l’histoire de ce pays on n’a vu un homme comme lui, par le fait de s’emparer sans raison d’une partie de l’école de la police, l’escadron de la gendarmerie qui était en face du marché, une grande partie de l’stade olympique, l’école 7 pour sa femme, l’école justice et autres terrains, sur la route du Soukouk, plusieurs lots, certains disent 600 lots de 600m², en allant sur Toujounine, sur la route de résistance qui porte son nom, il y’a plusieurs terrains en son nom et noms de parents, ce que je ne sais pas encore, comment Aziz va gérer cela, vu que sa famille se décime chaque jour que dieu fait, tout ce bien, il en fait quoi, quelle vie alors.

  • Oh mon Dieu (H) 16/12/2018 10:51 X

    Très bon article qui décrit une situation qui existe telle, avec beaucoup de points d’interrogation à plusieurs équations politiques, économiques et judiciaires. Deux situations préoccuperont les mauritaniens, la situation économique et la situation sociale, sur ces deux, Aziz a une responsabilité sans précèdent dans l’histoire de ce pays et il continue de faire ce qu’il veut avec la signature des contrats de nos ressources énergétique, comme s’il avait un bien privée qu’il peut utiliser à bon escient. La dilapidation de nos richesses, la gestion de notre économie Nationale sur fond de gabegie à outrance.