22-12-2025 09:13 - Justement le passif humanitaire, parlons-en / Par ELY OULD SIDAHMED KROMBELE

Justement le passif humanitaire, parlons-en / Par ELY  OULD SIDAHMED KROMBELE

La sortie de deux compatriotes, anciens officiers de l'Armée, à savoir le brave, le coriace colonel Sidi Mohamed Ould Vaidé et le valeureux Mohamed Ould Abdi Ould Mekiyou, m'a motivé à parler un peu sur le passif humanitaire. Je n'apprendrais rien à qui que ce soit, puisque tout a été dit et redit depuis plus 3 décennies. La solution à ce dossier épineux transcende nos petites opinions personnelles.

Il émane d'une raison d'Etat, et seul un Etat de raison pourrait le résoudre. Les deux parties protagonistes, racialistes par moments, mais voisins centenaires qu'en même, ne s'entendront jamais sur les tenants et aboutissants de ce dossier. Ils font semblant d'ignorer que la géographie est une science sociale qui dicte à l'histoire humaine un diktat des plus hégémonique. Un déterminisme cinglant qui vient à bout de la volonté de tous les nostalgiques du choix d'un bon et désireux voisinage.

Puisqu'on ne choisit pas ses parents ni son lieu de naissance, encore moins son voisin de la rive gauche ou de la rive droite, de part et d'autre du fleuve Sénégal. C'est ainsi qu'une nécessité géographique a contraint les Arabo-mauritaniens et les Poulo-Toucouleurs à cohabiter depuis des siècles.

Cet impératif géographique exige à ce que ces Arabo-mauritaniens (Maures noirs ou blancs) et ces Négro- africains, Peulh, Ouolofs, Soninké, puissent vivre côte à côte. Nous savons qu'en Mauritanie dans ses diverses composantes socio-culturelles, il y a souvent des points de friction, des désaccords, mais également des différences d'ordre anthologique (style de vie, langue, origine géographique etc..), ou cosmogonique antéislamique; avant que notre sainte religion ne réunisse ces peuples sous la même bannière de la vérité unique, imputrescible.

Après des siècles de bon voisinage, et des échanges culturels probants, mais aussi des brassages biologiques, les érudits négro-mauritaniens utilisaient la langue Arabe pour communiquer, bien avant la venue d'une force exogène, cette fois, avec un agenda qui lui est propre. En effet la France, puissance colonisatrice, et dans un jeu d'échec géopolitique dont elle seule a le secret, a placé ses jalons, ses thuriféraires pour ainsi imposer sa langue, afin de semer la discorde dans notre société.

L'intérêt postcolonial d'une ancienne puissance dominatrice est de laisser une cinquième colonne, le plus souvent, sous le couvert d'un nationalisme ethnocentrique, agissant en eau trouble, mais au seul but de déstabiliser constamment nos institutions, de créer un climat délétère entre les populations. Et ce, à son profit. Même si on s'adonne désormais à apprendre l'Arabe comme toutes langues étrangères au Sénégal voisin, en Mauritanie, il y a une réticence qu'on a fait germer dans l'esprit de certains habitants de la rive droite à l'égard de la langue du Coran.

Depuis le congrès d'Aleg en 1958, nos ainés nous ont donné l'impression que dès l'entame des fondements de la Mauritanie, une fêlure s'y est glissée, les ficelles étant tirées depuis Dakar, alors capitale de l'AOF, de 1902 à 1960. Ainsi 8 années plus tard, on eût cru la fente colmatée, mais voilà que les "batailles rangées" de 1966 ont démenti le semblant de coexistence pacifique entre Arabo-mauritaniens et Poulo-Toucouleurs. Et patatras... 1986, 1987, 1989 et surtout 1990-1991...des dates fatidiques qui en disent long sur le différend entre Mauritaniens de même confession musulmane, appartenant au même socle fondamental.

Comment est-on arrivés à ce stade? L'Histoire nous apprend qu'en de pareils moments périlleux, il faut éviter la falsification et ne s'en tenir qu'aux faits, établir la vérité factuelle, afin de trouver des solutions justes et équitables. Dans ce cas de figure, il faut éviter l'amalgame tissé par de faux chroniqueurs, qui s'érigent en fin de compte, en manipulateurs roulant chacun pour sa partie.

La neutralité consiste à répertorier les malfaçons des différents et douloureux événements qui ont émaillé la vie socio-politique mauritanienne à la fin du siècle dernier. J'avais une opinion intrinsèque sur ce sujet, parce que refusant comme disait Alain, d'admettre: "cette pluie de l'expérience qui jamais n'instruit". C'est avec l'idée géniale du colonel de gendarmerie Hacen Koné (Sangaranga), qui connaît mieux que moi le code pénal et le règlement militaire, agissant en officier de police judiciaire, que j'ai pu me confectionner un "background" sur les lointaines causes historiques, ou sociologiques, voire immédiates du litige entre les Fulani et les Tchapato de Mauritanie ...

