04-11-2019 09:12 - Les nominations aux postes clés sont-ils un remède viable aux problèmes que vit le pays ?

Oumar MOHAMED MOCTAR ELHAJ - La question mérite bien d’être posée, car à chaque changement de gouvernement, ailleurs, mais et surtout chez nous, l’opinion se met à l’écoute, et les supputations vont bon train. Qui sera nommé ? Où sera-t-il nommé ?
Deux questions qui portent sur deux inconnus, comme si la réponse, constitue en elle-même une solution même partielle aux problèmes posés. A y réfléchir c’est une autre façon de dire l’homme (ou la femme) qu’il faut à la place qu’il faut. Quel pilote pour quel type de véhicule ?
Ceci suppose, que les véhicules à conduire, sont, déjà bien garés, entretenus, performants, capable de vrombir et d’atteindre les meilleures performances sous la pédale et la main d’un pilote expert, ayant le pouvoir de faire corps et âme avec son engin.
C’est une simplification qui nous permet de faire des raccourcis et nous évite de réfléchir à solutionner des équations à milles inconnues, au risque de capter une migraine. Maladie grave (chez nous) et parfois incurable, le paracétamol, falsifié et ayant accusé deux ans après sa date de validité, n’y pourrait rien. Et le chirurgien dont les outils sont aigus et tranchant, à dessein, vous préconisera peut être de couper la tête pour sauver le reste du corps, encouragé en cela par le niveau de la facture, qui lui permettra à court terme d’amortir le cout (en terme de temps, d’effort et de subtilité) qu’il a investi pour obtenir son diplôme de médecin. (Nous y reviendrons peut être un jour si ALLAH nous accorde le temps et la force d’en parler).
Concernant notre sujet :
Le Gouvernement est resté calme, après les élections présidentielles, qui ont donné le candidat Mohamed CHEIKH GHAZOUANI gagnant, loin devant « ses concurrents unis » (en réalité désunis dans la course, mais unis dans la défaite). Le nouveau Président semble travailler d’arrache-pied pour dresser un bilan de démarrage. C’est un bon signe, parce que très souvent, dans l’euphorie de la victoire le gagnant, enfourche son destrier, sabre à la main et rentre dans la mêlée pour inscrire sa victoire, la raffermir et démontrer à ceux qui l’on voté et ceux qui l’on dé-oté qu’il est un gagnant hors pair. Dans cette précipitation, et comme la réalité est têtue, il subit, alors, les revers qu’un environnement, minée par des années, voire de décennie de mauvaise gouvernance. Il se retrouve, alors, piégé et dans l’obligation d’assumer tout le passif de ces prédécesseurs, mêmes leurs passifs incorporels ?
Un bilan de démarrage est toujours utile. Utile pour les boutiquiers qui font à chaque changement de débouteur (Weggaf) un bilan (Reggla) pour savoir ; ce que le sortant a laissé (actif et passif) et connaitre ce que son remplaçant après avoir entamé son ou ses mandats aura laissé (actif et passif). Utile, aussi, pour le Président de la banque Mondiale, le Secrétaire Général des Nations Unis, les Présidents et chefs d’Etat. Enfin, utile pour tous ceux à qui on confie, de quelques manières que ce soit, la gestion d’une entreprise, au sens large du terme.
A travers les nominations, qui viennent compléter celles des membres du Gouvernement, il est permis de penser que la confection du bilan, touche, peut être à sa fin, et permet, dèja, de prendre des mesures d’urgence.
Revenons aux premières nominations, SNIM, SOMELEC, SNDE … Le Président et son PM semblent bien avoir une idée de par ou se mange l’omoplate. La nomination de directeurs choisis sur des critères bien adaptés est-elle suffisante, en elle-même, pour redresser la barre ? Je ne le pense pas.
Prenons la SOMELEC et la SNDE.
Ces sociétés ont été dirigées par plusieurs haut-cadres, dont certains avaient des diplômes et une expérience. Leur situation n’a fait, cependant, qu’empirer. Je ne parle pas des investissements consentis, sur concours extérieurs ou sur budget de l’Etat. Il s’agit de fonds considérables qui ont été investis pour doter ces sociétés des moyens aptes à leur permettre de répondre aux besoins pressants des usagers et de permettre le développement d’autres activités, comme l’agriculture et l’industrie. L’audit de ces investissements, la vérification des conditions d’attributions des marchés, l’assurance du respect du rapport qualité/prix relèveraient d’une autre approche.
L’opinion ici se focalise sur la gestion de ces sociétés, au quotidien, et sur son influence sur la rentabilité de ces sociétés.
Je peux dire sans crainte de subir la preuve contraire, qu’il ne se trouverait pas un mauritanien ou un étranger, fut-il- l’avocat conseiller attitré du diable lui-même (il doit bien avoir un avocat, le diable : les avocats sont indispensables), qui vous dira du bien sur ces sociétés.
