15-02-2024 22:30 - Maroc : l’Algérie peut « tirer profit » de la crise agricole avec la Mauritanie

Maroc : l’Algérie peut « tirer profit » de la crise agricole avec la Mauritanie

TSA Algérie - Engagé dans une stratégie d’exportation, le secteur agricole du Maroc se trouve confronté à une crise sans précédent à cause de la sécheresse, de la crise avec la Mauritanie et de la protestation des agriculteurs en Europe. Les exportateurs marocains redoutent la perte du marché mauritanien au profit de l’Algérie.

Pour la 6e année consécutive le manque de pluie met à mal les réserves en eau du pays et impacte lourdement son agriculture, un secteur clé pour l’économie marocaine. À cela, s’ajoutent une crise ouverte avec la Mauritanie et les protestations des agriculteurs en Europe.

Depuis janvier 2024, l’augmentation des droits de douane vise les légumes provenant du Maroc. Les ratés de la stratégie marocaine d’exportation à outrance affectent différentes productions agricoles du pays.

Dans un récent communiqué, la Fédération marocaine des exportateurs de fruits et de légumes (Fifel) s’attend à une baisse de la production de tomates. En cause des températures qui ont provoqué de graves dommages sur les cultures. À cela vient s’ajouter les ravages causés par un virus et le froid qui freine la maturité des fruits et la reprise de jeunes plants.

Au Maroc, cette baisse de production de tomates intervient après la crise de la pastèque. Une crise qui couvait depuis des années. Dès 2017, les habitants de Zagora au sud du Maroc ont manifesté contre les excès des producteurs de pastèques au motif que l’irrigation assèche les nappes phréatiques.

Depuis, les protestations se sont étendues à d’autres localités du royaume, ce qui a amené les autorités marocaines à prendre des mesures drastiques pour limiter ce type de culture destinée à l’exportation et qui est gourmand en eau.

Selon la presse locale, à Zagora les autorités ont été jusqu’à détruire des plantations de pastèques et de melons qui dépassaient les superficies autorisées.

Ces dernières années, les exportations marocaines de pastèques ont fortement augmenté pour atteindre en 2022 le chiffre de 44.000 tonnes, principalement vers l’Espagne.

Dans ce pays, la concurrence des pastèques en provenance du Maroc est telle que des producteurs espagnols ont dû détruire leur propre récolte pour cause de mévente.

Le producteur espagnol Manuel Puertas a préféré donner gratuitement la plus grande de sa récolte. Il a confié à la presse locale : « Je préfère les donner plutôt qu’ils pourrissent ici ». Il estime que ses pertes s’élèvent à 30.000 euros.

Maroc : une sixième année de sécheresse

La culture de la pastèque n’est pas la seule dans le viseur des autorités marocaines. Le manque d’eau lié à la sécheresse a conduit les autorités à restreindre de 3 jours l’ouverture des hammams et à interdire l’activité des stations de lavage pour automobiles.

Récemment, l’agence AFP a rappelé la crise liée au manque en eau que traverse le Maroc. La pluviométrie du début de l’année a subi une baisse de 44 % par rapport à 2023. Le niveau de remplissage des barrages ne serait que de 23 % contre 32 % en moyenne en 2023.

Les besoins en eau sont de l’ordre de 16 milliards de m3 et à lui seul le secteur agricole en consomme 87 %. Suite aux 5 années de sécheresse écoulées, l’agriculture n’en a reçu que 5 milliards, a récemment révélé le ministre marocain de l’Eau, Nizar Baraka.

Sécheresse dans le grenier à blé du Maroc

Dans son enquête, l’AFP relève que la sécheresse affecte également les céréales. Dans le grenier à blé de Berrechid au sud-est de Casablanca, le manque de pluie compromet la récolte à venir de céréales. Pour l’agriculteur Abderrahim Mohafid « la récolte est déjà perdue ».

Il confie à l’AFP : « Le blé devrait être à 60 cm ». Même constat chez Hamid Najeur un autre agriculteur. Sa cinquantaine d’hectares de blé et d’orge « ne sont bons à rien ». Il s’alarme : « Nous n’avons jamais connu une année aussi dure ». Abderrahim Mohafid confie cependant : « La récolte est déjà perdue mais j’espère qu’il va pleuvoir en février et mars pour avoir de quoi nourrir le bétail ».

