20-04-2014 20:14 - Ancien employé d’une dibiterie, il vola par nécessité et demanda la clémence du Président ...

Ancien employé d’une dibiterie,  il vola par nécessité et demanda la clémence du Président ...

... de la chambre correctionnelle du Tribunal de Nouakchott, l’Empire Islamique des Sables.

Abou Cissé - Abdoulaye vivait avec sa famille dans sa ville natale, quelque part à l’Est du pays et subvenait à ses besoins grâce à un petit boulot d’aide dans une dibiterie. Mais un beau jour, le propriétaire ferma boutique et s’exila à Nouadhibou, abandonnant Abdoulaye dans les mailles du chômage et de la misère.

Tanné par l’extrême dénuement, Abdoulaye vola dix ânes que quelqu’un avait parqués dans un vaste terrain pour les acheminer à Nouakchott. Abdoulaye parviendra à louer les services d’un transporteur moyennant 30.000 UM.

Alors qu’il avait embarqué avec son butin, le propriétaire des ânes eu la surprise de sa vie lorsqu’il découvrit que ses bestioles avaient disparu. Une femme lui dira alors avoir vu un homme embarquer ses ânes dans un camion.

Une plainte fut déposée, et Abdoulaye fut coincé aux portes de Nouakchott avec sa charge. Conduit au Commissariat de Police, puis déferré au Parquet de la République. Il fut placé en prison. Dans 48h, il fut jugé. Les ânes furent restitués à son propriétaire qui s’était précipité vers la Capitale.

Le procès d’Abdoulaye se transformera en véritable mélodrame où beaucoup de larmes coulèrent parmi les femmes, tant le récit fait par le prévenu sur sa situation était poignante. ‘Je ne suis pas un voleur, Monsieur le Président et je n’ai volé que par nécessité’, plaida-t-il. Et de raconter sa vie d’honnête homme comme aide dans une dibiterie, puis le malheur qui s’abattit sur lui et sa famille lorsque son patron décida de fermer boutique.

‘‘J’ai cherché désespérément du travail et à vrai dire, je souffrais de voir ma famille mourir de faim, car si nous mangions un jour, il nous fallait serrer ensuite la ceinture pendant un ou deux jours ; moi, mon épouse, on pouvait supporter, mais les enfants… hmmm‘, dira-t-il en substance. Il avait alors commencé à laver les voitures, mais ce qu’il trouvait était de la misère.

C’est ainsi qu’il a décidé de voler les ânes dans l’espoir de se constituer un capital et ouvrir une dibiterie, la seule activité qu’il sait faire. Le Substitut du Procureur, dans son réquisitoire, lui fit remarquer que le chômage, le dénuement, la faim, ne sont pas des arguments suffisants pour justifier le vol, qu’il n’avait qu’à se contenter de ce que la providence lui offre et de patienter.

Il joignit ses deux mains et supplia le Président de la Chambre de lui pardonner. ‘‘Je ne recommencerai plus, Monsieur le Président. Si je le fais, appliquez sur moi la sentence la plus sévère’, susurra-t-il. Pourtant des éléments de l’enquête de moralité diligentée, il apparut qu’Abdoulaye n’a jamais commis de délit dans sa vie et que son parcours était tel qu’il l’avait décrit.

Le Président Ahmed Vall Ould Lezgham, dans son verdict, le condamna à 1 an avec sursis et une amende de 20.000 UM, sans compter les 30.000 UM qu’il devait au chauffeur et 60.000 UM de dommages et intérieurs au propriétaire des ânes. Ce dernier ainsi que le chauffeur déclarèrent pardonner à Abdoulaye parce qu’ils savent qu’il n’a pas de quoi payer de telles sommes.

Ils demandèrent également à la Chambre de lui pardonner l’amende de 20.000 UM, car Abdoulaye ne détient le moindre khoums. Lezgham lui conseilla de trouver un job et de ne plus voler. Sur ce, il le laissa partir et l’amende fut alors annulée.

A sa sortie d’audience, Abdoulaye fut rejoint par plusieurs personnes qui avaient assistés à l’audience et qui ont été émus par son récit. Chacun lui glissa qui des billets, qui de la petite monnaie. En tout, Abdoulaye avait récolté 64.000 UM ce jour là, selon lui. Content, il avoua qu’il n’avait en réalité besoin que de 50.000 UM comme capital pour ouvrir sa dibiterie. Il déclara qu’il allait rentrer chez lui le même jour et il sort du Palais de Justice.

De son côté, Bilal, le propriétaire des ânes, rencontré le lendemain au Parquet, déclara avoir vendu ses dix ânes à 200.000 UM, à raison de 20.000 UM par tête et qu’il s’apprête lui aussi à rentrer au village. Il était venu au Palais voir un proche à lui.

Cette histoire date de deux mois. Un policier qui faisait partie de ceux qui avaient déferré Abdoulaye raconte que ce dernier a finalement ouvert sa dibiterie dans une gare routière située dans l’un des patelins situés entre Kiffa et Aïoun. ‘’Il m’avait aussitôt reconnu et m’a réservé un accueil chaleureux’’, raconte-t-il.

Selon le policier, les choses semblent bien marcher pour lui, les clients se bousculent et il avait ce jour-là, accroché à la devanture de sa dibiterie, trois moutons. ‘’Il m’a même présenté son épouse qu’il a aidé à ouvrir à côté de lui un restaurant, bourré de clients,’’ ajouta-t-il.

Abou Cissé



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Source : Abou Cissé
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Commentaires (2)

  • BLAKGEND (H) 21/04/2014 10:36 X

    Alors que des milliards d'Ouguiyas sont entassés dans les coffres forts de notre république, voilà un quidam qui recourt malgré lui aux extrêmes pour survivre. Mr le président, instaurez le revenu minimum pour tout mauritanien le temps qu'il trouve du boulot. Le pays est riche, plus riche même que beaucoup de pays occidentaux.

  • Grapher (H) 20/04/2014 20:24 X

    En voila une fin heureuse pour une histoire triste. Il faut se féliciter de la décision du juge OULD LEZGHAM que je ne connais pas mais qui a vraiment de l'expérience et qui a bien apprécié la situation.

    En condamnant ce pauvre diable, on aurait aggravé sa situation et celle de sa famille.