10-06-2020 11:11 - Communiqué d’Amnesty sur les exactions des militaires contre les civils au Mali, Burkina Faso et au Niger

Communiqué d’Amnesty sur les exactions des militaires contre les civils au Mali, Burkina Faso et au Niger

Amnesty International - Près de 200 personnes, dont des personnes déplacées internes, ont été victimes d'homicides illégaux ou de disparitions forcées entre février et mars 2020.

Des dizaines de personnes ont été arrêtées arbitrairement, et l'on reste sans nouvelles d'un certain nombre d'entre elles. L'impunité et la volonté d'obtenir des « victoires » alimentent les violations au Mali, au Niger et au Burkina Faso.

Semant la terreur dans des villages du Mali, du Niger et du Burkina Faso, des soldats ont tué illégalement ou soumis à des disparitions forcées au moins 199 personnes entre février et avril 2020, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié mercredi 10 juin 2020.

Certains des homicides commis s'apparentent à des exécutions extrajudiciaires, et des personnes déplacées internes font partie des victimes.

Le rapport, intitulé « Ils en ont exécuté certains et emmené d’autres avec eux » : Péril pour les populations civiles dans le Sahel, appelle les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger à mettre un terme à l'impunité concernant les violations régulièrement commises par leurs forces de sécurité contre des populations non armées, et à veiller à ce que les opérations militaires soient conformes aux droits humains et au droit international humanitaire. Au Mali et au Burkina Faso, où la situation est celle d'un conflit armé non international, les homicides délibérés de civils non armés par les forces de sécurité pourraient être constitutifs de crimes de guerre.

« L'insécurité règne au Sahel, où la population est piégée entre les attaques des groupes armés et les opérations militaires en cours. On sait que l'armée procède à chaque fois à des dizaines d'arrestations arbitraires, et que certaines des personnes arrêtées ne réapparaissent jamais, mais on ignore l'ampleur réelle des violations commises par les forces de sécurité », a déclaré Samira Daoud, directrice pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale à Amnesty International.

« Jusqu'à présent, les engagements des gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger promettant de remédier à ces violations n'ont pas été suivis d’effet. Les autorités de ces pays doivent de toute urgence enquêter de manière rigoureuse sur ces violences, dont beaucoup pourraient constituer des crimes de guerre, et veiller à ce que la population soit protégée pendant les opérations militaires contre des groupes armés. »

Le rapport d'Amnesty International dénonce les violations commises dans le cadre de la réponse militaire à l'insécurité au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ces trois pays étant confrontés à la menace de groupes armés tels que le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) et l'État islamique au grand Sahara (EIGS). Ces violations se sont produites dans le sillage du sommet de Pau, en France, qui a réuni le 13 janvier 2020 les pays du G5 Sahel, dont les trois pays évoqués ci-dessus, et la France, et lors duquel ces pays ont réaffirmé leur partenariat dans la lutte contre l'insécurité au Sahel.

|||Des villageois arrêtés et exécutés illégalement au Mali

Au Mali, l'armée a lancé des opérations de grande ampleur dans les communes de Diabaly et de Dogofry, dans la région de Ségou. Ces opérations ont donné lieu à diverses violations des droits humains à la suite d'attaques de groupes armés contre les forces de sécurité.

Amnesty International a pu confirmer au moins 23 cas d'exécutions extrajudiciaires ou d'autres homicides illégaux et 27 arrestations arbitraires suivies de disparitions forcées aux mains de l'armée malienne dans les communes de Diabali et de Dogofry, entre le 3 février et le 11 mars 2020.

Le 16 février, à Belidanedji, les forces de sécurité ont procédé à l'exécution extrajudiciaire de cinq personnes, que les villageois ont ensuite enterrées, et à l'arrestation de 18 autres, dont on est sans nouvelles depuis.

Un proche de victimes a raconté à Amnesty International :

« Quand les soldats sont arrivés dans le village, la plupart des gens ont fui pour échapper à leur violence. Mais ils ont arrêté plusieurs villageois et exécuté quatre membres de ma famille. Ensuite, ils ont saisi une partie des stocks d'engrais, des vivres et de nombreux autres produits sur le marché. »

|||Exécutions extrajudiciaires au Burkina Faso

Amnesty International a aussi recueilli des informations faisant état de violations flagrantes des droits humains commises par les forces de sécurité du Burkina Faso entre mars et avril 2020. Dans au moins deux cas, les forces de sécurité ont soumis des personnes à des disparitions forcées – dont des personnes déplacées internes–, avant de les tuer.

Issouf Barry, conseiller local de Sollé, Hamidou Barry, chef du village de Sollé, et Oumarou Barry, membre de la famille princière de Banh, ont été enlevés à leur domicile, à Ouahigouya, le 29 mars 2020.

