05-12-2019 00:00 - Patrimoine halieutique national: un capital naturel et l’équité, le principal enjeu de sa gestion

Patrimoine halieutique national: un capital naturel et l’équité, le principal enjeu de sa gestion

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme - Conformément à l’article 3 de la loi 2015-017 portant Code des pêches, « les ressources halieutiques sous juridiction mauritanienne et leurs écosystèmes constituent un patrimoine national que l’Etat a l’obligation de gérer dans l’intérêt de la collectivité nationale ……..».

Plus explicitement, les ressources halieutiques constituent une propriété commune aux générations présentes et futures. Ainsi, ces ressources représentent un capital naturel qui doit équitablement profiter, dans le temps et dans l’espace, à tous les citoyens tant directement qu’indirectement.

En ce qui concerne le profit direct de ce capital naturel, il peut être à travers l’accès (i) à la ressource, (ii) au domaine public maritime, (iii) à l’emploi, (iv) au poisson pour la consommation et enfin, (v) à toutes sortes de dons et facilités pouvant être directement accordées, notamment à ceux qui opèrent dans le secteur des pêches (embarcations, intrants, subventions et crédits, etc.).

Au niveau de l’accès à la ressource, il serait question de donner, aux Mauritaniens qui en ont la possibilité, les mêmes chances dans l’acquisition et/ou affrètement des navires ainsi que dans l’attribution des quotas.

E dehors des détenteurs de capitaux, il y a également ceux qui sont nés pêcheurs ou qui ont appris à le devenir. A propos, il a une fois été rappelé qu’en Mauritanie, il n’y a presque pas de pêche artisanale maritime (http://cridem.org/C_Info.php?article=682364) et il est, en conséquence, demandé aujourd’hui d’arrêter d’accorder au sous-secteur de ce genre de pêche le caractère informel ; la situation de confusion actuelle ne profitant, en réalité, qu’aux propriétaires des navires côtiers et à ceux qui financent les activités de production du soi-disant parc artisanal.

La mise en place préalable de critères objectifs et transparents et puis le strict respect de tels critères, éviteraient, entres autres injustices, le phénomène de circulation sur le marché d’autorisations à vendre (quotas, usine de farine, affrètement, etc.).

Ces autorisations, détenues illégalement par des intermédiaires, sont généralement achetées par des gens ayant des moyens financiers propres et intéressés par le secteur, mais qui n’avaient pas réussi à découvrir les mots de passe pour avoir, par la voie normale ou paranormale, de tels papiers.

A ne pas confondre ce genre d’autorisations (licences) avec celles données, parfois, pour des raisons d’Etat.

Dans la gestion des activités du secteur des pêches, le domaine public maritime constitue, de par son caractère d’inaliénabilité et de sa position centrale entre la mer et le continent, un enjeu majeur et ce avant et après la création de l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou.

Aujourd’hui, il est souhaitable que ce qui se passait là à partir de 2009, à Nouadhibou et à Nouakchott, ne se répète plus chaque fois qu’une nouvelle infrastructure portuaire ou assimilée se réalisera (Tanit, N’Diago, etc.).

Il est aussi impératif que le volet social de la politique de gestion des ressources halieutiques nationales en tant que capital naturel propriété de tous, axe principalement sur la création d’opportunités d’emplois et l’approvisionnement du marché intérieur en poisson.

Qu’il s’agisse des emplois à bord et à terre ou au niveau de l’Administration centrale et des établissements sous tutelle, ces emplois doivent profiter de manière équitable à tous les citoyens sans aucune forme de discrimination.

Quant à la politique entreprise depuis 2006 pour assurer au peuple de gouter à son poisson, elle doit également obéir au principe d’équité. La réussite de cette politique passe, à mon avis, par sa révision sur la base des constats suivants :

○ la différence entre le prix du poisson sur le marché national et celui à l’exportation est, en toute objectivité, en faveur de tout orienter vers un marché extérieur plus rémunérateur ; tout commerçant ne se soucie que du gain, c'est-à-dire de son intérêt égoïste ;

○ l’Etat est le seul responsable de l’approvisionnement du marché national en poisson, de la promotion de sa consommation et de la façon de réaliser ces deux obligations morales;

○ La production de la pêche continentale ne profite actuellement qu’aux étrangers malgré les conditions faciles de son exercice, l’importance relative de la productivité biologique d’un bon nombre des plans d’eau intérieurs ainsi que le fait que ses sites se trouvent généralement à proximité d’agglomération humaines pauvres et démunies;

○ L’action de la Société Nationale de Distribution de Poisson (SNDP). mise en place par les pouvoirs publics pour contribuer à sa politique de lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire, a été trop politisée.

