20-04-2024 11:11 - Toulel, un embargo contre SOOBÉ KAFO

Toulel, un embargo contre SOOBÉ KAFO

La situation à Toulel est de toute évidence le reflet de tensions profondes entre différentes couches sociales, notamment entre la féodalité et les personnes issues de familles anciennement "serviles".

Les aspirations à une société plus juste et égalitaire rencontrent des résistances de la part de ceux qui souhaitent maintenir leur position de pouvoir. La lutte pour la dignité et la liberté est donc confrontée à des obstacles culturels et sociaux importants.

Les faits :

A la suite de la fermeture de la coopérative qui regroupait toutes les femmes du village de Toulel, SOOBÉ KAFO (une coopérative de femmes issues de familles anciennement “serviles’’) a entamé des démarches administratives afin d’obtenir un terrain pour poursuivre leurs activités maraîchères. D'autant que leurs “consœurs” du village issues de la féodalité ont pu aménager un vaste terrain octroyé par les siens.

Il faut dire que la fermeture de la première coopérative villageoise est liée au conflit qui opposait les natifs (féodaux versus les descendants de Souleymane Feinda, considérés comme étant d’extraction servile) de Toulel résidant à l’étranger plus précisément en France. Ces derniers réclament plus de justice sociale et d’égalité entre tous les membres du village.

En effet, déterminée à perpétuer son héritage culturel et la reproduction sociale qui lui permet de se maintenir dans sa position hiérarchique, la féodalité de Toulel impose son hégémonie dans tous les domaines de la vie du village, allant de la confiscation de la caisse du village dans la diaspora (en France particulièrement), l’accaparement de la caisse et la maison des ressortissants de Toulel à Nouakchott et à Dakar jusqu’à l’exclusion des femmes de certains militants anti-esclavagistes de l’ancienne coopérative du village.

Ainsi, les femmes de SOOBÉ KAFO en furent des victimes collatérales car le préfet du département de Maghama va décider de mettre fin à l’exploitation du terrain qui appartenait à toutes les femmes du village. La décision du préfet, bien qu'elle puisse être fondée sur des considérations administratives, semble favoriser davantage les intérêts de la féodalité de Toulel au détriment de l'égalité et de la justice pour toutes les femmes du village.

Mais, en dépit des obstacles rencontrés, les femmes de SOOBÉ KAFO ont continué à se battre pour leurs droits et ont finalement obtenu une première victoire. En effet, le Maire, qui jadis faisait la sourde oreille a fini par les entendre et formuler une demande le 7 septembre 2023 auprès de la préfecture de Maghama. Après l’examen du dossier de la coopérative SOOBÉ KAFO, le préfet a émis un avis favorable le 3 octobre 2023 pour l’exploitation d’un nouveau terrain. Leur persévérance démontre leur détermination à faire valoir leurs droits et à surmonter les injustices auxquelles elles sont confrontées.

Cependant cette première victoire fut rapidement écornée. Au démarrage des premiers travaux de la coopérative, un féodal-esclavagiste du nom de Coly SOUMARÉ bénéficiant du soutien inconditionnel de son clan, vint implanter des poteaux sur le terrain de la coopérative des femmes en prétextant que celui-ci est son domaine privé qu’il a hérité de ses aïeux.

Une belle manière de créer un litige afin que le terrain ne soit pas exploité par SOOBÉ KAFO. M. Soumaré ne possèderait aucune preuve matérielle attestant qu’il est le propriétaire du terrain en question si ce n’est qu’il est issu de la famille régnante. Lui comme tous les membres de son clan peuvent disposer de tous les terrains du village à leur guise sans avoir des comptes à rendre à qui que ce soit.

Bien que les femmes SOBÉ KAFO aient introduit une nouvelle demande auprès du Maire qui a son tour l’a instruit à la préfecture (qui a enfin émis un avis favorable à l’exploitation du terrain), la féodalité de Toulel semble trouver une solution pour arrêter les travaux. Les femmes de SOBÉ KAFO se sont rendues à la préfecture de Maghama afin que le préfet puisse régler cette histoire mais ce dernier évite de trancher et exhorte les femmes et les féodaux à régler le litige à l’amiable.

