19-01-2016 00:00 - Dr Mariella Villasante : Le passé colonial et les héritages actuels en Mauritanie (1)

Dr Mariella Villasante : Le passé colonial et les héritages actuels en Mauritanie (1)

Adrar-Info - État des lieux de recherches nouvelles en histoire et en anthropologie sociale. Avant-propos : renouvellement de la recherche en Mauritanie.

• Le Passé colonial et les héritages actuels en Mauritanie se situe dans le cadre d’un effort collectif de renouvellement des thèmes, des perspectives et des concepts d’histoire et d’anthropologie en République Islamique de Mauritanie.

• J’ai consacré ma thèse (EHESS, 1995) à la question des relations entre l’ordre de la parenté et l’ordre politique dans la société bidân (hassanophone) à partir de l’étude de la confédération des Ahl Sidi Mahmud, depuis son émergence, à la fin du XVIIIe siècle, jusqu’à présent. La reconstruction de leur histoire a été contextualisée dans le cadre pré-colonial, colonial et étatique. La partie contemporaine a été publiée en 1998 [Parenté et politique en Mauritanie. Essai d’anthropologie politique. Le devenir contemporain des Ahl Sidi Mahmud, L’Harmattan].

• Depuis lors, nous avons commencé nos travaux collectifs autour de la question des formes extrêmes de dépendance, dont les résultats ont été publiés dans le livre Groupes serviles au Sahara. Approche comparative à partir du cas des arabophones de Mauritanie (Villasante dir., CNRS, 2000).

• Un projet éditorial plus ambitieux a concerné la publication du livre Colonisations et héritages actuels au Sahara et au Sahel (L’Harmattan, 2 vols.) en 2007, qui traitait sur plusieurs pays : Cap-Vert, Gambie, Libye, Mali, Maroc, Mauritanie et Sénégal.

Cependant, le livre est resté peu connu en Mauritanie et ailleurs. Pour cette raison, j’ai décidé de publier les chapitres portant sur ce pays dans une nouvelle publication, que je présente ici, en ajoutant un chapitre sur la question de l’esclavage contemporain écrit par Meskerem Bhrane, l’une des meilleures spécialistes du thème, déjà publié dans le livre Groupes serviles au Sahara.

L’Introduction publiée en 2007, co-signée avec Raymond Taylor, a été conservée dans la publication de 2014, car elle est indispensable pour situer le cas de la Mauritanie dans le contexte saharo-sahélien.

Présentation du livre

• Dans cet ouvrage collectif, nous proposons une analyse du passé colonial et des héritages actuels en Mauritanie à partir d’une distinction entre les questions de méthode (Première partie) et les interprétations des données d’histoire et d’anthropologie (Deuxième partie). L’horizon temporel couvre le XIXe siècle, le XXe siècle et le début du XXIe siècle.

• Les contributions sont le fait de chercheurs qui travaillent sur la Mauritanie depuis les années 1980 (Mc Dougall), et les années 1990 (Villasante Cervello, Taylor, Cleaveland, Bhrane, Acloque, El Bara, López Bargados). Nous comptons aussi avec la participation de deux collègues africanistes dont les travaux sur la période coloniale française en Afrique de l’ouest font autorité : Christopher Harrison et (feu) James Searing — il nous a quitté le 3 décembre 2012, alors qu’il était dans la force de l’âge et qu’il développait des beaux projets de recherche au Sénégal.

• Les études présentées sont riches d’informations historiques puisées dans les archives européennes et africaines, mais les sources contemporaines sont également présentes par le biais d’entretiens et de travaux de terrain. D’autre part, j’ai traduit un chapitre du castillan, et 8 textes sont traduits de l’anglais par Christophe de Beauvais, collaborateur principal de cet ouvrage. Nous voulions en effet diffuser des travaux novateurs et stimulants de collègues anglophones qui sont peu connus des chercheurs francophones, notamment en Mauritanie.

• Le livre comporte aussi un lexique des mots vernaculaires, et 78 images, dont plusieurs sont issues de la belle Collection Hamody [Mohammed Said ould Hamody nous a quitté en août 2015].

• Les reconstructions historiques du passé et les examens du présent, se fondent autant sur des sources d’archives et des entretiens que sur des analyses des discours, des idéologies et des stratégies politiques utilisées par les administrateurs coloniaux, puis appropriées et manipulées par les populations locales.

