28-08-2015 19:30 - Le Colonel et l’avocat : Attention à l’unité nationale

Le Colonel et l’avocat : Attention à l’unité nationale

Le Calame - Des actes et des paroles regrettables ont marqué l’actualité des dernières semaines. J’ai essayé, en vain, de rentrer ma colère. Alors j’ai pris ma plume pour la tremper dans un fiel édulcoré. En tout cas, mon but ne sera point de m’ériger en justicier privé, ni en objecteur de conscience. Tant il est vrai que le journaliste que je suis, débatteur donquichottesque, prête, à merveille, le flanc à la critique.

Deux hommes : un colonel (généralisable) et un avocat de renommée internationale ont défrayé la chronique, à deux doigts de ravir la palme du bellicisme à Ould Jerib, le Lucky Luke qui tire « plus vite que son ombre », dans une supérette paisible du Ksar.

Ces comportements d’autant plus qu’ils sont répréhensibles au vu du droit et de la morale, sont douloureusement inopportuns, dans un contexte marqué par les revendications sociales et identitaires, portées aux nues, à chaque occasion, par les pyromanes de tous bords.

Je concéderais, volontiers, à Maître Taghioullah de défendre une cause perdue, même si elle était comme celle de Klaus Barbie ou de Papon, convaincu soit-il de sa validité, ou courant tout simplement derrière des honoraires. C’est, disons, de bonne guerre. Peu oisif, il aurait grain à moudre dans son exil doré du Canada. Son confrère, Sidi Mohamed Ould Sidi, lui a d’ailleurs bien répondu par un pavé, contrairement à l’habitude taiseuse de sa famille émirale.

Tribune inopportune

Mon désarroi et ma réprobation sont plus grandes, lorsque je lis, hébété, la tribune du Colonel Omar, que j’attendais plutôt, sur un autre terrain : celui de la guerre vraie. Lorsque j’entends son nom, je pense au Général O’mar Nelson Bradley , un héros de la deuxième mondiale. Sa première sortie, après sa retraite, aurait pu être une contribution sur l’art de la guerre. Par exemple : « l’emploi des unités méharistes devant les terroristes.» Déjà, il y a dix ans, il voulait révolutionner ces fameuses unités, en concoctant une image quelque peu insolite : un ordinateur de dernière génération "juché" sur la selle d’un dromadaire qui blatérait à faire sauter sa bride.

Même si le guerrier courroucé avait quelque part raison sur le fond, il a malheureusement perdu sur la forme.

Sur le fond, le premier aéroport international hypermoderne de Nouakchott, aurait pu être baptisé Aéroport Moktar Ould Daddah, et aucun malhonnête ne pourra rouspéter. Il est vrai que presque tous les aéroports internationaux portent le nom de grands hommes (L. S. Senghor, Kennedy, Dulles, etc) et Moktar en est bien un. Et pas le moindre. Cependant bien des contre-exemples existent. Citons un : l’aéroport de Tunis s’appelle Carthage, tandis que Bourguiba est bien, à l’instar de Mokhar, un père- fondateur. En revanche, les Boulevards Bourguiba et Moktar sont les plus larges à Tunis et à Nouakchott. C’est peut être trop court, mais une consolation, tout de même.

Sur la forme, je pense/ j’espère qu’il savait bien ce qu’il devait dire, mais sa langue a simplement fourché. Un peu comme Samba Diallo dans L’aventure ambigüe. Je lui donne le temps d’avoir le temps, et il me dira qu’il a du remord par rapport à des propos inopportuns et qu’il aurait pu faire l’économie d’une diatribe qui ne sied pas à la bouche d’un guerrier preux, officier supérieur de surcroit.

Lorsque quelqu’un de très proche, vous fait malencontreusement mal, les Beni Hassanes disent : « Mon doigt m’a enlevé l’œil, Soub’i Nkit Ayni.» C’est peut être partant de cet adage que les gens du Sahîl, voire toute la Mauritanie, ont accueilli avec philosophie les propos du colonel indigné. Sauf son respect, Omar aurait péché par omission : il oublie qu’il s’est auto-flagellé.

