05-10-2010 09:23 - Lettre au Commandant Si Abdelkader El Mali «Le Malien»

Lettre au Commandant Si Abdelkader El Mali «Le Malien»

Mon commandant.
Permettez-moi de vous écrire cette lettre et de vous la faire parvenir par une voie outre que celle dont vous avez l’habitude ; la feutreuse voie diplomatique qui concilie rigueur et discrétion et qui pose les choses de la manière qui convient le mieux à l’hyperesthésie et au tempérament des personnes importantes.

C’est-à-dire, avec des non dits, des signes a peine perceptibles et une propension exagérée a la suggestion pour ménager l’entêtement ou l’inaptitude, qui est parfois la leur, à décrypter le sens des événements au centre desquels elles sont placées et qui peuvent être compromettants, voire dangereux, pour l’image qu’elles s’efforcent a donner d’elles mêmes.

Vous remarquerez cependant qu’en vous écrivant directement je marche un peu sur les plates bandes du Ministère des Affaires Etrangères de mon pays auquel je me permets également de me substituer le temps de vous édifier sur une question vitale et précise dont dépend désormais la sécurité de nos deux peuples.

Mais puisque vous le savez mieux que quiconque, pour en avoir mainte fois donné la preuve au risque de votre vie, vous conviendrez qu’en matière de patriotisme nul n’a le monopole de la défense des intérêts du pays auquel il appartient fut-il un ministre mandaté a cet effet.

De ce point de vue, mon intervention se justifie donc par le fait que ce Ministère qui aurait dû depuis longtemps, et dans les termes appropriés, aborder ce sujet avec vous afin que vous révisiez votre politique périlleuse aux conséquences de laquelle vous exposez mon pays et au-delà ceux de la région dont le votre, ne l’a tout simplement pas fait, sinon pas de façon convaincante qui reflète a la fois la gravité et la sensibilité de la situation en plus de l’attachement des mauritaniens a leur souveraineté nationale.

Quant a mes mobiles, ils sont a rechercher du coté de mes craintes largement partagées de voir vos méthodes, célèbres pour répondre a des calculs précis fussent-ils souvent dans l’intérêt de l’Algérie, s’étendre a mon pays dans des perspectives a l’échelle régionale qui ressemblent a s’y méprendre a celles que vous avez exposé a votre défunt ami Boumediene au lendemain des accords d’Evian pour l’amener a choisir le camp de Ben Bella a celui de Boudiaf.

Ces méthodes qui vous ont valu contre toute logique de monter rapidement en grade et d’être très tôt promu secrétaire administratif au sein du poste de commandement de la Wilaya V, puis secrétaire particulier de Boumediene a la Wilaya V, puis enfin secrétaire particulier du même Boumediene au PC de la Wilaya V avant de devenir l’inamovible et charismatique Ministre des Affaires étrangères des quinze glorieuses de la révolution Algérienne.

Mais avant d’entrer dans les détails et pour lever tout équivoque potentiel, je voudrais souligner qu’en préférant vous appeler par votre nom de guerre, nom d’emprunt qui d’ailleurs vous glorifie autant qu’il illustre mieux que tout autre la tonalité de mon message, j’interpelle en vous d’abord le combattant aux nobles idéaux qui sont ceux-ci mêmes qui portèrent pour l’éternité le président Boumediene au panthéon des héros authentiques de toutes les causes de justice et de liberté en immortalisant sa lutte.

Et c’est ensuite pour permettre a ceux qui auront à juger mes propos de comprendre que les raisons qui y président se justifient par certaines similitudes entre la stratégie, signée Bouteflika alias Commandant Si Abdelkader El Mali, qui a amené l’ALN au pouvoir en 1965 et celle adoptée actuellement par un régime, revenu dans sa droite ligne depuis votre élection a la présidence, pour empêcher a tout prix l’exploitation du pétrole sur le flanc Sud Ouest de l’Algérie qu’il considère comme le prolongement naturel de ses propres gisements.