Dans notre livre Colonisations et héritages au Sahara et au Sahel (2007), nous avons montré qu’au cours de leur expansion, les puissances coloniales européennes partageaient des défis similaires et elles répondirent de manière comparable, en brandissant les idées de progrès social, de civilisation et d’amélioration des conditions de vie des Africains, légitimées à partir des théories de la « race ».

Cependant, des différences importantes dans les méthodes de colonisation concernèrent les puissances les mieux loties dans la répartition du continent, l’Angleterre et la France, et celles moins riches, l’Espagne et l’Italie.

• Nous espérons que cet ouvrage collectif pourra apporter des idées novatrices sur la colonisation et ses héritages en Mauritanie et pourra stimuler la recherche fondamentale, notamment chez les jeunes chercheurs, en remettant en question les héritages idéologiques et pratiques d’un monde jadis dominé par les idées de la « race », de l’imposition autoritaire du pouvoir sur des peuples considérés sauvages et arriérés, et de la célébration de la supériorité occidentale désormais obsolètes.

Le passé historique colonial reste un territoire sujet à des inventions et à des re-créations idéologiques, souvent à des fins de politique politicienne. En ce début de XXIe siècle le temps semble néanmoins venu de procéder à des analyses historiques et anthropologiques distancées, éloignées des visions orientalistes et néocoloniales encore en vogue en Mauritanie.

• Depuis 2013, nous avons entrepris un nouveau projet pour le renouvellement des connaissances sur la Mauritanie à partir de la publication d’un nouveau livre collectif portant sur une région délaissée dans les études mauritaniennes, la région du fleuve Sénégal.

Notre livre en cours porte ainsi sur L’histoire et politique dans la vallée du fleuve Sénégal. L’ancien régime et la modernité inachevée [12 chapitres, publication prévue en octobre 2016].

• Dans ce séminaire je vais présenter les apports les plus importants des chapitres du livre, et une brève présentation de ma contribution sur le thème de la « Négritude, tribalitude et nationalisme en Mauritanie. Des héritages coloniaux en matière de d’idéologie et de commandement » (Chapitre 14).

Perspective de travail [Introduction 2014 : 28-32]

D’une manière générale, cet ouvrage tente de remettre en question les catégories et les méthodes analytiques positivistes et nationalistes qui ont servi et qui servent encore à décrire et à interpréter le fait colonial français des XIXe et du XXe siècle, à partir d’une perspective qui place l’expansion impérialiste au centre de l’analyse.

La colonisation française et européenne en général ne saurait se comprendre à partir d’une vision limitée qui prétend pouvoir reconstruire le passé à partir des seules sources d’archives coloniales sans procéder au préalable à une critique de ces sources et à une analyse du langage et des discours des colonisateurs.

Les archives coloniales, tout comme les traditions orales ou les mémoires collectives, représentent plutôt des sources qui nous renseignent sur les idéologies et sur les discours des personnes qui écrivent ou qui parlent, et sur la manière dont elles se représentent les faits et, plus largement, le monde.

Le discours, le langage et la parole sont ainsi placés au centre de l’analyse en tant que produit dont la valeur se mesure par rapport aux autres mais aussi en tant qu’instrument de pouvoir car on peut agir avec des mots, ordres ou mots d’ordre (Bourdieu 1982, 1991).

Cette reconstruction ne saurait pas non plus se fonder sur la seule prise en compte des relations entre les anciennes puissances coloniales et les colonies, alors qu’en fait ces puissances, en cours de constitution à la fin du XIXe siècle, étaient étroitement reliées entre elles par une même idéologie impérialiste.

Étant bien entendu que l’impérialisme « signifie visée, installation et mainmise sur une terre qu’on ne possède pas, un territoire lointain ou d’autres vivent et qui leur appartient. Pour toutes sortes de raisons, cette perspective séduit certains et implique souvent pour d’autres des malheurs sans nom. » (Said 2000 : 41).

Ainsi, comme nous le savons, l’entreprise impérialiste était fondée sur l’idée largement partagée en Europe de la fin du XIXe siècle de la supériorité de la civilisation occidentale et de la « race blanche » sur toutes les autres civilisations et « races » du monde (Anderson 1983 : 150, Arendt 1951, Hobsbawm et Ranger 1983, Said 2000).

