28-09-2013 14:46 - A chacun son rêve

A chacun son rêve

Vous allez sans doute penser au célèbre « Dream » de Martin Luther King. Le seul dénominateur commun, est que mon rêve à moi, et son « Dream » à lui, se sont tous les deux réalisés.

Dans le temps, on donnait, au réveil, un morceau de sucre à tout celui qui relatait de bonnes ou belles choses « vécues » pendant le sommeil. Je n’ai pas eu cette faveur à l’époque, le sucre étant, comme toutes les autres, une denrée rare. Mais ce n’était qu’un différé. Il n’y a pas plus succulent que la saveur de l’accomplissement d’un rêve, fut-il un rêve éveillé.

L’heure était tardive, et la fatigue commençait à avoir raison de mon endurance. Le long voyage, en plein Ramadan, commençait à totaliser vingt-deux heures, y compris un intermède peu reposant à Casablanca.

Sans m’en rendre compte, je m’étais un peu assoupi, et à vrai dire, j’en avais fort besoin. Subitement, j’ai été retiré de ce léger sommeil, par la voie de l’hôtesse de l’air qui annonçait à tous « Mesdames et Messieurs, nous commençons notre descente vers l’aéroport Diori Hamani… ».

Je n’ai pas bien entendu la suite, et n’était pas tout à fait sûr d’avoir bien saisi le début, saccadé, en arabe. Je suis en bons termes avec cette langue, mais il y avait quelque chose dans ce que j’ai cru l’entendre dire qui ne me laissait point indifférent. Je voulais en être sûr. Je fus rapidement édifié quand elle répéta la même assertion, cette fois-ci en intelligible français. C’était bien l’aéroport Diori Hamani de Niamey.

Je savais pertinemment que la Capitale du Niger, Niamey était ma destination. Mais le nom que portait l’aéroport de la ville me fit voyager dans le temps, pour me ramener à mon adolescence.

Ainsi, avec un voyage à reculons dans le temps, je me suis trouvé dans l’une des années soixante, sans plus me souvenir de laquelle exactement. Dans la capitale du cercle du Tagant, Tidjkja, j’accueillais, les Présidents Mokhtar Ould Daddah et Hamani Diori, qu’Allah les couvre de miséricorde.

Dans mes oreilles fredonnent encore les chansons composées et exécutées pour l’occasion. Particulièrement, celle que chantait feu Ely Ould Eyde « Hamani Diori welmekhtar, mavihem aar oula meayar.. ». Ce qui veut dire « Hamani Diori et Mokhtar sont irréprochables ».

Ce jour-là, tous les grands de l’époque étaient de la partie. La grandeur de l’époque, de par l’échelle des valeurs qui prévalaient, est éternelle. Elle résiste au temps, transcende les générations, et traverse les siècles. La tribune et ses alentours grouillaient de monde. Pourtant, à l’époque la République ne voyageait pas avec le Président, mais elle l’accueillait, chez elle, qui est aussi chez lui, à bras grand-ouverts.

J’avoue que l’émir du Tagant, Feu Abderrahmane Ould Bakar Ould Soueid Ahmed, avait particulièrement attiré mon immature attention. Si son teint m’avait surpris, la sobriété de son accoutrement n’avait nullement entaché l’élégance de son imposante stature, et sa majestueuse démarche. Au cours de la cérémonie, on chantait les louanges des deux Présidents. Moi, adolescent, je ne savais pas exactement ce qu’ils présidaient.

C’est bien plus tard, que j’allais découvrir qu’il existait un Pays qui s’appelait le Niger, et que Hamani Diori en était le Président.

Ensuite j’ai eu la chance d’avoir des condisciples Nigériens. Ils brillaient d’intelligence, excellaient en politesse, et se démarquaient par une exceptionnelle générosité. Puis vint la maturité qui me permit de savoir qu’il y eut un brassage, à différentes époques, et pour diverses raisons entre les peuplements de la Mauritanie et ceux du Niger.

Ces découvertes fussent-elles disparates et éparses, ont suffisamment nourri en moi le désir de découvrir ce qu’était ce Niger, pour qu’il se transforme en rêve, que ne pensais jamais voir un jour exhaussé. Le contact des trains de l’avion avec la piste me ramena au présent de l’indicatif. Il m’indiquait, comme le confirma aussitôt l’hôtesse de l’air, que je venais d’atterrir à Niamey, capitale du Niger. Le rêve était devenu réalité ce dimanche 28 juillet 2013 à 03 heures locales.

A la sortie de l’appareil, l’air était doux. Comme le fut aussi le policier qui, avec un sourire empreint de sincérité, me rendit mon passeport après l’avoir vérifié avec respect et délicatesse. Il ne manqua pas de m’adresser la formule locale de bienvenue, qu’ils distribuent généreusement à tout arrivant : « bonne arrivée ». J’étais donc chez moi. Et, à vrai dire, depuis ce moment je n’ai jamais senti le dépaysement.