Il y a des tentatives de la part de ces femmes et hommes opprimés mais toujours est-il que la féodalité défie l’autorité administrative et étatique de sorte que le nouveau préfet a fini par céder à ses caprices en suspendant les travaux sous prétexte qu’un terrain en litige ne peut pas être exploité par un des protagonistes.

Il est inconcevable de voir que malgré les efforts des femmes de SOBÉ KAFO pour faire valoir leurs droits légitimes, la féodalité de Toulel continue de contester leur accès au terrain. L'attitude évasive du préfet dans la résolution du litige et sa décision de suspendre les travaux favorisent sans aucun doute les intérêts de la féodalité au détriment de la justice pour les femmes opprimées.

C'est un rappel que la lutte pour l'égalité et la dignité peut être longue et difficile, mais il est important de persévérer dans la quête de justice.

CAMARA Issa





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Source : Issa camara
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Commentaires (1)

  • Buwuelm (H) 20/04/2024 14:51 X

    Voici un article paru sur CRIDEM le 22 Juin 2018. «« EXPROPRIATION EN MAURITANIE : « JE LES AI NOURRIS PENDANT 35 ANS SANS CONTREPARTIE. AUJOURD’HUI, ILS VEULENT ME DÉPOSSÉDER DE MA TERRE.

    Lactuacho - Je viens partager avec vous ce témoignage d’une victime de pratique esclavagiste dans un village Soninké de Mauritanie.

    L’histoire peut choquer, mais avons estimé que nous serons tout simplement des complices si nous la taisons : Cela se passe à Daffort à 60 KM au nord de Séilibaby, en l’an 2018. Les manifestations peuvent différer mais la mentalité et les pratiques sont les mêmes dans tous les villages Soninké de Mauritanie.

    « Je les ai nourris pendant 35 ans sans contrepartie, Aujourd’hui, ils veulent me déposséder de ma terre. »

    Je m’appelle L. Coulibaly, j’ai environ 65 ans. Depuis ma tendre enfance, je voyais, ma mère K.D aller travailler dans la famille de Djadjé Seibané Camara comme esclave de case. Ma mère s’occupait de tous les travaux de ménage dans la cour familiale des Camara. Cela ne l’empêchait guère de participer activement aux travaux champêtres »».

    Depuis que j’ai lu cet article, je regarde la société soninke sous un autre angle. En effet, j’ai eu à blâmer certains esclavagistes qui tiennent à maintenir un statuquo qui n’a plus sa raison d’être. J’avais toujours entendu que l’esclavagisme était l’apanage des maures, mais je trouve que les soninke sont plus conservateurs qu’eux qui, avec l’évolution des circonstances, commencent à renoncer à cette pratique moyenâgeuse, tandis que les soninke (quelques lettrés seulement, sans repère de modernité), veulent la perpétuer, se mettant dans la peau de dominateurs complexés, qui cherchent une place dans un monde de savoir, de plus en plus tourné vers la modernité. La force de ces individus marginaux, réside en leur capacité de faire valoir leurs rétrogrades idées, sans tambour ni trompette, afin de prendre les autres, au dépourvu. L’État mauritanien qui, dans le passé, a été taxé de laxiste face aux agissements des esclavagistes maures, par une certaine frange de la communauté, avait pu montrer un intérêt notable au phénomène décrié, en criminalisant les faits et en poursuivant leurs auteurs, en Justice. Les mêmes actes commis aujourd’hui à TOULEL, par les adeptes de la féodalité, doivent être sanctionnés. Les Préfets doivent trancher juste et ne pas favoriser l’une des parties, par rapport à l’autre. Un sentiment d’équité doit prévaloir sur toute autre considération, et ce sera le prélude à l’harmonie, qui sera le socle du développement économique et social d’une république, tenant à forger une base solide.