Pourquoi ? Prenons l’exemple le plus saillant : la SOMELEC.
La SOMELEC est devenue, depuis très longtemps, à une date qui serait, même, antérieure à sa création, un repaire de toutes les malversations imaginables, une armée de voleurs, d’escrocs, d’intermédiaires, de corrompus, de faussaire et de brigands.
Je sais que ce n’est pas tendre de ma part, et j’aurais bien voulu trouver des épithètes moins dévalorisants, mais à l’impossible nul n’est tenu.
Chaque matin que le soleil se lève ou ne se lève pas, des dizaines de rapaces, composés d’agents et de ceux qui sont appelés, dans le jargon de la SOMELEC, des bénévoles, parcourent les quartiers de la ville, de long en large. Ils déconnectent des milliers de citoyens, ou menacent de les déconnecter, les accusent de fraude, lorsque le compteur n’a pas marqué une consommation d’un certain niveau (la cause peut être une diminution programmée de la consommation ou une absence, pendant une certaine période du domicile du bureau ou du commerce).
D’autre part, quand vous vous présentez pour la souscription d’un abonnement, ou le changement de l’abonné, on vous fait savoir que c’est une entreprise qui vous coutera la moitié de votre vie à attendre la signature de la paperasse, des autorisations, des compteurs dont le stock est épuisé, et dont on ne sait dans combien de temps ils seront disponibles. Le Chef ne vous recevra pas, ou vous recevra, avec un sourire préfabriqué, le temps de vous expliquer qu’il est occupé, submergé.
Il vous fera savoir combien la vie est difficile et combien les conditions de la société sont invivables, c’est pourquoi il est obligé de jouer au mécène et de s’occuper de choses qui ne le concerne pas pour combler les insuffisances et pour que la machine continue à tourner. Vous constaterez, qu’à chaque instant, il convoquera un de ses agents pour lui dire de prendre telle pièce ou tel équipement et de se rendre chez X (généralement, un ministre, un directeur, un colonel, un responsable tout court et tout large) pour lui résoudre un problème dans l’immédiat. Outre les avantages personnels (en terme monétaire et de services personnels), qu’il en tire, il veut, aussi, tisser un réseau de relations, sur lequel, il pourra rebondir en cas de pépin. Il ne sait pas, ingrat, dans son âme, que ceux qui se nourrissent de l’argent public, sont aussi ingrats que lui et que sa chute, les fera, juste, frissonner pour eux même, un quart de seconde, avant d’oublier son aventure.
Tout le monde sait qu’être chef d’une agence de la SOMELEC, ou un responsable, ayant un quelconque pouvoir, est une manne financière, inépuisable. Chaque chef d’agence se construit des villas, revient chaque jour avec des sachets contenants quelques dizaines, voire centaines de milliers de nos précieuses nouvelles ouguiyas. Il devient, chichement, généreux, distribue un peu autour de lui, se paye une tribu, ou une ethnie, un parti et pourra même construire des mosquées ou faire des dons à certains imams en manque.
Il ne traite, jamais, directement, mais par l’intermédiaire de ses agents et des bénévoles de la SOMLEC.
La SOMELEC a des bénévoles. Elle n’a pas les moyens de recruter, parce que qu’une bonne partie de son argent va droit dans les centaines de poches, de son personnel et des intermédiaire, commissionnaires. Elle fait, alors, appel aux bénévoles. Des gens ayant de grands cœur et qui dédient leurs vies à travailler sans rémunération pour la SOMELEC.
Il faut être en Mauritanie pour voir ça et le comprendre. C’est comme si la société MCM (qui exploite l’or) n’a pas les moyens de transporter son or vers le site d’emmagasinage, et qu’elle reçoive l’offre de bénévoles pour effectuer ce transport, gratuitement. Trouvez-vous cela logique ?
Et plus, si vous offrez à ces bénévoles un emploi pour assister les œuvres charitables, aider les mosquées ou les orphelinats, ou les centres de santé, ils rejetteraient votre offre, même si vous offrez de les rémunérer, grassement, pour leur bénévolat.
Ils travaillent dans l’informel le compte des officiels et des chefs qui ne veulent pas discuter, directement, avec le client en détresse, afin d’éviter tout risque.
Quand ils viennent, en votre absence, à votre domicile, bureau, ou commerce, ils repartent avec votre compteur. Et si vous arrivez à prouver que vous n’avez aucun arrière, et que vous êtes régulier, ils vous obligent à acheter un nouveau compteur, prétextant, que le votre est égaré dans le magasin. Un agent se rapprochera de vous et vous propose de tricoter pour que vous ayez à payer moins, à l’avenir, et il vous délivrera, même, une assurance verbale contre tout contrôle inopiné. Ils veut vous tenir, comme, ils croit tenir ses chefs (commanditaires).
