27-04-2024 09:46 - « Bloc maghrébin » : les ratés et les malentendus du sommet tripartite de Tunis

« Bloc maghrébin » : les ratés et les malentendus du sommet tripartite de Tunis

Jeune Afrique - En accueillant, le 22 avril, ses homologues algérien et libyen, le président tunisien espérait donner le coup d’envoi d’une nouvelle union maghrébine. Un projet déjà porté par le chef d’Ennahdha en 2021, mais qui n’avait alors pas été suivi d’effet.

Le visage rayonnant du président tunisien accueillant ses homologues algérien et libyen pour une réunion consultative le 22 avril contraste avec ses traits tirés, que tous ont pu observer, lors de la lecture du communiqué commun par le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar en fin de journée.

En quelques heures, selon des proches du sérail, Kaïs Saïed a dû revoir ses ambitions pour le Maghreb à la baisse. Il était pourtant prévenu, puisque son vieux rival politique, aujourd’hui en prison, l’ancien président de l’Assemblée, Rached Ghannouchi, 82 ans, avait tenté en février 2021 la même manœuvre et avait – déjà – été débouté par le président algérien, qu’il se targuait pourtant lui aussi de bien connaître.

Un air de déjà-vu

L’idée d’un Maghreb à trois que Kaïs Saïed a esquissé à ses amis et voisins, le président algérien, Abdelmajid Tebboune, et le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Younes el-Menfi, avait donc un air de déjà vu, qui n’a soulevé aucun intérêt chez ses interlocuteurs. Saïed fondait l’embryon de la nouvelle union qu’il souhaitait sur une levée des barrières douanières, pour faciliter la libre circulation des biens et personnes, et sur la mise en place d’une monnaie unique. Exactement ce que proposait Rached Ghannouchi en 2021, et qu’il avait longuement explicité auprès des médias.

Trois ans plus tard, dans les faits, El Menfi ne pouvait guère se prononcer au nom d’un pays divisé, surtout que son Premier ministre, Abdulhamid al-Dbeibah, est plus influent et plus populaire. Alger, de son côté, reste très prudente à l’égard de Tunis et craint toujours que la partie ne tourne au poker menteur.

« Changer la monnaie aurait profité à la Tunisie, qui aurait pu ainsi couper l’herbe sous le pied de l’économie grise, qui capte sans doute plus de liquidités que l’État. Mais cela aurait pu avoir un impact négatif l’économie algérienne », commente un politologue qui, en 2021, avait suivi de près les manœuvres d’approche de Ghannouchi avec Tebboune. Ce dernier, de toute évidence, tenant à garder le leadership sur la région.

L’Union européenne en exemple

Il y a trois ans, le fondateur du mouvement d’Ennahdha pensait que pour concrétiser cette volonté tripartite, il fallait adopter une formule gagnante. Il trouvait l’exemple de l’Union européenne inspirant. Il pensait également avoir un mandat pour développer son initiative, ce qui n’a pas été le cas.

En 2021, les tensions politiques étaient déjà installées en Tunisie : l’exécutif et le législatif se boudaient tandis que Rached Ghannouchi descendait du perchoir pour faire ses gammes de diplomate, notamment auprès d’Alger.

Dans les médias, il discourait sur cette nouvelle conception des relations extérieures, qu’il qualifiait de « diplomatie parlementaire », froissant au passage le président Kaïs Saïed – dont les affaires étrangères et la défense constituent les principales prérogatives, et qui ne souhaitait évidemment pas voir se réduire son champ d’action. Une guerre des chefs silencieuse qui a pesé sur le pays lors de la pandémie de Covid-19 et a finalement conduit au coup d’État constitutionnel de Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021.

Pour ne rien arranger, Ghannouchi avait fait dans la provocation en précisant que son « triangle maghrébin » était un noyau voué à être élargi à la Mauritanie, et pourquoi pas au Maroc ou à un plus grand nombre si affinités.

« Il avait l’art de manœuvrer en coulisses, comptait sur ses appuis libyens et savait ménager les uns et les autres sans prendre fait et cause dans les tensions entre l’Algérie et le Maroc, rappelle un observateur. Tout le contraire de Kaïs Saïed, qui a pris officiellement position sur le sujet, en accueillant à Tunis, en août 2022, le chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali. »

Par Thomas Paillaute





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Source : Jeune Afrique
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