16-04-2012 00:04 - Mali : Afghanistan du Sahel ?

Mali : Afghanistan du Sahel ?

Au moment où les acteurs de la crise politique au Mali négocient à Ouagadougou les contours de la transition, le nord du Mali, passé sous contrôle des mouvements jihadistes et du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), continue de s’enfoncer dans le chaos.

Plus d’administration, plus de services de base (eau, électricité, éducation, santé) et, surtout, plus de perspectives en vue. Retour sur un désastre qui inquiète l’Afrique. Et au-delà…Il est difficile d’établir actuellement ce qui est la priorité au Mali : reconstruire un pouvoir reconnu et crédible ou se braquer sur la réalisation de l’unité nationale mise à rude épreuve par le risque de séparation du Nord.

Même si tout le monde salue l’accord passé entre la CEDEAO et les putschistes, ces derniers semblent vouloir continuer à tirer les ficelles ou du moins œuvrent pour s’installer durablement comme acteur majeur de la scène politique malienne. Leur chef continue d’accorder les audiences dans son quartier général de Kati et ses activités sont couvertes par les medias publics à Bamako comme s’il était chef d’Etat.

Certains observateurs, craignant une main secrète des militaires putschistes tant leur ombre flotte encore sur la situation, doutent déjà de l’avenir de l’opération politique au Mali. Surtout que le vaste et difficile chantier de la réunification passe par l’installation de structures étatiques fortes, crédibles et indépendantes dans le pays. En attendant de voir ce qui va sortir du conclave de Ouagadougou avec le médiateur dans la crise, les yeux demeurent rivés sur l’avenir du nord du Mali.

Cette région très vaste est désormais tombée entre les mains des mouvements islamistes. Le MNLA, vanté et soutenu par beaucoup de pays de la sous région et dans le monde, est carrément absent des grandes villes : Kidal, Gao, Tessalit et Tombouctou. Les grandes villes de l’Azawad, Gao et Tombouctou, sont administrées par des mouvements islamistes selon ce qu’ils estiment être les préceptes de leur Islam rigoureux et sans appel.

D’ailleurs celui que les nouveaux maitres de la région ont désigné comme gouverneur de la vieille cité historique de Tombouctou n’est autre que Yahya Abou Hammam, un Algérien connu pour être chef de la fraction d’AQMI : Al Vourghane.

Iyad Ag Ghali, le chef d’Ansar eddine, le groupe jihadiste malien qui ne cherche pas l’indépendance mais qui veut instaurer la Chari’a sur tout le territoire malien, parait être –du moins pour le moment- le véritable gagnant du chaos malien. Bientôt la soixantaine, ce personnage de roman, aussi charismatique qu’ambigu, qui fut un véritable héros pour les Touaregs, contrôle une grande partie du nord grâce à sa milice qui mobiliserait 350 à 500 combattants acquis à la cause jihadiste.

Plus que le MNLA, c’est ce mouvement Ansar Eddine qui avait infligé plusieurs défaites à l’armée malienne et ce sont eux qui avaient conquis Aguelhoum et Tessalit bien avant le putsch contre ATT. Cet homme complexe, ancien consul de son pays en Arabie Saoudite, a servi comme intermédiaire dans plusieurs négociations pour la libération d’otages, possède une longue expérience et est différent des chefs jihadistes, ses partenaires. Il a le sens des manœuvres : il vient ainsi de libérer plus de cent militaires maliens qui étaient prisonniers chez lui, en guise de bonne foi…

Le problème posé actuellement au Mali, à ses voisins et à ses amis dans le monde est de déloger Ansar Eddine et leurs alliés d’Al Qaida et du Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) des zones qu’ils contrôlent au nord du Mali. Surtout que l’armée malienne est désormais à reconstruire après sa lourde défaite et le putsch perpétré les militaires du second rang. Une opération qui, dans les cas de figure, risque de coûter cher, très cher… Et pourrait ne pas produire les résultats escomptés.

Il y a d’abord la possibilité de réorganiser l’armée malienne, la réarmer et l’envoyer aux trousses des séparatistes touaregs et autres jihadistes prendre sa revanche. La concrétisation de ce scénario prendra beaucoup de temps, quelques années au plus bas mot !

Il y a aussi la variante d’une intervention de la CEDEAO qui déclare avoir mis en alerte une force de deux mille à trois mille combattants. La préparation, la collecte des contingents, l’armement, les moyens logistiques, requièrent plusieurs mois alors que la situation parait d’une extrême gravité.

Il y a enfin la possibilité de faire intervenir les pays voisins, particulièrement le Niger et la Mauritanie. Cette dernière avait déjà et à plusieurs reprises envoyé ses militaires combattre les Jihadistes au nord du Mali. Son président, partisan de la guerre préventive, pourrait bien être tenté par une telle aventure. Quant au Niger, son ministre des Affaires étrangères avait appelé ouvertement, au cours de la dernière réunion des ministres des pays du champ à Nouakchott, à une intervention militaire pour permettre au Mali de retrouver son unité.

Mais quelque soit le cas de figure, on refoulera vers le désert des bandes islamistes –et même touareg- sorties de l’aventure renforcées en armes, en moyens de transports, en effectifs et en ressources financières.

En un seul mot AQMI, Ansar Eddine et MUJAO s’inscriront durablement dans le paysage sahélien comme des éléments perturbateurs. Leur combat dans cette zone suscitera une énorme émotion chez les jihadistes de toute la planète, avec des conséquences imprévisibles : La naissance d’un nouvel Irak ou un nouvel Afghanistan qui attirera les fous du Jihad de tous les coins du monde.

Par Moussa Amar

Commentaires : 0
Lus : 1137

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (0)