De là a ce qu’une partie des troupes Algériennes, qui sont au départ et avant tout un mouvement de guérilla avant d’être une armée régulière, ou des troupes assimilées soient constituées en GIA, puis en GSPC, puis finalement en AQMI pour perpétuer sous d’autres formes le conflit stratégique ouvert depuis 1965, il n y’a qu’un pas que les traditions militaires de leur Etat Major confirment et prescrivent comme le meilleur moyen de faire face aux appétits énergétiques occidentaux dans le bassin de Taoudéni.

Cette lecture de la situation se justifie au besoin par une attitude, pour le moins mystérieuse, de l’Algérie et de sa presse vis-à-vis de ce conflit qui élargit en permanence ses limites en direction du Sud, c’est à dire vers les zones a <>, qui a ses bases dans votre pays et dont les recrutements sont strictement une affaire Algéro-Algérienne. Autant de facteurs donc qui constituent des indices à charge et dont les plus frappants sont :

1) Le processus de transformation dans l’impunité et la quiétude de ce mouvement <> sur une période de trente ans dans l’un des plus puissants, des plus policés, des plus équipés et des plus riches Etats du monde. Un Etat qui ne fait pas dans de la dentelle quand il s’agit de réprimer une rébellion ou de ramener l’ordre et qui ne s’embarrasse guère de ce que peut penser le monde de ses méthodes antidémocratiques et expéditives.

Les événements d’Octobre 1988 sous la supervision du Général Amirouche pourtant Ministre de l’Agriculture, la facilité avec laquelle la loi d’exception fut décrétée et l’affaire Mecili sont, entre autres, les meilleures illustrations à ce sujet.

Cet indice prend toute sa signification quand on tient compte de l’aptitude propre a l’Algérie de pouvoir casser toute velléité de puissance dans la région fut-elle de la part des Etats. Le cas s’est vérifié avec le Maroc en 1963 (la guerre des sables) et avec le Maroc et la Mauritanie de Ould Daddah réunis, dans la guerre du Sahara Occidental dont on sait aujourd’hui qu’il ne tient qu’a votre bon vouloir de donner a son conflit une solution militaire à l’avantage du Polisario.

C’est d’ailleurs cette puissance intrinsèque de l’Algérie qui a fait dire un jour à Boumediene, pour prouver son absence de visées hégémoniques, qu’il aurait pu profiter de l’accord d’unité entre son pays et la Libye pour noyer sous le flot de troupes ce petit pays, s’en emparer le plus légalement du monde et, par la même occasion, débarrasser l’humanité d’un Kadhafi qui était a ses débuts a cette époque là.

2) L’absence de toute attaque ou prise d’otage significatives en Algérie et la guerre livrée par AQMI aux sociétés pétrolières dans le Taoudéni par l’affaiblissement de leur pays hôte, la Mauritanie, et par une approche bien FLNienne qui consiste a Fellaghiser l’ensemble des populations du Sahara pour raviver dans les esprits des occidentaux une probable réédition de la guerre d’Algérie dans une version régionale dont vous ne cessez de faire planer le spectre traumatisant.

3) L’organisation du référendum de la réconciliation nationale en Septembre 2005 qui a divisé en fond, et de façon irréversible, les Algériens pour n’être en fait qu’une manière de gracier, par la volonté populaire et par le droit des urnes, les assassins du GIA en leur permettant de se redéployer sous une nouvelle étiquette, celle d’AQMI.

Pour ce qui ne le savent pas et qui se posent la question de savoir d’où peut-on tirer suffisamment d’autorité morale pour enrôler des jeunes <> quand toutes sa vie durant on a été un Marxiste pur et dur, ils gagneraient a savoir que votre passage de quelques mois a la tête du Ministère de la Jeunesse avant celui des Affaires Etrangères en 1965, n’est pas le fruit du hasard et encore moins une façon de sous-estimer vos capacités sur lesquelles le président Boumediene a été édifié le jour même de votre venue du Maroc pour vous mettre a la disposition de la révolution. Vous étiez alors âgé de 19 ans.

Depuis cette époque votre emprise sur la jeunesse embrigadée pour servir de troupes auxiliaires aux objectifs du FLN n’a jamais baissé en intensité, bien au contraire puisque certains disent même que le GIA est rentré en activité au moment où, victime de la déboumedienisation, vous avez été contraint a l’exile et n’a jamais posé les armes jusqu'à votre retours pour <>. Mon commandant.