Personne ne connaît mieux que le colonel à la retraite Hacen Koné l'histoire des tentatives de coups d'Etat de 1987, de 2003, du conflit Sénégal-Mauritanie, aboutissant aux exactions extra-judiciaires de 1990-91, avec leurs lots d'interrogatoires, d'emprisonnements, de soupçons, de délations, bref d'injustice etc...à l'égard de mauritaniens toutes tendances, toutes origines confondues.

En septembre 1990, je commandais une batterie d'artillerie sol-sol au PK 55, au Nord de Nouadhibou, sous l'autorité directe du colonel Sidahmed Ould Boilil.

Cependant il faut faire la distinction entre la tentative de coup d'Etat du 22 Octobre 1987, ou la publication du "manifeste du négro-mauritanien opprimé" de 1986, le différend frontalier entre le Sénégal et la Mauritanie, d'avec ce qu'on appelle communément: "Passif Humanitaire" de septembre 1990 à Mars 1991. Car le passif humanitaire survenu en 1990-91 est singulier et revêt une lecture particulière, il ne pouvait venir avant les événements de 1989 ( Einstein ne pouvait pas venir avant Newton puisque l'ordre de la nature est constant et que les lois ne souffrent pas d'exception).

Ainsi le passif humanitaire est de facto une conséquence immédiate du conflit survenu entre le Sénégal et la Mauritanie et qui a poussé à la faute certains militaires mauritaniens chauvins (maures noirs ou blancs), qu'on ne pouvait plus contrôler, et qui ont voulu répondre par procuration aux multiples attaques et exactions des Flam ( Forces Africaines de Mauritanie) contre notre Armée et des populations civiles, tout le long de la vallée.

Il y a des militaires chauvins qui ont maltraité leurs frères d'arme, le plus souvent innocents jusqu'à ce que mort s'en suive dans certains cas. Les interrogatoires étaient effectué par les officiers de sécurité des différentes formations militaires. La singularité du passif de 1990-91 ne doit en aucun cas faire oublier les morts civils de Oualata.

La vie socio-politique mauritanienne et ses crises internes comprennent 3 sujets spécifiques qu'il ne faut jamais confondre, tant qu'on veut venir à bout de ces événements qui empêchent l'émergence d'une véritable paix sociale au pays du million de poètes.

Un, il y a le sujet spécifique des revendications politiques, de 1958; 1966; 1986; 1987; cette dernière date est-elle assimilable à la tentative du 8 juin 2003; de jeunes officiers voulant s'emparer du pouvoir. Jusque là tout est normal, il faut juste appliquer le code pénal.

Deux, il y a le sujet spécifique concernant le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie de 1989. Il est certes provoqué par des habitants du Fouta, vivant de part et d'autre du Fleuve, et qui ont poussé des politiques sénégalais de haut rang à souffler sur les braises. C'est une ingérence notoire d'un pays frontalier, et elle est condamnable.

Enfin le 3ème sujet spécifique survenu en 1990-1991, a voulu solder l'avortement du conflit Sénégal-Mauritanie de 1989. Beaucoup de mauritaniens, civils et militaires voulaient la guerre totale pour qu'on en finisse une fois pour toute avec le suprémacisme sénégalais. Mais à défaut de cette guerre ouverte contre le Sénégal, certains militaires, tous grades confondus, imbus de leur chauvinisme, ont été poussés à la faute morale. Côté négro-mauritaniens, beaucoup ont fui vers le Sénégal, constituant ainsi le bras armé des Flam, et ont retourné leurs fusils contre leur propre pays, la Mauritanie.

C'est un sombre chapitre de notre Histoire militaire pour lequel il faut trouver une solution adéquate. Car le sujet le plus important, c'est le traitement du passif humanitaire. Quant aux revendications de 1986, ou la tentative de 1987, c'est un processus normal d'une nation. Combien y a-t-il eu de coups d'Etat en Mauritanie depuis 1960?

A/ Le passif humanitaire de 1990-1991:

Le passif humanitaire est un problème de l'Etat mauritanien. Il a eu lieu dans des casernes militaires et seuls les militaires peuvent en parler de manière juste, au-delà des manipulations politiciennes, des mensonges grossiers.

Il y a deux responsables principaux, pas plus. Certes, je ne sais pas si le code pénal mauritanien, que je n'ai jamais consulté puisse étendre une faute commise par un berger, à son épouse la bergère. Les deux responsables sont le chef d'Etat-Major national feu le colonel Ahmed Ould Minnih yarahmou et le ministre de la Défense Nationale, alors chef de l'Etat (puisqu'on était sous un régime d'exception), le colonel Maawiya Ould Sidahmed Taya.

Quand il se passe quoique ce soit de grave au sein d'une Armée régulière, le 1er responsable est le ministre de la Défense et le 2éme est son chef d'Etat-Major. La liste des militaires Poulo-toucouleurs supposés comploteurs, venait toujours de l'Etat-Major National. Et quand il y avait mort d'hommes, on en informait aussitôt le même Etat-Major National. Pourquoi au sommet de l'Etat on n'a pas pris les mesures qui consistaient à stopper l'hémorragie? Est-ce par négligence ou par incompétence?