Le Maroc n’est pas le seul pays à souffrir du manque de pluies, c’est toute une zone qui concerne l’Espagne, les Pyrénées orientales en France et l’Ouest de l’Algérie. Pour le Bureau français de Recherches géologiques et minières, la situation est « préoccupante ».

Mais selon la FAO, au Maroc les effets de la sécheresse sont accentués par une « intensification désordonnée de l’irrigation ». Une eau utilisée en agriculture qui fait qu’à Berrechid la nappe est parmi « l’une des plus dégradée » du pays, poursuit l’AFP.

Maroc : des exportations agricoles qui aggravent la crise de l’eau

Depuis 15 années, la politique agricole du Maroc est tournée vers l’exportation alors que le pays doit faire face à « une offre hydrique en baisse absolue » et qu’elle privilégie les cultures gourmandes en eau, analyse l’agronome Mohamed Tahar Sraïri.

Début février, malgré le manque d’eau, la presse marocaine titrait encore : « Avocats : vers un nouveau record à l’export » et se félicitait que « le Maroc a exporté 30.000 tonnes d’avocats pour la saison 2023-2024 ».

Pour Abderrahim Handouf, ingénieur agronome spécialiste de l’irrigation, « la politique agricole devrait être revue de fond en comble ».

Pour leur part au Maroc, depuis des années, les agriculteurs se sont adaptés et ils sont très nombreux à s’être tournés vers l’irrigation localisée par goutte à goutte, l’une des techniques les plus économes. Mais avec cette nouvelle sécheresse et le rabattement considérable de l’eau dans les nappes, ils sont aujourd’hui le dos au mur.

Les exportateurs marocains redoutent la perte du marché mauritanien au profit de l’Algérie

Aux difficultés rencontrées par le Maroc dans la production de tomates, pastèques et céréales à cause de la sécheresse vient s’ajouter une crise des exportations vers la Mauritanie.

Suite au manque de pluie et pour ne pas perdre des parts de marché en Europe, les autorités marocaines ont décidé d’interdire l’exportation d’oignons et de pommes de terre vers le marché africain et notamment vers la Mauritanie.

En réaction, la Mauritanie a décidé de taxer lourdement les produits agricoles marocains. Une mesure qui risque de profiter à d’autres pays comme l’Algérie, a prévu le 14 janvier dernier le président de l’Association marocaine des exportateurs agricoles, Mohamed Zemrani.

« La suspension par le Maroc de l’exportation de certains produits agricoles vers la Mauritanie a ouvert la voie à de nombreux concurrents pour accéder à cet important marché, notamment l’Algérie, l’Afrique du Sud et l’Égypte », a-t-il mis en garde, selon le site Hespress.

La crise agricole entre la Mauritanie et le Maroc survient alors que l’Algérie ambitionne d’augmenter ses exportations vers ce pays, avec la mise en place d’une zone de libre-échange à Tindouf ainsi que la construction d’une route pour permettre l’acheminement des produits algériens vers le marché mauritanien.

À cela vient s’ajouter la colère des agriculteurs français qui, excédés par la concurrence des produits en provenance du Maroc, ont arrêté et vidé le 24 janvier « des camions étrangers, la plupart espagnols, marocains ou bulgares » sur la N7 à hauteur de Montélimar.

Jusqu’à la culture du haschich qui voit ses exportations réduites notamment vers le marché israélien, révèle l’hebdomadaire français Courrier International. Le manque d’eau n’est cependant pas en cause cette fois-ci.

Les marchands marocains refusent tout simplement de fournir du cannabis aux revendeurs israéliens en témoignage de leur solidarité pour Gaza : « Pourquoi les Israéliens devraient-ils gagner leur vie en vendant du haschich marocain alors que nos frères palestiniens souffrent de la faim et vivent dans des conditions inhumaines ».

Les autorités marocaines sont confrontées aux contradictions d’une stratégie d’exportation à outrance qui épuise les réserves en eau du pays. Abderrahim Handouf reste désabusé : « Aujourd’hui, j’ai l’impression que le gouvernement regarde dans un sens alors que la réalité est dans le sens opposé ».

Par: Djamel Belaid





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