Il oublie – et ce n’est pas là un hymne à l’Assabiya – qu’il remue le couteau dans sa propre famille. A s’en tenir à la Généalogie des Beni Hassane, à travers le document incontournable de Saleh OuldAbdel Wahab N’assir, AL hassoua AL Beyssaniya fi Ilmi Al Ansâb Al Hassaniya, Jâafar Min Daouad , l’ ancêtre éponyme des Jâafra, est le fils de Daoud A’rug, fils de Oudeye Ibn Hassane (dit Ahmed ) et Dleim, le père des Oulad Lâb est l’enfant direct de Hassane Ibn Mûkhtar Ibn Mohamed, descendant en lignée directe de Jâavar Attayâr, le héros de la bataille de Mu’eta, mort aux côtés du Prophète Mohamed ( PSSL ) tandis que Bou’elba, l’ancêtre éponyme des L’Eulb, est le fils de Mûsa Ould Terrouz Ould Haddaj, Ould Oumrâne, Ould Ethmame, le frère de Nasser Ould Maghfâr Ould Oudey Ould Hassane. Tout ceci est incontestable, ne serait-ce qu’en respectant les paroles du Prophète, « Il faut croire les gens en ce qui concerne leurs origines », N’assu Mussadhagûn fi Ansabibim.

La tribune du Colonel est d’autant plus inopportune qu’elle traite d’un débat dépassé : les Beni Hassane ont depuis longtemps fumé le calumet de la paix et ils parlent aujourd'hui de leurs escarmouches sanglantes , comme s’ils relataient incidemment les batailles du Far West américain.

Atavisme ringard

Pas moins, le débat sur la résistance et de la «collaboration» est lui aussi bien remis à la corbeille de l’histoire. Chacun a justifié, à sa façon, son choix délibéré pour le camp ou l’autre. Dans la même famille, vous trouvez un ancien goumier zélé, et un résistant implacable : l’un fier d’être descendant de Barbe-bleue ou de Beau blair et l’autre se gargarisant, ostensiblement, d’avoir été dans les rangs de Sidi Ould Moulaye Zein ou de Cheikh Melainine.

Aussi, au plan de la doctrine, les ulémas qui ont toléré, voire justifié la pacification importée, et ceux qui l’ont combattue, font aujourd’hui bon ménage. Comme par un instinct grégaire, les Mauritaniens ont décidé que le passé ne piège pas et ne catalyse point leur présent. Or les Algériens, par exemple, ont banni les Harki, que rejettent traitreusement les gouvernements français, leur réservant le sort du paria. Pour assumer et réconcilier notre passé et notre présent, une autre stèle devrait être érigée à l’honneur des Mauritaniens tombés sous les balles de l’autre camp.

Aussi bien qu’il n’aurait pas dû offenser ses cousins, le colonel Omar aurait pu éviter de le faire à une tribu chérifienne, bien ancrée en Mauritanie, même si elle est la dernière vague d’immigrés arabes, venant du Yemen, de l’Egypte et du Maroc. Tout le monde n’était pas là ; tout le monde est venu d’ailleurs. Fatalement. Les pionniers de ce pays seraient une population noire, de confession juive, et les Sanhaja battant en retraite, chassés de leur empire andalou.

Toutes les trois entités tribales n’ont, comme tous les Mauritaniens, rien à se reprocher. Leur Maurianité et leur patriotisme n’ont jamais fait défaut. A aucun moment de notre histoire, autant que je sache. Leur proximité du Maroc et son développement ne les ont jamais amenés à tourner le dos à leur patrie. Aussi bien que les Mauritaniens du Trarza, du Gorgol, du Guidimakha et du Hodh n’ont pas été attirés outre mesure par le Sénégal ou le Mali.

Le fait qu’ils aient « dépassé des territoires non libérés pour attaquer le poste d’Oum Tounsi », est peut-être motivé par la symbolique de cette unité commandée par le petit- fils du Président du Conseil de la République française, le Maréchal Patrice de Mac Mahon. Bref, les concernés sont là pour se défendre, s’il y a lieu. Quant à moi pris, peut-être, par un élan d’atavisme ringard, je défends plutôt un cousin très proche, un officier de grande valeur, contre une prolixité tardive, symptomatique d’une logorrhée contre-productive.

