02-06-2025 08:39 - Moustapha Sidatt, ancien sénateur : « Le régime agit comme un transporteur de boue, paralysant toute action »

SHEMS MAARIF - Lors d’un colloque organisé samedi soir à Nouakchott par le Centre Maghrébin d’Études, l’ancien sénateur Moustapha Sidatt, aujourd’hui secrétaire général de l’Organisation pour la Transparence Totale, a livré une critique frontale et imagée de la gouvernance actuelle du pays.
En s’appuyant sur une métaphore maure traditionnelle, il a dénoncé ce qu’il considère comme une politique de blocage systématique, où les responsables sont volontairement entravés et rendus impuissants.
« Le régime suit la politique du transporteur de boue, une image bien connue dans notre culture. Cet homme utilise dix ânes, place un sac sur la tête de chacun pour les empêcher de bouger, remplit ensuite les sacs un à un, puis les conduit seul », a-t-il déclaré, provoquant à la fois sourires et réflexions dans l’auditoire.
Cette métaphore, familière dans l’imaginaire mauritanien, illustre selon lui une méthode de gestion où les cadres de l’État sont symboliquement bâillonnés, réduits au silence ou à l’inaction.
Moustapha Sidatt a notamment pointé du doigt la gestion de dossiers sensibles et prioritaires comme le trafic de drogue, les réseaux d’immigration clandestine ou la corruption institutionnelle. « Si les responsables de ces dossiers n’avaient pas un sac sur la tête, ils auraient pu agir, alerter, ou au moins tirer la sonnette d’alarme avant que les crises ne prennent de telles proportions », a-t-il affirmé, en référence à l’inaction prolongée observée depuis plusieurs années sur ces fronts.
Pour l’ancien parlementaire, cette politique de paralysie ne relève pas de l’incompétence, mais d’une stratégie délibérée visant à concentrer le pouvoir entre quelques mains et à empêcher tout contre-pouvoir ou initiative autonome. « Ce n’est pas un hasard si tout est centralisé, verrouillé, cloisonné. Ceux qui voudraient agir sont rendus aveugles, sourds et muets par le système lui-même », a-t-il martelé.
Au-delà de cette critique de fond, Moustapha Sidatt a exprimé une inquiétude plus large sur l’avenir du pays. Il redoute un effondrement progressif des institutions et un accroissement des fractures internes, sur les plans social, économique et politique. « Je crains que nous n’allions vers une fragmentation du pays, vers une crise plus profonde que celles que nous avons connues. Et cette fois, il n’est pas sûr que nous ayons encore les moyens de la contenir », a-t-il averti.
Son intervention, marquée par un ton direct et une imagerie forte, a suscité de nombreuses réactions dans la salle, entre approbation silencieuse et inquiétude partagée. Elle confirme, s’il en était besoin, la montée d’un discours critique plus structuré au sein de certaines figures politiques qui, bien qu’éloignées du pouvoir, refusent de se taire face à ce qu’elles considèrent comme un immobilisme dangereux.
À travers ses propos, Moustapha Sidatt ne se contente pas de dénoncer. Il interpelle. Et derrière la métaphore de l’âne et de la boue, c’est tout un appel à la vigilance citoyenne et à la réhabilitation des responsabilités publiques qu’il lance, dans un contexte national de plus en plus tendu.