La dimension Arabe et Africaine de l’Algérie confère à ce pays un statut particulier faisant peser sur vos épaules une responsabilité historique, celle d’être à l’avant-garde de la défense des intérêts mais aussi de l’intégrité territoriale des pays de ce double ensemble. Votre rôle n’est donc pas sur le front de la déstabilisation de la Mauritanie ni sur celui de l’affaiblissement du Mali qui, contrairement a nous et connaissant bien la capacité de nuisance dont vous disposez, a accepté de se désengager souverainement de la moitié de son territoire pour ne pas avoir à vous y faire face militairement par guérilleros interposés.

N’est-ce pas vous qui ayant été élu a l’unanimité président de la 29eme session de l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1974, aviez obtenu la mise au ban par la communauté internationale du régime de l’Afrique du Sud, amorçant ainsi la descente aux enfers des politiques racistes et d’exclusion dans le continent ? N’est-ce pas vous aussi qui aviez fait admettre au cours de la même session et malgré les oppositions, le leader de l’OLP Feu Yasser Arafat qui avait prononcé le discours décisif sur la voie de la reconnaissance de son organisation comme unique représentant du peuple Palestinien ?

N’est-ce pas que l’Algérie peut résoudre beaucoup de problèmes du continent pour être devenu, sous votre direction clairvoyante, un partenaire écouté du G8 aux sommets duquel elle prend part régulièrement depuis l’an 2000 ?

Comment pouvez-vous mettre de coté les considérations qui découlent de toutes ces réalités et compromettre ainsi gratuitement ou presque le rôle historique que vous vous êtes donné et celui hautement symbolique que vos amis et vous aviez fait jouer a votre pays au prix du Million de martyrs ?

Non mon commandant, vous ne pouvez pas faire une chose pareille, vous n’en avez pas le droit. Vous êtes un grand homme ; un homme profondément juste et pragmatique. Je ne doute point de cela pour savoir d’expérience que l’esprit de sacrifices, qui est une des rares vertus chez les hommes politiques et dont vous n’avez cessez de faire preuve tout au long de votre vie, ne s’accommode pas des bassesses tout comme il ne s’adapte pas aux petites envergures.

Alors, mon commandant je vous exhorte, pendant qu’il est encore temps, de réviser cette politique d’inimitié en filigrane dirigée contre la Mauritanie et contre ses intérêts stratégiques.

Je vous exhorte également à comprendre que le pétrole du Taoudéni est un pétrole mauritanien et qu’il sera exploité par les mauritaniens ou ne sera jamais exploité fut cette exploitation être au prix de mettre tout le Sahara a feu et a sang.

Je vous exhorte enfin de comprendre que le président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui lui fut Général, est au moins aussi attaché que vous aux intérêts supérieurs de son pays et qu’il est visiblement décidé à aller jusqu’au bout de sa propre logique de leur défense. Autant donc en faire un allié au lieu de se l’aliéner, attitude que vous ne saurez d’ailleurs adopter sur le long terme compte tenu des transformations de la scène Maghrébine et des mutations internationales qui rétrécissent de plus en plus les chances des volontés de leadership a s’affirmer surtout dans leur dimension stratégique.

En un mot, vous devez savoir que la Mauritanie n’est pas l’ennemie de l’Algérie et que le président Mohamed Ould Abdel Aziz est, pour vous, plus un allié objectif qu’un concurrent ou un rival. Misez sur lui, c’est un cheval gagnant, vous ne le regretterez pas.

M.S.Beheite





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Source : Mohamed Saleck
Commentaires : 2
Lus : 2017

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Commentaires (2)

  • sanhaji (H) 05/10/2010 23:07 X

    Beheite,

    ce que tu dis là est bien possible, mais je te rappelle que si l'Algérie était contre l'exploitation du pétrole de Taoudenni, la SONATRAC n'allait pas s'impliquer dans le consortium qui va exploiter ce pétrole.

    Il transparaît à travers ton écrit que tu connais bien ce pays et cette connaissance aurait du te conduire à la conclusion que l'Algérie a toujours défendu la Mauritanie et l'axe constitué par les deux pays est vital pour tous les deux.

  • hathlele (H) 05/10/2010 10:33 X

    bonjour, M.S beheitt

    je te felicite