04-11-2020 11:11 - Covid-19 : «Le virus est avec nous pour toujours», prévient une spécialiste de l’OMS

Le Parisien - Catherine Smallwood, responsable des situations d’urgence à l’OMS-Europe, nous a répondu en exclusivité depuis son bureau de Copenhague (Danemark). Contaminations en hausse, vaccin… elle fait le point sur l’évolution du Covid-19, «un ennemi redoutable».
Dans son bureau à Copenhague, au Danemark, les courbes de l'épidémie se dessinent sur son écran. Ce lundi soir, une est particulièrement alarmante : près de 300 000 morts du Covid en Europe.
« Ce chiffre va encore augmenter », nous prévient Catherine Smallwood, responsable des situations d'urgence à l'Organisation mondiale de la santé-Europe (OMS), dans 53 pays du Vieux Continent.
Malgré un agenda très chargé, entre la guerre dans le Haut-Karabakh, le tremblement de terre en Turquie, cette experte anglaise, rare dans les médias, prend le temps de nous accorder une interview.
Cette pandémie, elle la qualifie de « jamais vu depuis la grippe de 1918 ». Elle-même a perdu des proches. « C'est la première fois que je vis l'urgence à laquelle je réponds ».
Comment expliquer l'accélération soudaine de l'épidémie en Europe ?
CATHERINE SMALLWOOD. Pendant l'été, la situation sanitaire étant relativement calme, les pays ont réautorisé les voyages, l'économie a repris, les cinémas, restaurants ont rouvert. Les gestes barrière se sont relâchés. Les plus jeunes ont recommencé à faire circuler le virus. A la rentrée, il y a eu une accélération des contaminations et on a eu de plus en plus de mal à tracer les nouveaux cas. Le retour du froid n'a pas aidé, les populations ont passé plus de temps à l'intérieur où le virus se transmet plus facilement.
Nous avons donc « raté » notre été ?
Au niveau individuel, il y a eu un ras-le-bol qui se poursuit. On veut retrouver notre vie d'avant. Malheureusement, ce n'est pas notre lassitude qui fera partir l'épidémie. Il va falloir du temps pour cela. En attendant, il faut s'inventer un « nouveau normal », qui nous permet à la fois de vivre et de garder la main sur le virus. Il est un ennemi redoutable.
L'Europe est-elle redevenue l'épicentre de l'épidémie ?
Oui ! Même s'il est difficile de trancher entre elle et les Amériques, son accélération très rapide fait que tous les yeux sont tournés vers l'Europe, et particulièrement vers l'Ouest. Le contexte y est particulier : la population est concentrée, les mouvements de population assez importants à l'intérieur et à l'extérieur des pays, et le vieillissement démographique fait qu'il y a plus d'habitants à risque.
Avec un nombre de cas parmi les plus élevés, la France est-elle la mauvaise élève du continent ?
Il n'y a pas de bons ou de mauvais élèves pour l'instant. Une fois la pandémie terminée, on pourra dire quels sont les Etats qui ont mené les bonnes actions, au bon moment. Ce qui se passe aujourd'hui dans un pays ne prédit pas ce qui s'y produira demain. La Chine ou la Thaïlande, qui ont eu des pics très hauts, contrôlent désormais le virus. Les Balkans, eux, ont connu des pics pendant l'été. Nous, à l'OMS-Europe, on était très focalisé sur ces pays-là pendant qu'en Europe de l'Ouest, personne ne les regardait. En France, le pic est maintenant. Il faut donc des mesures immédiates pour limiter son impact.
Par Elsa Mari et Florence Méréo