15-12-2011 08:07 - UMA : Quand Nouakchott joue à l’équilibrisme
La visite que le président Mohamed Ould Abdel Aziz mène en Algérie depuis trois jours est regardé, depuis Rabat et Paris, avec la plus grande attention possible. Bien sûr que cette présence à Alger, dans le cadre de ce qui est la première visite officielle d’Aziz chez son puissant voisin du nord, est d’abord regardé sous le prisme de la coopération sécuritaire pour faire face à la menace, de plus en plus grande, d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), mais il ne faut pas aussi oublier qu’elle risque de peser dans l’équilibre des forces, entre, d’une part, l’Algérie et le Maroc, et d’autres, part, l’Algérie et la France.
Et ce n’est pas pour rien que l’on met en avant cette visite pour dire que la balance penche présentement du côté d’Alger, y compris dans le domaine des rapports économiques, puisque, c’est de la capitale de l’Algérie que le président Aziz a annoncé aux mauritaniens que la route devant relier leur pays à son voisin du nord a effectivement commencée !
Et comme on pouvait s’y attendre, c’est une société chinoise qui est chargée de l’exécution de ce qui est vue comme le « pendant » algérien de la route Nouakchott – Nouadhibou, considérée comme le prolongement naturel de la transsaharienne devant reliée Rabat à Dakar, en traversant la Mauritanie.
Cette route va sans doute donner un souffle nouveau aux relations commerciales entre la Mauritanie et l’Algérie, mais son impact le plus grand va être de réduire considérablement le trafic de tous genres entretenu par des bandes criminelles mettant à profit la difficulté d’accès de la bande frontalière entre le Mali, l’Algérie et la Mauritanie.
Jusqu’à présent, c’est le Maroc qui dominait dans ce type de rapport, en faisant profiter la Mauritanie de sa proximité avec l’Europe permettant le passage, depuis le Sahara et la ville de Nouadhibou, de produits de tout genre, de véhicules et de touristes européens n’ayant pas suivis les consignes de sécurité, pour ne pas dire d’interdiction, donner par les autorités de leurs pays.
Cette route donc devrait combler le déficit commercial au niveau des échanges entre la Mauritanie et l’Algérie, surtout depuis que l’approvisionnement de la première en hydrocarbures n’est plus assuré par la société Naftec.
S’il faut reconnaître que les relations entre l'Algérie et la Mauritanie reviennent de loi, y égard à la méfiance que le régime de Taya avait par rapport au pouvoir algérien et à la question du Sahara, on ne peut qu’accepter que cette visite du président Aziz permet aux deux capitales d’avoir, à nouveau, des relations apaisées. En témoigne, d’ailleurs, la signature, dimanche, de plusieurs accords et d’un programme exécutif de coopération dans le domaine de la formation professionnelle.
Parmi les documents signés figurent les accords sur la non double imposition entre les deux pays, ainsi que le jumelage en matière de santé et de sûreté professionnelle entre l'Institut national de prévention des risques professionnels d'Alger et le bureau national de la médecine de travail de Mauritanie.
D'autres accords concernent la coopération entre l'Organisme national de contrôle technique des travaux publics de l'Algérie et le Laboratoire national des travaux publics de la Mauritanie, et entre l'Office national d'appareillages et d'accessoires pour personnes handicapées de l'Algérie et le Centre national de montage d'organes et de rééducation fonctionnelle de la Mauritanie.
Cependant, il reste que le Maroc est toujours un partenaire privilégié et stratégique de la Mauritanie. Aziz ne peut oublier, dans ce cadre, les réticences de l’Algérie à reconnaître son putsch contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi alors que Rabat a été l’une des premières capitales à soutenir ce général qui a fait ses études miliaires dans l’une de ses académies et qui, du point de vue sociale, a de solides attaches dans le royaume chérifien.
Reconnaissons aussi que ce n’est pour rien que, malgré le froid qui caractérise aujourd’hui les relations entre les deux pays, Rabat et Nouakchott sont appelés à entretenir des relations bilatérales allant même au-delà de celles qui rende nécessaire la redynamisation des différentes structures de l’Union du Maghreb Arabe.
Entre Alger et Rabat donc, Nouakchott est appelé à jouer à une sorte d’équilibrisme qui appelle à la plus grande prudence. Pas d’outrance politique et diplomatique pouvant donner l’impression que l’on se range du côté de l’un ou de l’autre de ces deux pays, au moment même où des signaux forts sont envoyés pour leur rapprochement, mais mettre à profit l’amitié retrouvée avec l’Algérie pour pousser celle-ci à « pacifier » ses relations avec Rabat, en dépassant l’écueil du Sahara.
Sneiba Mohamed