Cependant, si cette expansion impérialiste fait partie de l’histoire européenne, notre perspective privilégie le point de vue et l’histoire des sociétés sahariennes et sahéliennes.

C’est l’histoire africaine qui nous intéresse au premier chef et c’est pour la mettre en lumière que nous nous intéressons à l’histoire des puissances européennes présentes au Sahara et au Sahel, dont la France en Mauritanie.

Deux autres idées générales ont guidé notre travail. D’abord celle qui considère que l’ère du grand impérialisme classique, étudiée notamment par Hobsbawm (1990), qui s’est terminé officiellement après la Seconde Guerre mondiale, continue à exercer son influence politique, économique, sociale et culturelle sur l’époque actuelle postcoloniale.

La seconde idée tient compte de la thèse de l’invention des traditions de Hobsbawm et Ranger (1983) dans l’analyse du fait colonial africain et qui fait référence à la création, par les administrateurs coloniaux, de nouveaux référents de commandement politique à partir de la codification de « traditions » locales, processus qui impliqua également l’influence « en retour » de ces traditions dans les inventions européennes en Afrique (Spear 2003, Willis 2005).

« Les colonies françaises ». Couverture de cahier scolaire, vers 1900

Expansion impérialiste, héritages postcoloniaux et invention des traditions

Précisons à présent ces idées générales. Nous savons que l’occupation coloniale de l’Afrique a transformé de manière profonde et irréversible les sociétés, les systèmes de pouvoir, les échanges, les idéologies et les représentations du monde des Africains.

En ce sens, si le terme « colonisation » est utilisé de manière indistincte pour parler de toutes sortes d’occupations des territoires habités, de soumission des populations par la force des armes, et d’installation des pouvoirs étrangers, l’expansion impérialiste européenne de la fin du XIXe siècle représente un fait historique inédit, distinct des expansions coloniales ibériques des XVI-XVIIIe siècles aux Amériques, qui le rend singulier dans l’histoire du monde.

Cette singularité tient au premier chef à la nature nouvelle des objectifs politiques d’expansion outre-mer des États-nations modernes en voie de constitution (Hobsbawm 1990) qui voyaient dans le continent africain un marché ouvert pour les biens manufacturés qu’elles commençaient à produire, un lieu où envoyer leurs populations sans travail et sans terres, et enfin des populations africaines dont la main d’œuvre pouvait être exploitée ou utilisée comme soldats dans les guerres d’Europe.

Des objectifs politiques qui étaient légitimés et justifiés par le discours colonial sur le « progrès social » et le « rôle civilisateur » des puissances européennes en Afrique.

À la fin du XIXe siècle, comme le notait Hannah Arendt (1951, 1982 : 15), « l’expansion en tant que but politique permanent et suprême [était] l’idée clé de la politique impérialiste.

Parce qu’elle n’implique ni pillage temporaire ni, en cas de conquête, assimilation à long terme, c’était là un concept politique absolument neuf dans les annales de la pensée et de l’action politiques. »
Arendt précise néanmoins que le concept d’expansion « prend ses racines dans le domaine de la spéculation marchande, où l’expansion signifiait l’élargissement permanent de la production industrielle et des marchés économiques qui a caractérisé le XIXe siècle. ».

Le processus d’expansion impérialiste européen se caractérise ainsi par la combinaison nouvelle des besoins d’expansion économique dans le cadre du capitalisme industriel naissant, des besoins en matières premières et en nouveaux marchés pour les produits manufacturés, dans un cadre marqué par l’essor des classes bourgeoises qui accompagna l’essor des États-nations modernes.

L’imposition politique impérialiste se fonda sur la violence extrême des conquêtes des nouveaux territoires et des populations considérées comme racialement inférieures, ce qui relativisait la valeur de leurs vies et, après les « pacifications », sur un contrôle administratif dans lequel « l’arrogance était vouée à s’ériger en mode de gouvernement » (Arendt 1982 : 23).

Il serait illusoire de croire que cette période qui s’est terminée officiellement il y a seulement une cinquantaine d’années ne pèse plus dans la vie politique, économique, sociale et culturelle des Africains. Les héritages sont en effet nombreux, ainsi que les manipulations dont ils font l’objet de la part des Africains dans notre temps postcolonial.