En ce qui concerne Maître Taghyoullah, avec lequel je crois avoir partagé une classe au lycée national – vague souvenance, probablement illusoire –je lui conseille de ne pas se focaliser sur les causes perdues ; d’éviter les causes inutiles, sachant qu’il ne sera pas, je l’espère, l’avocat du diable perdu.

Notre nation est confrontée à une conflictualité mettant à rude épreuve l’unité nationale et la cohésion sociale, le rôle de tout le monde est de contribuer, peu ou prou à éloigner les démons de la haine et de la vindicte. Au moment où nous œuvrons, gouvernement et peuple, à l’unité intercommunautaire, il faudrait, éviter les conflits intracommunautaires.

Un jour de 1965, De Gaulle, fidèle toujours fulgurant, répliquait à Alain Peyrefitte : « On ne gagne pas une élection en remuant la merde de l’Histoire. » De même, on ne peut pas unir un peuple, en déterrant ab irato, la petite et nauséabonde hache de guerre. Le colonel Omar l’a d’ailleurs, si bien dit, en d’autres termes, à un moment où sa colère a baissé : D’ailleurs il serait plus judicieux de dissimuler autant que faire se peut ces batailles inutiles pour ne pas éveiller les démons de vendetta (...) Alors…

Salutations et respect à Omar et Taghyoullah

Hommage, aux soldats "inconnus" ou "méconnus" d’Oum Tounsi. Et à ceux qui ont cru, à tort ou à raison, que la pacification passe par la colonisation.

Abu Nasser, auteur et journaliste



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Commentaires (15)

  • babiti (H) 29/08/2015 17:47 X

    Le Ghana à l'Est plutot. Les peuls du Tekrour ont repoussé à leur tour les populations Serrères et une bonne partie des Wolofs plus au Sud dans l'actuel Sénégal et l'autre partie s'est poularisé. Par ailleurs une bonne partie des troupes almoravides qui ont conquis le Maroc etait constituée de soldats du Tekrour et du Ghana.

  • babiti (H) 29/08/2015 17:02 X

    Quand les Sanhdja sont arrivés au X et XI eme siécle, ils ont trouvé sur place l'empire du Ghana des soninké dont ils sont devenus vassaux à l'Ouest et le Tekrour qui s'etendait aux confins des plateaux du Tagant Assaba que les peuls appellent toujours Hayré Ngaal. Les Mourabitounes aidés par le tekrour ont detruit le Ghana ensuite vinrent les Hassanes bien plus tard, leur poussée a conduit les Peuls à se refugier plus au Sud dans le bassin du fleuve sénégal.

  • Tajmahal (H) 29/08/2015 15:11 X

    @hadehn: pourquoi changer de "ednah (Md Bht)" à "hadehn"? Pourtant "ednah" est aussi bon dans l'anonymat. Mais tous les deux sont mauvais dans les amitiés!!

  • adama1958 (H) 29/08/2015 12:24 X

    L'histoire n'est autre que l'histoire. Personne ne pourra changer son cours. Je pense que vous perdez votre temps en vous attelant à ce genre de manœuvre. Vous nous perdez autant en vous lisant. D'ailleurs en quoi cela pourrait nuire à l'unité nationale? Si cela a une incidence sur unité nationale, je vous jure qu'il n'y en avait point d'unité... Chacun doit doit diluer son vin et modérer son langage. Cela ne rime à rien. Soyez sages et ne vous faites pas d'illusion. Personne ne pourra changer l'histoire.

  • hadehn (H) 29/08/2015 10:43 X

    MARIEM, Dites plutôt par le marteau et l'enclume ce sera plus compréensible.

  • Symaodo (H) 29/08/2015 10:30 X

    il y'a a chinguitty ou ouadane des cimetières pour maures d' origine juive,et les premières peuplades noires de Mauritanie étaient animistes et non juives,bien que certaines familles sont originaires du sud soudan,des dinkas et des nuers et qui ont des patronymes kan et si,ces noms originaires du sud soudan sont bien installes dans la zone.