A la lumière de ces constats, on devra alors mettre l’accent sur la recherche de solutions à la fois efficaces et répondant à l’enjeu de l’équité qui nous préoccupe dans cet écrit, voulu d’ailleurs un cri d’alarme contre l’injustice dans tous les secteurs, notamment économiques.

On peut déjà penser au fait que le prix, la qualité et la disponibilité du poisson à l’échelle de toute l’étendue du territoire national, aideraient (i) à l’introduire dans les habitudes alimentaires des Mauritanienns, (ii) à diminuer la pression sur le cheptel sachant que nous sommes des mangeurs, par excellence, de la viande rouge, (iii) à secourir, pendant les périodes de soudure, les populations et (iv) à faire, enfin, profiter les populations des vertus nutritionnelles et sanitaires de ce produit fortement convoité ailleurs.

De même, on pourra également penser à élargir aux navires nationaux et étrangers (artisanaux, côtiers et hauturiers), détenteurs de licences pour spécifiquement la pêche de poisson, la redevance en nature appliquée déjà, depuis 2012, aux navires étrangers pélagiques industriels (2% des captures réalisées).

Dans le cadre de sa politique de disponibilisation du poisson pour ses citoyens, l’Etat est aussi appelé à continuer à mettre en œuvre des projets de développement de la pêche et de l’aquaculture dans les eaux continentales. Les caractéristiques techniques des plans d’eau et les conditions de vie des populations environnantes, devront être parmi les critères de choix quant à l’ordre de priorité et à l’importance des financements à disponibiliser.

A propos, ces actions s’inscrivent bien dans les missions de la Délégation Générale à la Solidarité Nationale et à la Lutte contre l’Exclusion « Taazour », sachant que celle-ci est chargée de la gestion des programmes et projets portant sur la lutte contre la pauvreté et la précarité dans divers domaines.

S’agissant du profit indirect dudit capital naturel de la part des populations du secteur, il doit être à travers la rente que génère ce capital et qui est versée directement dans les caisses de l’Etat. Déjà, il est d’usage qu’une partie de la rente provenant de l’exploitation des ressources halieutiques du pays, se réinjecte dans le secteur pour financer des projets de développement avec des impacts économiques et sociaux à portée générale.

Quant à la partie la plus importante de ladite rente, l’Etat s’en sert, avec les recettes des autres secteurs, dans l’accomplissement de ses missions régaliennes: sécurité intérieure et extérieure, défense, éducation, santé, la justice, infrastructures, etc.

Un exemple éloquent à ce sujet, en constitue l’enveloppe de 20 milliards N-MRU qui sera mobilisée, au cours des cinq prochaines années, afin de permettre à la nouvelle Délégation Générale « Taazour » d’exécuter des programmes de promotion économique et sociale en faveur des populations qui ont été, par le passé, victimes des inégalités et de la marginalisation

Pour particulièrement les infrastructures et les services de base dans le domaine des pêches (écoles, unités de santé, routes, eau et électricité, etc.), leur réalisation devra également répondre à une logique réconciliant les exigences du développement économique, social et écologique de toute la zone du littoral et les intérêts de ceux qu’y vivent, notamment les populations côtières.

Par ailleurs, il est à rappeler que si l’acceptabilité de la stratégie en cours d’élaboration pour le secteur des pêches (2020-2024), dépendra du degré de compétence technique de ses auteurs, la réalisation des aspirations ci-dessus exprimées ou auxquelles est faite allusion en matière d’équité, incombera, elle, à Monsieur le Ministre des pêches et peut être à ses collaborateurs, gestionnaires au niveau des différents maillons de la chaine de décision.

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme



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