04-11-2013 02:40 - Débat : Poème « Essevin » D’ahmedou Ould Abdel Ghadre - Conclusion

Débat : Poème « Essevin » D’ahmedou Ould Abdel Ghadre - Conclusion

La croissance sectorielle ou régionalisée est un élément important mais partiel. Pour devenir bien efficiente comme locomotive d’un processus global et équilibré, elle doit s’inscrire dans une inter relation d’idées et projets qui se complètent…

Elle doit devenir en conséquence élément d’un développement économique et social continu et harmonieux ; sinon elle secrète le contraire de l’objectif recherché !Ainsi on a vu en Mauritanie la croissance incontrôlée- étant par ailleurs d’une nature différence de celle qui nous intéresse ici, mais qu’importe !- de l’agglomération de Nouakchott et des pôles de croissance extravertis du Nord -Nouadhibou et Zouerratte.

Accentuer l’exode rural et ruiner le pays en vidant les activités traditionnelles –agricoles, de cueillette et pastorales- de leur population active celle qui produit !

On a vu également la route dite de l’ »Espoir », et parce que rien n’a été prévu pour fixer les populations laborieuses, auquel on a donne un moyen de locomotion ( fuite ?) rapide, vider l’arrière pays créant sur le littoral cette monstrueuse concentration humaine génératrice de tant de misère, de maux sociaux et de désespoirs. Portant il existe, à mon avis, une solution à cette croissance sauvage et si dévastatrice.

Il faut assurer une valable substitution au corps social éclaté qui puisse préserver du désespoir irraisonné à l’origine de la fuite sur le vaisseau par la réalisation d’un développement, même timide mais qui reste équilibré et réfléchi. Et sans y voir une image d’Epinal il appartient à l’Etat National d’assumer cette mission. Mais entendons nous bien « l’Etat national « coordinateur qui s’installe »… dans ses prérogatives, toutes ses prérogatives, mais rien que ses prérogatives… »

Cet » Etat » dont il faut déterminer les contours précis et son outil, une administration nationale de régulation et de développement, auront la tâche ardue de conserver une Mauritanie sur ses pieds et vivable.

Cette Mauritanie là pour survivre devra éviter toutes les solutions extrêmes comme cet exode sur le vaisseau et devra s’armer adéquatement pour affronter cette sécheresse et toutes les sécheresses. Elle devra être équilibrée. Tant dans son approche générale des problèmes en étant un monstre froid et égoïste, sans nerfs mais avec un cœur pour la compassion et une tête pour l’équité.

Equilibrée dans la construction de son nouveau corps social l’Etat-tribu, intégrant les formes traditionnelles de la structure sociale millénaire et employant les méthodes modernes dans sa gestion et sa neutralité.

Equilibrée dans l’usage de ses héritages culturels transformés en éléments dynamiques, capables également de mettre en exergue les nuances identitaires de son patrimoine et sa transformation en un outil dynamique capable d’apporter une éminente contribution dans la vie pratique quotidienne du citoyen et de relever certains défis du développent du pays.

Equilibrée pour une gestion maîtrisée de son développement ; parant au plus pressé des besoins incontournables des citoyens, mais ne perdant pas de vue l’objectif stratégique des exigences d’un pays capable de survivre décemment au XXIe siècle !

Et la condition sine qua non est qu’il devra accepter d’être un Etat désacralisé, démystifié, descendant volontairement et humblement de son piédestal pour devenir touchable, mortel ! Il devra être l’Etat-tribu pour tous se substituant au cadre désuet, décoloré et désormais inadéquat de notre collectivité traditionnelle.

Il devra en offrir les avantages de sécurité sollicités de l’Assabiyé (98) qui justifiaient et expliquaient cette confiance quasi-aveugle et cette apparente cohésion. Il devra être l’Etat-mère au sein duquel, sans distinction de couleur, ethnie, race ou condition sociale, ses enfants, l’ensemble des citoyens, viennent se réfugier, cherchant tendresse et protection…Il devra être l’Etat-neutre observant une égale distance entre ses secteurs privé et public.

Neutre et objectif, il ne sera pas une marâtre pour le premier et une mère- poule pour le second. Il devra être l’Etat-décongestionné qui se débarrasse de porter à bouts de bras des entreprises déficitaires sans impact social ; qui s’entremêle en les fils du capitalisme d’Etat, qui ne secrète que sacrifices au trésor public au bénéfice de bureaucraties corrompues !

Il devra se consacrer à son rôle de régulateur et brocanteur honnête de la vie nationale publique et privée…Il devra être l’Etat-social dispensant ses prestations aux éléments les plus défavorisés, les plus nécessiteux. Enlevant aussi aux groupes de pression, économique et politique, (ou est la différence ?) la possibilité de peser sur la marche des affaires de la communauté nationale par une intolérable position oligarchique ou oligopolistique…

Enfin il devra être l’Etat décentralisé offrant les mêmes sous divisions que la grande tribu qu’il est devenu ; la région devenant la fraction et les concentrations urbaines ou rurales les familles. Régions et concentrations urbaines et rurales de l’Etat décentralisé se gérant directement éveilleront la conscience à la responsabilité et à l’émulation et ouvriront, à l’occasion, autant d’écoles de formation pratique, fonctionnelles et sûres d’une élite de gestionnaires.