Le Niger vous adopte aussitôt. Les Nigériens, eux, vous séduisent vite fait. Ils ont, entre autres, une exceptionnelle qualité, que je n’ai jamais rencontrée ailleurs. Au premier contact, vous avez l’impression de les avoir connus depuis toujours. Ils associent une prudente réserve, à une grande ouverture d’esprit. Ils sont d’une honorable sobriété, associée à une grande et raisonnable fierté. Ils sont respectables et respectueux.

La musique est envoûtante. En l’écoutant, j’ai pensé, sans savoir pourquoi, aux Maharajas, à la muraille de chine, à Djinné, aux vestiges de la civilisation de Saba au Yémen. Bref à toutes les merveilles du monde, classées comme telles ou non.

Au Niger, vous atterrissez à Hamani Diori, vous visitez le Stade Seyni Kountché, et vous traversez le Boulevard Askia Mohamed. C’est un pays qui s’assume, et respecte son histoire et ceux qui en ont été des acteurs, quels qu’aient été les soubresauts, les hauts et les bas. On n’invente pas l’histoire, on l’écrit, on la conserve, et on la capitalise. C’est ça une Nation qui se respecte.

C’est une nation ouverte sur le monde globalisé/mondialisé, ancrée dans son environnement régional, enracinée dans ses valeurs, fière de ses capacités, immensément riche de sa complémentarité dans la diversité et la solidarité, et bien tournée vers le devenir de ses générations à venir. Au Niger, vous êtes marqué par la splendeur de cette magnifique mosaïque, qui s’est constituée autour de valeurs fédératrices et immuables.

Au Niger, vous êtes impressionné par les paysages aux couleurs assorties et aux reliefs méticuleusement et admirablement sertis. Les Nigériens sont d’une ferveur exceptionnelle dans leur piété. On trouve des lieux de culte à tous les coins de rue. Mais la piété ici, n’a d’égal que la tolérance et le respect de l’autre. Ici, l’autre n’est pas une chimère. Il existe réellement, pour l’autre.

A moins de 100 mètres à l’ouest de l’auberge où je me trouvais, le Muezzin a appelé à 5 heures pour la prière de l’aube. Plus tard, dans ma chambre, vers 08 heures, les échos du chœur d’un office religieux célébré dans une paroisse contiguë, du côté Est, à mon auberge me parvenait très audible. Quelle belle cohabitation, et quelle admirable symbiose.

J’ai eu, je ne peux plus m’en cacher, un coup de foudre pour cet aimable peuple et séduisant pays. Comme j’ai déjà eu la chance et le privilège de le visiter, et bientôt l’opportunité de mieux l’explorer, mon rêve maintenant, bien qu’exhaussé, a pris de l’ampleur.

Nous sommes, dans la région, les mêmes peuplements. Nous avons les mêmes soucis, et d’énormes potentialités. Nous partageons les mêmes valeurs. Notre complémentarité n’est pas à démontrer. Pourquoi n’essayons nous pas à faire de nos différences une incommensurable richesse par la liberté, l’équité, la tolérance et la clairvoyance. C’est ça maintenant, mon rêve à moi. A chacun le sien.

Debellahi
Niamey



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Source : DEBELLAHI
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Commentaires (4)

  • BLAKGEND (H) 28/09/2013 21:13 X

    Mon frère,
    je te nomme envoyé spécial de classe exceptionnelle à travers notre cher continent pour nous décrire et nous faire vivre les richesses de nos cousins d'ailleurs. Thank.

  • mohamed hanefi (H) 28/09/2013 16:34 X

    Debellahi! Bonjour.
    Cette narration est sensationnellement. Elle montre également que les vrais fils de l'Afrique, sont partout chez eux, dans ce continent de la bonté, de la simplicité et de l'hospitalité légendaire. Seulement, tu m'as donne l'envie de visiter ce sanctuaire de la paix et de la foi.

    Je profite pour te dire que je ne t'ai pas envoyé mon E-mail, pour la simple raison qu'on l'a "Hacke". Je ne sais pas mais depuis un certain temps et régulièrement, un quidam, me joue le même tour. (Avis a tous d'ailleurs) Des que j'ouvrirai un nouveau, je te le ferai savoir.

    Bonne chance et profite bien de ce périple qui t'a permis de côtoyer d'autres parents sous d'autres cieux.

  • sammbasy (H) 28/09/2013 14:57 X

    Je partage votre rêve, bien exprimé dans le dernier paragraphe de votre article ! Merci compatriote !

  • Le Pacificateur (H) 28/09/2013 14:54 X

    Bien dit, mon frère. Hélas, l'État mauritanien a fait son choix pour des calculs nationalistes : se tourner vers le monde arabe au détriment de l'Afrique subsaharienne. Alors que c'est dans cette zone que les Mauritaniens ont plus réussi (hommes d'affaires, commerçants,…). Que l'État mauritanien sache : notre pays a ses raisons légitimes pour nouer des relations avec le monde arabe, mais il ne doit pas oublier ou mépriser l'Afrique subsaharienne qui constitue son élément naturel. Pour preuve : un Mauritanien ne peut pas ouvrir une boutique à Tunis, il suffit d'y aller pour se compte. Alors qu'ici, c'est possible pour un Tunisien. Et les exemples de la cécité et le nationalisme mauritanien ne manquent pas. A quand la fin de ce "deux poids deux mesures" ?