02-12-2023 18:00 - Secteur de l’économie maritime : tout le mal réside surtout dans le cadre légal

Secteur de l’économie maritime : tout le mal réside surtout dans le cadre légal

Le ministère des pêches et de l’économie maritime organise, aujourd’hui et demain, un « Atelier de concertation sur la feuille de route pour la relance du secteur des pêches et de l’économie maritime ».

L’invitation généreuse qui m’a été adressée, m’avait donné l’occasion de découvrir le processus de préparation de cette importante manifestation, ses objectifs, les experts recrutés pour prêter main forte au ministère et les personnes les plus impliquées dans l’organisation et le déroulement des travaux.

En guise de reconnaissance et de contribution, je rappelle aux participants à l’atelier et au public intéressé par la vie de ce secteur que l’économie maritime englobe la pêche (maritime et continentale), l’aquaculture (marine et dulcicole) et tout ce qui se rapporte aux affaire maritimes (marine marchande) et les attributions du ministre en charge de ce secteur doivent être régies par un cadre légal composé d’un code des pêches maritimes, un code de pêche continentale, un code de l’industrie aquacole (aquaculture marine et dulcicole) et enfin, un code de la marine marchande.

Déjà, il est reconnu que « Les ressources halieutiques des eaux sous juridiction mauritanienne et leur écosystème constituent un patrimoine national que l'Etat a l’obligation de gérer dans l’intérêt de la collectivité nationale ». Cet Etat, est alors tenu de définir une stratégie visant à protéger ces ressources de manière à permettre leur exploitation durable et à préserver l'équilibre de leurs écosystèmes aquatiques au profit des générations présentes et futures ».

Une bonne prise de conscience de ce devoir ou responsabilité/obligation morale, laisse entendre que tout le tout le mal que vit le secteur aujourd’hui réside surtout dans le cadre légal qui a accompagné la stratégie sectorielle 2015-2019.

Dans ce qui suit, je vous cite quelques exemples constituant des enjeux majeurs en ce qui concerne la durabilité de nos ressources halieutiques et la maximisation et pérennisation des retombées de leur exploitation :

1. Le potentiel permissible annuel (actuellement 1.800.000 T/an ?)

La stratégie du secteur devrait consister à sous-estimer ce potentiel pour les raisons suivantes : (1) assurer sa valorisation sachant la dégradation des ressources halieutiques au niveau mondial et l’intérêt croissant porté par les consommateurs pour les produits de la mer aux vertus nutritionnelles et sanitaires exceptionnelles et (2) éviter d’accroitre la pression sur notre pays de la part d’acquéreurs étrangers suite à la disponibilité de possibilités de pêche hors les capacités nationales de pêche, (l’existence de ‘’surplus’’ motive les accords de pêche avec les pays ou les groupes de pays et toutes sortes de pratiques nuisibles pour la ressource).

2. Les plans d’aménagement ou de gestion des pêcheries (art.14-19) :

Ils constituent les références de toute allocation de la ressource et le moyen garant de la réalisation des visées de l’Etat à l’article 3 ci-dessus cité, c’est-à-dire toute la vision d’équilibre entre le développement des pêcheries et les mesures conservatoires de la ressource et son environnement. D’où la nécessité d’exiger l’élaboration et la mise en œuvre desdits plans au lieu de laisser au gestionnaire de la ressource la possibilité de s’appuyer sur les avis du Conseil Consultatif National de Développement et d’Aménagement des Pêcheries (CCNDAP) (art.20), sur l’improvisation ou sur toute autre manœuvre).

3. La gestion du TAC : elle consiste d’abord en la détermination du TAC annuel par espèce ou groupes d’espèces (art.12) :

L’enjeu est la capacité de la recherche scientifique à déterminer un TAC prévisionnel pour l’année n + 1 afin que le gestionnaire puisse en faire le support de son action d’allocation de la ressource, d’acquisition des navires (construction/importation), bref de maitrise des capacités ou adéquation possibilités de pêche-pression exercée (effort de pêche).