Les grandes sociétés de pêches, les usines de fabrication, les ateliers, les gros consommateurs ont des contrats avec des gens à la SOMELEC, qui arrêtent leurs compteurs pendant des périodes intermédiaires entre les périodes de prélèvements, afin de ne pas être facturés pendant plusieurs jours, notamment les jours de pointe. Ils bénéficient d’abonnement pour des puissances déclarées inférieures aux puissances réelles …
A quoi bon nommer un honnête homme (ou femme), s’il devra gouverner une société, ou tout le monde excelle dans la corruption les détournements et l’escroquerie ?
Si cet honnête homme ou femme, qui dispose des diplômes, de l’expérience, de la moralité et du caractère nécessaires pour assurer une saine gestion de la société, essaie de mettre de l’ordre, il sera hué par tout le monde, diabolisé, attaqué dans son intimité, dénoncé en haut lieu. Il finira par se faire remplacer, très rapidement, car tout ira de travers. Sauf, à apprendre, à l’école, des métiers de l’escroquerie et du détournement de la société, et là il sera encore plus dangereux, selon la période de jeûne, qu’il aura observé, jusque-là, avant de céder, à la tentation de l’argent facile.
Ce genre de nomination, dans notre contexte actuel doit être doublé d’une mission de nettoyage des mentalités et moralisation des pratiques. Le directeur ou gestionnaire doit pouvoir, mettre à la touche, licencier, les éléments les plus rebelles à l’amendement et bénéficier de tous les pouvoirs nécessaires à un réel redressement. Avec un suivi et contrôle quasi continu pour éviter les dérives.
Si une comptabilité, de malversation, pouvait être tenue, elle relèverait, sans l’ombre d’un doute, que les détournements, dont cette société est l’objet, dépasseraient les 30% de son chiffre d’affaire.
Ces pertes sont accentuées par un autre phénomène, les citoyens, usagers, qui se font voler tous les jours, mêmes les plus honnêtes, ne lésinent plus à faire usage de fraude, pour parler le langage de la société. Ils trouvent dans le fiqh une interprétation for commode de la Aya «… celui qui vous agresse, agressez le dans la limite de l’agression qu’il vous a fait subir...» ; "... فمن اعتدى عليكم فأعتدوا عليه بمثل ما أعتدى عليكم ...". D’ailleurs, les gens de la SOMELEC n’aiment pas avoir affaire à un honnête client. Question d’incompatibilité d’humeur.
Je ne veux pas m’allonger sur ces choses que tout le monde connait et accepte, car je suis sûr que les hauts responsables de l’Etat, ont été, à certains moments de leur vie, confrontés à cette situation.
La SNIM, Je me rappelle bien quand je touchais un peu au secteur de la pêche avoir entendu des discussions entre des techniciens de bateaux sur des moteurs Caterpillar qui provenaient de la SNIM et devait être installés sur des bateaux appartenant à des privés. Quand je les interrogeais, ils m’apprirent, que la SNIM alimente certains marchés de pièces détachées de seconde main, dans le pays.
Ce n’est pas des accusations, ni de la délation, il s’agit de parler d’un mal qui ronge notre pays et qui mettrait en échec toute politique et tout programme de redressement, aussi, ambitieux soit-il.
J’ai parlé de ce que moi, dont la vie est à plus de 80% entre la maison et le bureau, ai su ou connu. Je pense que des personnes plus extraverties pourrait en parler à n’en pas finir.
J’ai parlé, à titre d’exemple, de la SOMELEC et de la SNIM, quant à la SNDE, elle est la fille de la SOMELEC et comme disent les égyptiens : «Le fils de l’oie est bon nageur» ولد الوزة عوام.
J’ai parlé, de ce qu’on pourrait nommer dans le jargon juridique des larcins, mais dont la généralisation est aussi dangereuse que les grands détournements évoqués parfois dans les médias.
Ce constat est valable pour toutes les administrations, les sociétés publiques, l’Etat civil, la douane, la police, la justice etc.
Il est bien évident que ce réquisitoire ne concerne pas les gens honnêtes qui travaillent dans ces sociétés administrations et qui représente l’exception sur laquelle l’espoir peut encore reposer.
Dans tout ce qui est public, il y a, toujours, une appropriation du service, par ceux qui ont la charge de le gérer pour et dans l’intérêt du citoyen sur la base du mérite et indépendamment de toute autre considération, qui en font un fonds de commerce, et utilisent une partie des recettes mal acquises, pour s’acheter le silence de leurs chefs, les services d’un protecteur, ou neutraliser les velléités dans contrôleur trop hardi.
L’impunité constitue une des causes de tous les problèmes auxquels notre pays est confronté depuis bien longtemps, et contre laquelle, l’actuel Président de la République et son équipe doivent lutter sans relâche, s’ils veulent avoir une chance de redresser la barre.
Oumar MOHAMED MOCTAR EL HAJ
Avocat
oumarmohamed@hotmail.com
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