Selon un proche d'une des victimes, ces trois hommes ont été arrêtés chez eux par des gendarmes. Tous trois étaient des personnes déplacées, qui avaient quitté leur lieu d'habitation d'origine pour trouver refuge à Ouahigouya, la capitale régionale, en raison de l'insécurité. Leurs cadavres ont été retrouvés par des villageois le 2 avril en périphérie de la ville, sur la route menant à Oula.

Dans un autre cas signalé à Amnesty International, 31 habitants de Djibo, dont 10 personnes déplacées, ont été arrêtés et exécutés le 9 avril 2020 par le Groupement des forces antiterroristes (GFAT). Le 20 avril, le gouvernement a reconnu que des exécutions extrajudiciaires avaient eu lieu. Il a déclaré que la Direction de la justice militaire avait été chargée le 10 avril d'enquêter sur ces allégations.

|||Plus de 100 villageois victimes de disparitions forcées au Niger

Au Niger, 102 habitants de la région de Tillabéri, dans le sud-ouest du pays, ont été arrêtés et soumis à une disparition forcée par l'armée dans le cadre de l'opération Almahou entre le 27 mars et le 2 avril 2020.

Des témoins ont dit à Amnesty International que, entre le 27 et le 29 mars, 48 personnes avaient été arrêtées par des soldats nigériens alors qu'elles se rendaient au marché à Ayorou ou qu'elles en revenaient. Les 54 autres ont été arrêtées par les forces de sécurité dans plusieurs villages le 2 avril.

Cinq témoins interrogés par Amnesty International ont souligné que toutes ces personnes avaient depuis disparu et que de nombreuses fosses communes avaient été découvertes à plusieurs endroits dans le département d'Ayorou. La plupart des habitant·e·s de la région n'osaient pas s'aventurer à proximité de ces fosses communes ni demander des nouvelles des victimes de disparitions forcées par crainte de subir à leur tour un sort peu enviable.

La répression militaire a contraint de nombreuses personnes à fuir vers les zones urbaines pour s'y mettre en sécurité.

« La localité d'Inates est désertée par ses habitant·e·s et la plupart sont partis vers le Sud, plus près des centres urbains, en raison de l'insécurité », a déclaré un témoin à Amnesty International.

« Les autorités du Mali, du Niger et du Burkina Faso doivent mettre un terme aux homicides illégaux et aux disparitions forcées perpétrés par leurs forces de sécurité. Elles doivent faire libérer immédiatement toutes les personnes qui ont été arrêtées ou enlevées, à moins que celles-ci ne soient traduites devant un tribunal et inculpées d'une infraction dûment reconnue par la loi. Elles doivent enquêter sur ces violations et en poursuivre les responsables présumés en justice. L’impunité ne fait qu’engendrer de nouvelles violences et atteintes aux droits humains », a déclaré Samira Daoud.

« Il est important que les acteurs régionaux et les partenaires internationaux se prononcent fermement contre ces violations et appellent les autorités des trois pays à faire en sorte que toutes les mesures nécessaires soient prises avant, pendant et après les opérations militaires pour éviter de mettre la population civile en danger et empêcher que d'autres violations ne soient commises. »

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez prendre contact avec le Service de presse d’Amnesty International pour l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest : press@amnesty.org ou Sadibou.marong@amnesty.org ; tél : +221 77 658 62 27 ; Twitter : @AmnestyWARO





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 3
Lus : 2788

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • ouldsidialy (H) 10/06/2020 18:48 X

    @ TERRIER les « toubabs » comme vous dites, sont dans la bataille et depuis le début de la guerre. On ne peut un jour les accuser d'entretenir un foyer de tension en ne faisant pas assez et pas assez vite depuis 7 ans et ensuite leur reprocher l'offensive vigoureuse de ces derniers mois qui semble donner des résultats militaires. On peut bien entendu « comprendre », comme vous dites, d'éventuelles bavures ou inconduites des forces africaines comme internationales: c'est la guerre! Mais c'est aussi bien que la société civile s'alarme des excès. Chacun est dans son rôle. Et il n’y a ni " complot toubab » ni atavisme des africains pour la brutalité sauvage" ( en référence aux clichés bien connus) . On est d’accord n’est-ce pas ?

  • Terrier (H) 10/06/2020 14:53 X

    Le Mali,le Niger et le Burkina sont aux prises avec le diable ! Je ne dis pas que tous les mesures dont ils disposent sont bonnes pour en venir à bout ! Mais on doit les comprendre dans une certaine mesure et ne croire à tout ce que les toubabs écrivent là-dessus ! Ils ne sont pas dans la bataille ! Et c’est à voir s’ils ne veulent pas que cette situation perdure dans toute la sous-région !

  • Terrier (H) 10/06/2020 14:48 X

    ´´ Celui qui n’est pas dans la bataille (critiquant son déroulement) est très courageux ! disait le dicton maure....