  • bagaby (H) 29/08/2015 08:06 X

    Vous reprochez aux protagonistes de "remuer la merde" alors qu'en realite c'est vous qui touillez la merde que vous apportez avec vous. Par ailleurs, les autochtones du pays ne pouvaient pas etre juifs parce que tout simplement ... autochtones ! Cette religion, ainsi que les autres, sont arrivees avec ceux qui sont venus d'ailleurs...

  • Gorkovitch (H) 29/08/2015 03:28 X

    L'Histoire de la Mauritanie revue et corrigées par les descendants des envahisseurs qui font une table rase de ce qu'ils ont trouvé en renommant, en rebaptisant les noms des localités. Voilà l'Histoire falsifiée de la Mauritanie! Retour aux sources.

  • quahtan (H) 28/08/2015 23:53 X

    A hababa. On est effectivement en train de reecrire l'histoire de la Mauritanie mais avec une plume ideologique

  • Ibiliss (H) 28/08/2015 23:38 X

    Cela vous dérangerait-il d'aller régler vos dettes et comptes tribales ailleurs? Merci de votre compréhension!

  • Mariem Mohamed (F) 28/08/2015 22:20 X

    Pour éclairer tous sur cet avocat de chez nous, j’ai oublié de dire quelque chose de très important dans l’Histoire d’Elmoughawama en Mauritanie: le grand-père de Maître Takioullah, El Marhoum Lyezid Ould M’Bareck Ould Belaïd, était parmi ceux qui attendait pour recevoir l’Émir SidiAhmed Ould Aïda le 19 mars 1932, juste au Nord de «Widiane El Kharoub», lieu de sa mort Allahyrhmou. Malheureusement, rendez-vous manqué à cause du zèle et de l’inconscience des fumistes et des charlatans inféodés aux bottes françaises et dont les descendants font souffrir la Mauritanie encore aujourd’hui!

  • Mariem Mohamed (F) 28/08/2015 20:55 X

    M. Nasser, au Nord de la Mauritanie nous sommes loin d’être des chrétiens, où selon Matthieu 5.38.-39: «Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre.» L’instinct et le reflexe de mon frère Maître Takioullah Ould Eidda Ould Lyezid, dont je suis si fier, n’a fait que répondre, PAR LA PLUME (l’arme des temps modernes) à une humiliation, à laquelle ses ancêtres ont toujours RÉPONDU PAR LE FUSILS!!

  • sallabarry (H) 28/08/2015 20:46 X

    Abu Nasser il n y a plus rien à dire après vous et celui qui essayera, parlera pour ne rien dire. Cette analyse est juste et limpide d'un vocabulaire simple profond et d'un langage poli et responsable bref maitre est un grand avocat qui fait voir des fois sa contribution sur le net sans pour autant offensè qui que se soit quant au colonel je ne sais quel mouche l'a piquè après un bon bout de temps d'hibernation le voila l'arme au poing face à toute une communauté connu pour ses bien faits et pour son savoir vivre la Mauritanie est une et indivisible nous sommes tous sur le même bateau nord,sud,est,ouest noirs et blancs jaune et bronzè est nous devons tous éviter son chavirement

  • soumaremohamed (H) 28/08/2015 20:21 X

    Me Taghioullah n’a insulté personne et n’a fait que répondre, PAR DES FAITS HISTORIQUES INCONTESTÉS, aux injures fausses et gratuites du colonel à l’endroit des populations de toute une région, aussi vaste que la France!! Ce faisant, le Colonel n’a fait que soulever la «jupe de Mariane», ce qui est dommage!! Merci Nasser de vous en prendre au colonel et, je pense, que tous les mauritaniens doivent faire la même chose!

  • hababa (H) 28/08/2015 19:44 X

    Qui sont ces noirs d'origine juive autochtone de la Mauritanie? Falsifier l'histoire, voila ce que vous tentez de faire avec votre tentative de reconciliation plein de nifaakh.