05-06-2022 22:57 - 33 ans au Sénégal après la crise de 1989 : Les réfugiés mauritaniens vivent toujours le calvaire

33 ans au Sénégal après la crise de 1989 : Les réfugiés mauritaniens vivent toujours le calvaire

Au lendemain de l’éclatement de la crise diplomatique de 1989 dans la région frontalière entre le Sénégal et la Mauritanie, environ 60.000 personnes avaient fui la Mauritanie vers le Sénégal et le Mali, selon le HCR.

En 2022, la majorité d’entre eux vivent toujours au Sénégal mais dans des conditions très précaires. 33 ans au Sénégal après l’éclatement de la crise de 1989 : Les réfugiés mauritaniens vivent toujours le calvaire.

Apatrides, sans emplois ni revenus stables, sans domiciles fixes et souvent hébergés dans des maisons en délabrement ou en construction, les réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal vivent au jour le jour.

À Pikine Médina Gounass, dans la banlieue Dakaroise, vivent quelques membres de cette communauté. Abdourahmane Sy et ses enfants vivent dans cette partie de la banlieue depuis 1989 au lendemain de l’éclatement de la crise diplomatique entre les deux pays frères. Mais pour ce réfugié mauritanien, leur situation n’a pas évolué depuis leur premier jour dans la capitale sénégalaise. Leurs conditions de vie restent très précaires.

« On est là depuis 89 mais la situation n'a pas tellement évolué depuis nos premiers jours ici au Sénégal. On était venu seul, mais actuellement on a nos enfants ici et la vie continue encore d’être vraiment très difficile au Sénégal pour l’ensemble des réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal », regrette le père de famille Abdourahmane Sy, non moins chargé de la communication du comité des réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal.

Un projet de loi sans effets escomptés…

Pour mieux apporter des améliorations aux conditions de vie des réfugiés et des demandeurs d’asile dans son territoire, l’État du Sénégal a fait adopter le 05 Avril 2022 par l’assemblée nationale, le projet de loi n°21/2021 portant statut des réfugiés et des apatrides.

« Ce présent projet de loi qui abroge la loi n° 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut de réfugiés modifiée par la loi n° 75-109 du 20 décembre 1975 vise à apporter des améliorations à la condition des réfugiés et à mettre en place un système normatif et institutionnel, apte à assurer aux apatrides une protection efficace », avait rassuré le ministre Garde des Sceaux lors du vote du projet de loi devant le parlement. Mieux encore, Me Malick Sall avait indiqué que le projet de loi apporte les innovations majeures suivantes : « la mise en place d’un organisme administratif chargé d’assurer avec efficience la protection juridique et administrative des réfugiés et des apatrides, l’encadrement du statut des apatrides, la reconnaissance et l’aménagement d’un droit de recours contre les décisions prises en matière d’octroi du statut de réfugié et/ou d’apatride, la consécration du droit au regroupement familial si l’un des membres de la famille a obtenu l’asile ».

Cependant, pour le membre de la coordination des organisations des réfugiés mauritaniens au Sénégal, Abdourahmane Sy, la situation n’a pas évolué par rapport à leurs conditions d’existence depuis l’adoption de ce projet de loi par l’Assemblée nationale.

« On a tellement fait de réunions et rencontres qu’on se dit même est-ce que c’est nécessaire de continuer à dialoguer? Et depuis un certain moment les gens ont senti qu’il y a toujours un délaissement ici au niveau du Sénégal », renseigne le membre du comité des réfugiés mauritaniens au Sénégal.

Les enfants doubles victimes !

Même les enfants ne sont pas épargnés de cette situation que vivent leurs parents en terre sénégalaise. La majeure partie d’entre eux qui ont terminé leurs études sont confrontés à la problématique de l’emploi. Car ils ne disposent pas de nationalité encore moins de documents reconnus par l’administration sénégalaise.

« Nos enfants qui avaient bénéficié des formations professionnelles n’ont pas accès à l’emploi. Parce qu’ils n’ont pas de documents reconnus par l’administration sénégalaise. Donc on revient toujours à la case départ. On ne demande pas le paradis mais il y a un minimum qui a été protégé par le texte international et par la constitution du Sénégal, à savoir une notification de ce qui est primordial. Mais de 89 à ce 02 juin 2022, par rapport à la documentation ça laisse à désirer. On ne peut pas avoir vraiment une identification fiable reconnue par les instances administratives et financières de ce pays. Parce que tout simplement la carte n'a pas été conventionnelle. Il a fallu qu'ils fassent maintenant le dernier enregistrement biométrique qui ne fait même pas encore 2 mois et à partir de là on attend encore », se lamente Abdourahmane Sy.

Un accès limité aux informations relatives au statut de réfugié

En plus de cela, les demandeurs d’asile n’ont pas un accès équitable aux informations relatives aux procédures de détermination du statut des réfugiés. Et selon le rapport 2019 du Haut-commissariat pour les réfugiés, les demandeurs d'asile ont un accès limité aux informations.

« L’insécurité et la violence dans la région de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont continué d’affecter les pays de toute la région, en particulier ceux dotés d’économie plus faible. En 2019, cela a soulevé des préoccupations quant à leur capacité de répondre aux arrivées de réfugiés en grand nombre.

L’instabilité politique a entravé l’accès à l’asile, les contrôles de sécurité et aux frontières étant renforcés dans toute la région. Les demandeurs d’asile ont eu un accès limité aux informations relatives aux procédures de détermination du statut de réfugié (DSR) et les conseils juridiques et l’aide psychosociale n’ont été accessibles que dans quelques pays comme le Bénin et la Gambie. La capacité d’accueil des institutions nationales est restée limitée et même les pays connaissant très peu d’arrivées ne disposaient pas de systèmes respectant les normes minimales », lit-on dans le rapport.

Dans le même document, le HCR encourage le Sénégal à mettre en place un comité d’appel indépendant pour mieux prendre en compte la question des réfugiés. « L’expertise limitée des organes de première et de seconde instance, ainsi que les changements fréquents du personnel gouvernemental, ont freiné les efforts de renforcement des capacités et créé des lacunes importantes à tous les stades de la procédure d’asile.

Le traitement des dossiers a pris du retard du fait de blocages procéduraux, de faiblesses institutionnelles, d’une gestion des cas non conforme aux directives générales, ainsi que de procédures longues et surchargées. Le HCR a encouragé la mise en place de comités indépendants, en particulier au Sénégal où il n’existe pas de comité d’appel, ainsi qu’au Togo, en Sierra Leone et en Gambie où des comités de seconde instance n’étaient pas encore opérationnels », recommande l’organe de l’ONU. Pour dire qu’il reste encore des efforts à faire pour une meilleure amélioration des conditions de vie et d’existence des réfugiés au Sénégal.

Cet article a été écrit avec le soutien d’Article 19 et l’UNESCO, dans le cadre du projet « Autonomiser les jeunes en Afrique à travers les médias et la communication », financé par l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS), via le « Fonds Afrique » du Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale (MAECI) »





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