29-10-2019 16:10 - Vaincu par la rue, le premier ministre du Liban démissionne

Vaincu par la rue, le premier ministre du Liban démissionne

Radio-Canada - Au cœur d'une crise politique et sociale qui secoue le Liban depuis deux semaines, le premier ministre sunnite Saad Hariri a remis sa démission à Beyrouth, mardi.

Il a expliqué devant les caméras qu’il est dans une impasse et qu’il n’est plus possible pour lui de gouverner le pays dans l’actuel climat de contestation. Le premier ministre a indiqué qu’il s’apprêtait à se rendre au bureau du président Michel Aoun pour lui remettre sa démission ainsi que celle de son gouvernement.

"Je ne vous mentirai pas, j'ai atteint une impasse. Je me rends au Palais de Baabda pour présenter la démission du gouvernement au président de la République. Saad Hariri, premier ministre du Liban".

Devant un portait de son père, l'ancien premier ministre Rafic Hariri, tué dans un attentat à la bombe en 2005, Saad Hariri a exhorté ses compatriotes à "préserver la paix civile" alors que l'annonce de sa démission était accueillie par les acclamations de la foule qui l'écoutait en direct sur les lieux de rassemblement dans les rues du pays.

Le président Aoun n'a pas encore fait de commentaires. Si la démission du premier ministre est acceptée, la Constitution prévoit que M. Hariri reste en fonction jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement.

13 jours de contestation

De confession musulmane sunnite, Saad Hariri aura finalement été emporté par la vague de contestation populaire sans précédent qui déferle sur le pays pour dénoncer la corruption des élites.

Poussés à bout par la corruption et la mauvaise gestion des finances publiques qui minent leurs conditions de vie, les Libanais accusent leurs dirigeants d’avoir engendré la pire crise économique depuis la guerre civile qui a déchiré le pays de 1975 à 1990.

Bien que Saad Hariri ait tenté d’apaiser la colère des masses en annonçant la mise en place d’une série de réformes économiques que son gouvernement repoussait depuis longtemps, les manifestations n’ont fait que s’intensifier au Liban.

La situation n’était guère plus confortable pour lui au sein de son cabinet, où ses alliés l’accusaient d’avoir pris le parti des manifestants en refusant notamment de déployer les forces de sécurité du pays dans les rues pour réprimer le mouvement de contestation populaire.

Il faut dire que la fronde populaire n’est pas exclusivement tournée contre le premier ministre sunnite qui en est à son troisième mandat à la tête du gouvernement libanais depuis 2009. C'est l’ensemble de la classe dirigeante qui est dénoncée dans les rues du Liban pour avoir pillé le pays où plus du quart de la population vit sous le seuil de pauvreté et qui affiche une dette publique représentant 150 % de son produit intérieur brut (PIB).

En avril 2018, le gouvernement s'était engagé à adopter des réformes structurelles, dont la réduction du déficit, lors d'une conférence internationale parrainée par Paris (CEDRE), en échange de prêts et de dons totalisant 11,6 milliards de dollars. Les montants n'ont jamais été débloqués, faute de progrès tangibles.

Un système politique nécrosé

Mais plus encore, les Libanais réclament la fin du système politique de type confessionnel qui régit le partage et l’exercice du pouvoir au Liban entre les musulmans sunnites, chiites et les chrétiens et qui perpétue un immobilisme des classes dirigeantes qui exaspère aujourd’hui la population.

Depuis la fin de la guerre au Liban, en 1990, ce sont essentiellement les mêmes clans ou les mêmes familles forgées dans la guerre, qui se perpétuent dans les divers postes du pouvoirs libanais.

Les armes se sont tues à la suite de la signature de l’accord de Taëf, qui est venu consolider cette division des pouvoirs, décrétant aussi une amnistie générale pour tous les responsables de la guerre.

"La plupart d'entre eux préparent déjà leur succession politique à travers leurs enfants ou même leurs beaux-enfants, comme c’est le cas actuellement avec le président Michel Aoun et son gendre, le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil", souligne la journaliste libanaise Rania Massoud.

Le Hezbollah contrarié par le départ d'Hariri

Le départ de Saad Hariri aux commandes du gouvernement ne fait bien entendu pas que des heureux au Liban. Le puissant mouvement chiite Hezbollah s’oppose catégoriquement à sa démission, notamment parce que le Hezbollah détient plusieurs postes clés et divers intérêts au sein du gouvernement.

Soutenus par des membres du mouvement chiite Amal, des militants du Hezbollah ont affronté mardi matin des manifestants qui bloquaient des axes routiers de Beyrouth. Les chiites en colère ont notamment détruit les tentes que les manifestants avaient montées et exhortant la police à les déloger par la force.

Selon des témoins, plusieurs incendies attribués aux membres d'Amal et du Hezbollah ont été signalés autour des points de rassemblements tenus par les manifestants.

Les forces de l'ordre ont reçu pour instruction de ne pas recourir à la force et s'efforcent de convaincre les manifestants de quitter les lieux de leur propre chef.

La France lance un appel à la stabilité

À Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que le départ de Saad Hariri aggrave la crise qui secoue le pays et a appelé les dirigeants libanais "à tout faire" pour garantir la stabilité des institutions et l'unité du pays.

"La condition de la stabilité, c'est la volonté d'écouter la voix et la revendication de la population. Est-ce que les responsables politiques libanais sont décidés à faire le Liban ensemble? Est-ce qu'ils font passer l'intérêt collectif du pays devant leurs propres intérêts particuliers?",a demandé le chef de la diplomatie française lors d’une allocution à l’Assemblée nationale.

Radio-Canada



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Source : Radio-Canada
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