L’outil de cet Etat, son administration, se suffira de surveiller et contrôler une auto- gestion et une auto- administration des citoyens, la débarrassant de tutelles onéreuses, malsaines et improductives. L’administration cessera alors d’être la force contraignante, crainte et haïe pour devenir un outil simple, souple qui réconforte et protège. Cette administration ne sera plus assimilée à un corps étranger, opprimant l’administré, mais une structure familiale et familière traitant avec des responsables à qui elle ordonne et obéit…

Banalisée cette administration sera humanisée aussi et sera pensée pour notre pays, son profil socio- culturel, ses besoins et ambitions , ses moyens et ses défis…Elle tiendra compte donc de notre profil :un pays de deux millions ( ou plus) d’habitants, de tradition islamique, afro-arabe, où les hommes portent le boubou et les femmes la melhafa(99) ou le boubou et foulard, accomplissant pour les majeurs le jeûne diurne du 10e mois lunaire, sirotant trois verres de thé vert de Chine ( une ou plusieurs fois par jour) ; bref a un pays aux caractéristiques X, Y, Z etc.

Pour tout dire une administration enfin imaginative et réaliste qui soit à notre Etat- tribu et à ses citoyens un outil mobilisateur à la dimension de notre ambition et de l’ampleur du désastre à contenir… Rêvons un peu de ce Etat transmué, méconnaissable qui prend désormais l’innée pour acquis et qui comme un uniforme bien taillé tombe juste sur le corps de la nation à l’aise désormais dans ses mouvements !

Rêvons de ses fonctionnaires, ramenés à leur juste proportion, abdiquant de leur pouvoir excessif , renonçant au monopole absolu et exclusif de l’organisation de la vie de l’ensemble des citoyens depuis le plan global, tri ou quinquennal, jusqu’au ramassage de leurs ordures. Et qui plus est, ces fonctionnaires reconvertis se départiront de leur puissant et insatiable appétit rampant pour les activités en principe privées, mais qui sont lucratives, donc tentantes !

Rêvons aussi d’un citoyen responsabilisé et conscient d’accomplir ses devoirs de contribuable, de gardien jaloux de son « Etat », de son patrimoine et de sa souveraineté, surveillant vigilant d’une administration qui un cessé d’être un épouvantail pour devenir un ami, presque un confident…

Rêvons, ou rêvons de ce citoyen mentalement rééduqué, sincèrement motivé, assurant avec conscience sa double mission d’administré et d’administrateur. La grande toilette de style, méthode et finalité de l’Etat nouveau et de son administration imposeront la reconversion de la mentalité de colonisé du citoyen.

Ainsi il ne regardera plus l’Etat et son administration comme des organes imposés, coercitifs… Et sans aucun doute la nette et nouvelle démarcation l’engagera à réagir désormais en sujet actif, spontanément prêt à prendre ses droits et à assumer ses devoirs !

Il sera exigeant envers lui-même, disponible, capable de ne ménager, ni sueur, ni sang, ni moyens, ni quiétude pour mener à bien sa mission ; l’œuvre de longue haleine dont il sera l’artisan et le bénéficiaire. Ce citoyen nouveau deviendra, et grâce à l’adaptation des structures, et leur corollaire le changement des mentalités et attitudes sociales, un homme nouveau également, un animal individualisé, mais social aussi ; un être discipline mais par un abandon volontaire d’une partie de sa liberté.

Cet homme là est un être majeur, satisfait quant à ses aspirations, disposant librement de sa liberté de réflexion, de ses choix philosophiques et politiques, de l’expression de sa pensée et de l’organisation de sa vie.

Premier concerné par un avenir qu’il construit lui-même, il laissera éclater , plus fort que jamais un génial esprit d’initiatives créatrices…Jouissant de la grande sensation que confère la sécurité du corps et des biens et, aussi, de l’indescriptible plaisir que donne l’imagination créatrice et la liberté , sans horizons, pouvant aller au-delà de l’imagination elle- même.

Et au dessus de tout cela cet homme- citoyen sera armé et bien armé pour défendre, et par tous les moyens à sa portée, y compris le sacrifice de sa propre vie, une existence qui, désormais, à pour lui un sens. Quelle sécheresse (au singulier) et quelles sécheresses (au pluriel) sauront dès lors triompher d’un tel entêtement, d’une telle volonté, d’une telle rage de vivre pour survivre ? Et que voudront dire alors dans cette optique nouvelle ces terribles vers d’Ahmedou ?

« …L’Equipage en désarroi
Conscient de son désarroi,
Mais ignorant qu’il est parti en voyage
Et qu’il navigue en plein océan… »

Par contre cette conclusion parfumée du poème prendra, elle, toute sa dimension : celle d’une immense espérance que le poète, bien réveillé cette fois, nous exprime en ces vers magnifiques :

«Nos steppes reverdiront Et nos instituts s’épanouiront,
Et nos rêves Et nos jours,
Se retrouveront Quand l’acacia fleurira,

Quand le palmier ondulera Quand l’oiseau lui chantera,
L’arôme des Batha (100) Et les charmes du matin… »

Par cette image rafraîchissante d’une nature revigorée, le poète pose, peut-être, les conditions à réunir pour le retour des « passagers » ou des fuyards du vaisseau de la honte…

Alors inversons tout simplement les termes de l’équation ou de la théorie. Faisons de ces conditions des exigences à satisfaire pour la survie de notre peuple à terre ; pour plus d’enracinement dans la terre et pour plus de détermination dans notre lutte pour la conservation de notre monde, de notre terre !…

Mohamed Said Homody

Guidimaka (97) : région sud extrême orientale de Mauritanie et voir note N° 85° plus haut.

Assabiye (98 : théorie développée par l’inventeur réel de la sociologie Ibn Khaldoun dan son monumentale » Histoire des berbères » où ll y développe ses idées sur les stades de développements des civilisation bédouine et citadine etc. La » Assabiyé » ici concerne les liens de solidarité-pour le juste et pour le faux- pour nos mentalités tribalistes.

Melhafa (99) : Pan de tissus que portent les mauresques (ou femmes maures) et qui les couvre, en principe, depuis la tête jusqu’aux chevilles.

Batha (100) : Oued intermittent en zones désertiques




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