Le terme postcolonial [ou post-colonial] explicite ici l’importance des héritages de la colonisation européenne en Afrique dans le temps présent, mais aussi l’actualité de la relation de dépendance politique, économique et culturelle qui associe toujours les anciennes puissances coloniales et les nouveaux États-nations africains en voie de constitution.

Le sens premier du terme postcolonial peut se résumer dans la phrase de William Faulkner[1] qui écrivait sur l’Amérique du sud : « Le passé n’est pas mort. Ce n’est même pas du passé. » Comme nous le savons, les études postcoloniales se sont développées dans le contexte littéraire anglo-saxon, en remettant en question l’influence de la culture coloniale impérialiste au cœur des œuvres majeures de la littérature — et dont le travail de Edward Said représente l’un des meilleurs exemples.

Cependant, ces études concernent désormais les disciplines sociales qui s’intéressent autant à l’histoire qu’aux analyses des discours coloniaux. De même qu’en littérature, la perspective postcoloniale en histoire et en sciences sociales souligne les traits de métissage, de mélange, d’hybridité et de multiculturalisme issus du passé colonial et qui restent d’actualité aujourd’hui (Rushdie 1991, Said 2000).

L’invention des traditions africaines

Les héritages coloniaux sont également manipulés par les Africains, en particulier les élites gouvernantes. Ainsi, ce qu’on appelle de nos jours des « traditions africaines » (de commandement, de hiérarchies sociales, de contrôle des terres) furent en fait inventées par les administrateurs au sens où ils ont construit, fixé et codifié des traditions ou des coutumes flexibles en prescriptions contraignantes tout à fait nouvelles (Ranger 1983 : 212).

Dans ce cadre, il est intéressant de noter avec Ranger que certains secteurs des populations africaines s’approprièrent ces nouvelles règles, synthèse du passé et du présent colonial, et les manipulèrent sous l’étiquette de « traditions » dans le dessein de conserver leurs privilèges.

Privilèges d’abord des anciens sur les jeunes (pour défendre leur dominance de la terre) ; ensuite des hommes sur les femmes (pour que le rôle de ces dernières dans la production agricole n’implique pas une perte du contrôle des hommes) ; puis des chefs sur les sujets (pour garder leur pouvoir) ; et enfin des populations locales sur celles étrangères (pour qu’elles ne revendiquent pas des droits économiques ou politiques) Ranger (1983 : 253 et sqq.).

Récemment un groupe d’universitaires anglo-saxons a étudié les limites du pouvoir colonial dans l’organisation de la culture politique africaine. En prenant pour point de départ le concept « d’invention de la tradition » de Ranger, des historiens comme Thomas Spear et Justin Willis ont décrit la rencontre coloniale comme une forme dialogique entre différentes traditions qui étaient à la fois fluides et profondément enracinées.

Cette rencontre, bien qu’asymétrique, imposa sa logique autant chez les colonisateurs que chez les colonisés. Ainsi, Spear[2] note : « Si les administrateurs coloniaux cherchaient à tourner à leur avantage l’illusion de l’autorité traditionnelle, leur gouvernance était limité par le besoin de ces mêmes autorités de maintenir leur légitimité.

L’autorité traditionnelle n’aurait pas pu être simplement inventée si elle n’avait pas été efficace et si elle n’était pas entrée en résonance avec les valeurs des populations. Elle dut plutôt émerger du discours de la tradition, et dès que les administrateurs coloniaux acceptèrent la souveraineté du discours traditionnel, ils y furent également assujettis… ».


Ce dialogue requérait de l’inventivité de part et d’autre pour modeler les rhétoriques qui jetteraient des ponts entre les frontières d’un discours qui les divisait, et dans le même temps soumettait l’invention à une discipline née du besoin pratique de communiquer, de motiver, et de persuader [Taylor a].

Développant cette observation, Justin Willis[3] utilise l’expression de « créolisation de l’autorité » pour rendre compte de la tendance des administrateurs coloniaux à incorporer dans l’appareil conceptuel de leur propre gouvernance, le vocabulaire et les catégories de la société colonisée.

Le résultat de ce processus est un discours hybride sur l’autorité qui ne renvoie ni aux colonisateurs ni aux colonisés, mais qui accommode l’évolution de nouvelles institutions. Les exemples de Willis concernent les cours de droit coutumier de l’Afrique britannique et le vaste pouvoir détenu par les chefs des groupes nomades.

