08-04-2020 00:30 - Les impératifs de santé publique face au respect des droits humains dans le contexte du COVID 19

Cheikh Tourad Abdel Malick - Le monde est aujourd’hui confronté à une sérieuse problématique, celle de concilier entre les impératifs de santé publique et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine dans le contexte de la pandémie du COVID 19.
La situation étant très préoccupante, a nécessité la mise en œuvre par les Etats de certaines mesures préventives (Confinement, interdiction des regroupements, fermeture des établissements scolaires et des lieux de cultes, couvre feu, état d’urgence, fermeture des frontières etc.).
Ces mesures temporaires s’inscrivent dans le cadre de la sauvegarde de l’intérêt général, qui pour des raisons de force majeure amène les gouvernants à agir pour éviter le pire.
Il s’agit d’une situation qui au-delà de ses répercussions négatives aux plans économique et financier aboutit parfois à des restrictions voire des limitations des droits et libertés.
Partout dans les pays gravement touchés par le COVID 19, ces mesures sont accompagnées de violations des droits humains (Détention arbitraire, torture et mauvais traitements, violences conjugales, mauvaises conditions et surpopulation en milieu carcéral, violation des droits des réfugiés et des migrants. Ajouter à cela ,la détérioration de l’état de santé des personnes âgées ou celles atteintes de maladies graves comme le diabète, le cancer ou l’hypertension qui représentent le plus grand nombre de décès jusqu’ici enregistrés notamment en Europe pour cause de sélectivité ( Les plus jeunes sont soignés en priorité , selon certaines ONG internationales ).
Dans ce contexte difficile, les Etats ont l’obligation en vertu de leurs engagements internationaux de mettre en œuvre des mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autres en vue de garantir le droit à la santé pour tous , sans discrimination et à protéger l’intégrité physique et morale des populations , particulièrement les groupes vulnérables parmi lesquelles figurent les détenus au niveau des établissements pénitentiaires.
L’urgence face à l’épidémie COVID 19, nécessite la conduite par les Etats de politiques visant à libérer les personnes incarcérées pour des faits mineurs, ou ceux ayant purgé plus de la moitié de leurs peines afin de désengorger les prisons et éviter ainsi une propagation incontrôlable de l’épidémie.
Cela est également valable pour les migrants, réfugiés et personnes déplacées qui nécessitent des mesures de la part des pays d’accueil leur permettant d’être à l’abri du fléau.
La pandémie du COVID 19 ne saurait constituer une occasion pour les Etats de se soustraire de leurs obligations, bien au contraire, elle devrait les encourager à œuvrer pour la garantie du droit à la vie ainsi que les autres droits civils et politiques, économiques et sociaux.
Des mesures économiques et financières au niveau des pays en développement devraient également être prises en faveur des populations démunies, du secteur informel et d’autres secteurs clés notamment la santé, la sécurité, l’éducation, l’hydraulique, l’agroalimentaire et la pèche, pour ne citer que ceux-ci. Le contexte exige aussi une forte solidarité entre les pays du Nord et ceux du Sud en faveur de la garantie des droits économiques et sociaux fortement atteints par la pandémie du COVID 19.
Pour conclure, le Secrétaire général de l’ONU, Mr Antonio Guteress, la Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, Mme Michelle Bachelet relayés par une majorité des experts onusiens (Rapporteurs spéciaux et organes de traités) ont tiré récemment la sonnette d’alarme face à cette situation inédite, en réitérant aux Etats la nécessité de concilier entre les impératifs de santé publique et le plein respect des droits humains.
Préserver la vie de tout un chacun constitue le vrai challenge du moment face à un ennemi commun à l’humanité, le COVID 19, rien d’autre ne se justifie, surtout quand il s’agit de porter atteinte à la dignité humaine.
Par Cheikh Tourad Ould Abdel Malick
Ancien Commissaire aux Droits de l’Homme et à l’Action Humanitaire
Expert international,
membre du sous comité des Nations Unies pour la prévention de la torture
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