Ah oui, on ne peut pas avoir le poste de Cemga de nos jours et ne pas savoir ce qu'il se passe au sein de son Armée. Etre un chef militaire de 1er rang, est une station délicate qui ne consiste pas à engranger seulement la manne financière; j'estime que l'honneur, les lauriers valent mieux que le magot pour un officier digne de ce nom.

Voilà le règlement du passif humanitaire de 1990-1991 ne peut se faire qu'avec de la volonté politique, puisqu'on ne peut pas l'arrimer aux autres chapitres que sont la tentative de coup d'Etat de 1987, ni les revendications de 1966, 1986 ou le différend interétatique de 1989. En 1990-91, beaucoup de militaires négro-mauritaniens ont été accusés à tort, et certains en sont morts. Ces derniers et leurs ayant-droits doivent être indemnisés, suite à un débat sur la quête de la vérité pour une réconciliation et un pardon.

Même ceux qui ont été victimes du délit de "parenté" suite aux tentatives de coups d'Etat avortées de 1981, de 1987, du 8 juin 2003, ou les morts de Oualata de 1986 peuvent entrer dans le cadre du passif humanitaire. Voilà une occasion d'or pour le tolérant président Mohamed Ould Ghazwani d'entrer cette fois par la grande porte de l'Histoire.

Vouloir aller au-delà du règlement du passif pour une réconciliation nationale, est impossible, tellement les enjeux sont divergents et ne dépendent pas des seuls acteurs endogènes. Monsieur le président de la république penchez-vous d'abord sur l'injustice provoquée par vos prédécesseurs, pour ce qu'on appelle depuis longtemps: le passif humanitaire et qui fait bondir beaucoup d'organisations des droits de l'homme hors de nos frontières.

Quant aux autres litiges pendant depuis 1958, et ayant abouti aux événements de 1966; 1986, 1987, et surtout 1989, leurs conséquences persisteront encore pour longtemps; depuis que la "petite" Mauritanie a cessé d'être l'arrière cour du Sénégal, la rive droite échappant ainsi au quasi- monopole de la rive gauche du Fouta, rétrécissant de ce fait l'espace vital de Dakar. Ainsi, nous avons cessé d'être la profondeur stratégique du système Poulo-toucouleur et ça les Fulbé n'apprécient pas.

Sur la rive gauche on a l'impression que l'eldorado qu'était la Mauritanie, du temps où on pouvait traverser le fleuve, trouver aussitôt la nationalité, et travailler le lendemain....que ce temps est révolu.

Il faut que justice soit rendue pour les ayant-droits des deux parties. Pour le reste, seul le temps pourrait venir à bout des querelles byzantines entre les différentes composantes socio-culturelles de notre pays. Qui a dit que les peuples heureux n'ont pas d'Histoire? /.

ELY OULD SIDAHMED KROMBELE, FRANCE





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Source : Ely Krombele
Commentaires : 4
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Commentaires (4)

  • pyranha (H) 22/12/2025 22:24 X

    Juridiquement pour qu'il y ait coup d'état il faudrait qu'il y ait commencement d'exécution ce qui n'a jamais été le cas .Le cas des cavaliers du changement illustre parfaitement un coup d'état avec des victimes, mais tous acquittés et plus tard à des postes électifs. Ces 3 officiers qu'un tribunal d'exception aux ordres jugeait n'avaient aucune chance. Maouya pour plusieurs raisons ne les laissait aucune chance.Le débat est long .Je crois que ces sorties de Krombele présagent encore de rupture d'stoks d'Euros il faut qu'il fasse appel on le comprend bien et son message est arrivé à cridem.

  • pyranha (H) 22/12/2025 22:13 X

    Toujours le mm Ely . Maintenant le fait que tu distingués les Flam et les gens qui ont " pensé" au coup d'état est déjà un pas .Car ces 2 entités n'ont aucun rapport Et puis le fait de commencer par des éloges à des officiers criminels campent déjà des conneries à raconter.Vous impliquez toujours le Sénégal dans l'enfer propre créée par les Mauritaniens aux mauritaniens c'est plus facile .En avouant ne rien connaître du code pénal est déjà bien et c'est ce qui renseigne votre ignorance à toujours parler de coup d'état alors qu'il n'y avait ni coup d'état et encore moins tentative.

  • pannel (H) 22/12/2025 20:59 X

    UN RECIT QUI LAISSE LE LECTEUR CONFUS,CAR L'AUTEUR A TOUJOURS CE LANGUAGE AMBIGU- IL NOUS INFORME QU'IL Y AVAIENT DES MILITAIRES QUI AVAIENT FUI ET EN INTELLIGENCE AVEC D'AUTRES ARMEES.NOUS VOULONS EN SAVOIR DAVANTAGE

  • moukhabarat (F) 22/12/2025 18:20 X

    Je vous invite à etudier la question des halpulars sous l'angle de la difference de politique et de legislation foncières sur les deux rives. Un autre point est la structure des castes des halpulars qui pourrait expliquer le rôle principal joué par les castés dans les différentes revoltes contre les "beydanes". Ce dossier doit être étudié non pas au deuxième mais au 3ème degré.