Comme tous les lundis matins, il règne au Calame une atmosphère studieuse ; c’est à dire que chaque « calamiste » ( ou calamité, c’est vous qui choisissez), a sa tête du type qui réfléchit intensément, tout acquis à la cause perdue des journalistes de notre République dattière.

Le lundi matin, il se dégage de nos locaux un état d’esprit, que dis-je, une manière de vivre : concours de mines studieuses, de moues profondes, de soupirs encore plus profonds, de grattage de têtes mal réveillées.

Le boss est quelque part entre son bureau et …son bureau. Lui il a sa tête de tous les jours, la tête du chat d’Alice au Pays des Merveilles, le sourire tueur et la moustache fringante : il n’est pas comme nous, lui : son édito, il l’a pondu dans la nuit.

Nous, en bons Nous Z’Autres paresseux et fiers de l’être, nous avons préféré profiter des nuits ramadanesques, à faire les beaux et les belles dans tous les salons de Nouakchott, butinant de f’tour en f’tour, histoire, sûrement, de comparer les crêpes mille trous et de compter les trous….

Au vu de l’importance capitale de ces activités nocturnes, vous comprendrez aisément que, membre de la confrérie des testeurs de f’tour, il m’était plus agréable de faire ma maligne chez les potes que d’écrire ma chronique du temps qui passe et repasse à l’infini de mes flemmes. C’est ainsi : on a les priorités que l’on peut et quand une priorité décide de nous choisir, autant profiter de l’opportunité.

De toutes les façons qu’est ce que j’aurais pu vous écrire hier soir entre une crêpe, une douceur, un verre de thé, et une conversation vachement importante ? Que la moitié du gouvernement est en vacances? De vous moi, on s’en fout royalement, non ? Surtout que, comme d’habitude, on nous prend pour des imbéciles en nous faisant croire que les ministres sont réellement en vacances.

Pffuittttt…… Tout le monde, du moins le monde intelligent, sait très bien que cette moitié de brochette de ministres va occuper ses congés à ratisser dans tous les coins de notre royaume, histoire de faire de la « visite à la campagne », une « campagne électorale »…. C’est ainsi : il fut un temps où nous errions dans nos sables à la recherche de la pluie ; les grandes migrations suivaient les pluies. Chacun attendait sa « partie de campagne ».

Nos ministres, eux, se doivent de verdir des pâturages « rectifiés » : Lekhriv ou la campagne azizienne…. Pendant ce temps, l’autre moitié de la brochette, attend son tour dans la touffeur nouakchottoise, la mine compassée des gens biens qui jeûnent et qui ont soif, et apprenant par cœur les routes des campagnes électorales, dès fois que le GPS tombe en panne entre 2 dunes….

Il est quand même, vous en conviendrez, des choses plus importantes que les estives (hop, on ouvre son dico et cherche la signification de ce mot…) des ministres en rupture de ministères…

Comme, par exemple, les 20 ans du Calame. Ben oui, nous avons 20 ans. Ok, je reconnais que de parler du numéro O de juillet 1993 revient à parler des temps géologiques et oblige presque à une datation au carbone 14, histoire de nous caler, Nous Z’Autres « calamistes / calamités », entre la disparition des dinosaures et la Rectification. 20 ans déjà. La déontologie voudrait que, maintenant, je vous avoue mon âge et celui des momies que nous sommes, mais pardonnez à la coquette que je suis, ce secret d’état en restera un….

La lecture de ce premier numéro, père de tous les numéros suivants, et mère et tante et cousine et tonton, confirme ce que je sais depuis toujours, à savoir que dans notre sultanat rectifié, nous avons un espace temps bien particulier : dans le reste du monde, le temps s’écoule, un jour on est en 1993, un autre jour en 2013 et les événements se suivent et ne se ressemblent pas ; cette « normalité » justifie le boulot de journaleux.

Chez nous, point de renouvellement : nous avons dû décider un jour que, pour rendre hommage à notre lenteur, une fois les choses installées, elles ne bougent plus et les évènements sont les mêmes, que ce soient 20 ans avant ou 20 ans après. Pour preuve ce premier et historique premier numéro. Les thèmes abordés sont les suivants :

Le mystérieux voyage du président en France

« abolir l’esclavage ce n’est pas si facile »

« démocratie dites-vous ? »

Les droits de l’Homme en Mauritanie

Les coulisses du bac

Ould Mah

Un boucher tue un boucher

Etat des lieux de notre football national Ould boulkheir, sur qui s’interroge notre Roi de l’époque, Taya : « ce Messaoud est-ce qu’il est fou ou quoi ? »

Les élections

Je vous fais, maintenant, la même version 2013 :

Les mystérieux déplacements du président en France et la royale santé

L’esclavage

Démocratie dites-vous ?

Les droits de l’homme

Le bac

Ould Mah

Ould Boulkheir

Les élections

Re les élections

Re re les élections

Re re re les élections (et la COD, et l’opposition multi-tâches, et l’UPR et, et, et…) Sommes trop forts nous les Nous Z’Autres ! Une fois pour toutes, nous avons décrété un temps immobile, où les choses semblent gravées dans la pierre, constitution rimienne de ce qui est, de ce qui doit, de ce qui se peut.

Outre le fait que cela nous permet de ne pas trop nous casser la tête, cela dit de nous que, quoiqu’il se passe, quelles que soient les promesses, les coups d’état, les rectifications, les déréctifications, les dialogues et non dialogues, les accords de Dakar, la démocratie (aux armes citoyens), il y a des choses qui ne changent pas. Elles sont à nous, ce sont les seules qui nous appartiennent, ce qui est déjà beaucoup ; on apprend à faire avec, quasiment.

Ce sont nos spécificités locales et exotiques : l’esclavage, la violence, les élections, les campagnes présidentielles qui ne disent pas leur nom, les voyages mystérieux de notre Sultan/ Roi/Empereur/Maître de tout ce qui bouge, les activités de Boulkheir, etc…. Eh oui, c’est comme ça ! On s’adapte aux temps immobiles. On fait comme on peut. On enrage parfois. On proteste beaucoup. Mais on existe toujours…en mouvement dans le non mouvement…..

Salut

Mariem mint Derwich