Le deuxième enjeu, en constitue la politique de distribution du TAC fixé (par exemple un quota pour l’Etat à usage uniquement politique, distinct des possibilités de pêche réservées aux nationaux et de celles destinées, le cas échéant, à la vente aux étrangers) et puis les procédures de son allocation aux ayant droit sous forme de quotas (transparence et équinté).

Cette gestion du TAC, est faite conformément aux plans d’aménagement et de gestion des pêcheries (art.13) et non suivant l’avis du CCNDAP et moins encore la volonté du ministre et de ses supérieurs.

4. Les mécanismes d'allocation des droits d'usage et de gestion des concessions (art.27-32).

Au niveau de l’article 25 relatif aux mécanismes d’allocation des droits d’usages et des concessions y afférente, ‘’le Ministre PEUT prendre en considération les éléments suivants ; de a) à k), ouvre la voie, aux gestionnaires, pour déroger à toutes les bonnes disposition précédemment prévues (points c) si le propriétaire du navire qui sera utilisé par le requérant est de nationalité mauritanienne et d) si le requérant du droit d'usage a la capacité de I ‘exercer de manière satisfaisante).

L’article 31, s’inscrit lui aussi, dans cette volonté illicite de pouvoir déroger aux conditions générales contraignantes et voulues comme des garde-fous.

Il y a également la difficulté d’appréhender ou mesurer, concernant la durée d’allocation du droit d’usage, le niveau d’intégration des activités de l’investissement dans l’économie nationale (art. 26).

A remarquer là que (i) l’allocation des droits d’usage sous forme de quotas est privilégiée, mais ce n’est pas la seule façon possible selon l’article 30 (voir pour une partie de la pêche artisanale) et que (ii) les autres articles visent à garantir la transparence et l’équité dans la gestion d’un capital national naturel commun aux générations présentes et futures.

5. Les régimes d’exploitation de la ressource (art.33-37)

Au lieu de privilégier les Mauritaniens, ces régimes créent les conditions de tricheries flagrantes qui gangrènent aujourd’hui le secteur : le statut de société de droit mauritanien accordé sur la base d’une fausse naturalisation de navires, des discriminations injustifiées (conventions d’Etablissement) ou des conditions difficilement vérifiables, voire invérifiables (impacts des investissements, etc.).

La définition des navires de pêche (art.7) : éviter qu’au niveau du code de la marine s’ouvre une brèche pour l’affrètement coque nue spécifique au domaine commercial, pour la mauritanisation provisoire ou l’autorisation exceptionnelle du Ministre, etc.).

Les opérations d'importation, d'exportation, de construction, de transformation ainsi que la modification de l’une des caractéristiques techniques du navire de pêche (art.8). Ces opérations doivent être en adéquation avec les objectifs de durabilité de la ressource, de promotion d’une flotte nationale performante pour exploiter les différentes composantes de nos ressources et pour éviter/limiter la diversité typologique des outils de production, source de tricheries.

6. Le principe de précaution reconnu par le droit international et repris dans le code (art.9). Son application, exigerait le renforcement des conditions de la pêche exploratoire et une attention particulière pour le Cymbium, les concombres et toute pêcherie dite émergente qu’elle soit marine ou continentale. Elle doit être effectuée par l’Etat et à sa charge à travers l’IMROP dans le cadre de pêche a finalité ‘’recherche scientifique et technique’’. Le montage actuel de la recherche exploratoire en fait une manne accordée sciemment a un client qui n’est pas comme les autres.

Ces quelques exemples, pourraient être suffisamment pour démontrer que les vrais problèmes du secteur ne peuvent trouver de solutions satisfaisantes qu’après la révision profonde du cadre légal de la pêche, de l’aquaculture et des affaires maritimes et son adaptation aux orientations politiques et objectifs scientifiques et techniques du secteur et du gouvernement. Comme tout l’enjeu est autour de l’adéquation entre les possibilités de pêche définies par une recherche neutre (TAC) pour une période donnée et les capacités de pêche ou l’effort à autoriser.

A souligner enfin que cette révision de l’arsenal juridique du secteur des pêches et de l’économie maritime, est nécessaire mais pas suffisante puisque le mal de ce secteur est, depuis toujours, celui de la mauvaise gouvernance, voire d’éthique.

Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME





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