Son paradigme s’appliquerait également aux émirs guerriers étudiés par Taylor [a et b], dont le rôle constamment changeant dans la société précoloniale acquit l’aura d’une tradition stable sous l’équivalent français de l’indirect-rule en Mauritanie, ou encore aux « marabouts » entreprenants du Sénégal colonial qui émergèrent de la période de transition décrite par James Searing[4].

Ainsi, Hobsbawm et Ranger avaient suggéré, d’une part, que les colonisateurs importèrent en Afrique des traditions européennes complètement nouvelles (l’État-nation territorial en particulier), et, d’autre part, qu’en codifiant et en fixant des traditions africaines fluides et changeantes, ils inventèrent des référents nouveaux, qui furent inclus dans le cadre du « passé traditionnel » pour pouvoir être respectés.

Il est intéressant d’ajouter désormais, en suivant Spear et Willis, la perspective dialectique qui caractérise ces processus d’échanges entre les Européens et les Africains et qui souligne l’influence des « traditions africaines » dans les politiques coloniales ; mais en gardant à l’esprit aussi que les administrateurs avaient été eux-mêmes transformés par leurs expériences africaines (Ranger 1983, Anderson 1983, Klein 1998).

Dans ce cadre, les représentations qu’avaient les Africains de leurs propres institutions influencèrent directement la politique coloniale ; et dans ce processus de dialogue interculturel les interprètes bilingues et d’autres informateurs issus des élites locales jouèrent un rôle crucial en tant que « passeurs de la tradition » [Taylor a].

Enfin, si les « traditions africaines » reconstruites et fixées durant la période coloniale constituent un référent du passé historique des populations africaines, en même temps qu’un thème de recherche fondamental, après le XXe siècle, il faut aussi tenir compte du rôle des écoles coloniales dans la création de nouvelles « traditions modernes ».

Nous savons en effet que l’expansion de l’État colonial impliqua la création des « écoles des chefs », bilingues, dans les territoires coloniaux britanniques et français (Anderson 1983 : 116, Ranger 1983), et les meilleurs élèves étaient envoyés dans les métropoles, comme le faisaient également les Espagnols et les Italiens.

On peut donc avancer que l’introduction de la culture occidentale, et des langues occidentales chez les élites politiques africaines, qui devinrent bilingues, transforma radicalement le processus d’échange entre les « traditions africaines » et les idéologies de commandement des Européens.

Désormais les élites africaines, qui après avoir été des « indigènes » étaient devenues « nationales », allaient manipuler les « traditions » doublement transformées — par les informateurs et par les administrateurs — dans le dessein de conserver leurs privilèges et leurs prérogatives.

[Dans cette introduction] nous proposons quelques traits d’histoire et d’analyse conceptuelle qui nous serviront à mieux contextualiser notre ouvrage ; nous aborderons ainsi le contexte de l’expansion européenne, les réponses des Africains à l’occupation, les stratégies d’affirmation du contrôle colonial et enfin les héritages contemporains dans le cadre de la mondialisation et de la construction des États-nations.

Table de matières

Liste des photos, des gravures, des cartes postales et des cartes

Note sur la transcription et sur les choix éditoriaux

Lexique des mots vernaculaires

Préface, par Mariella Villasante Cervello

Introduction, par Raymond Taylor et Mariella Villasante Cervello

Première Partie : Problèmes conceptuels et de méthode

Chapitre 1 : Mariella Villasante Cervello (a)

Quelques réflexions sur le devenir des catégories coloniales de classements collectifs : races, tribus et ethnies. La question des identités sociales élargies et restreintes

Chapitre 2 : Christopher Harrison (a)

La fabrication de la notion d’islam noir. Les travaux des administrateurs-ethnographes, Clauzel, Delafosse, Marty
Chapitre 3 : James Searing

De la politique islamique française à l’histoire wolof.

Problèmes méthodologiques de l’étude de l’ordre mouride sûfî au Sénégal

Chapitre 4 : Raymond Taylor (a)

Le langage d’autorité politique et ses traductions en Mauritanie coloniale. Rois, chefs et émirs dans la région de la gebla (sud-ouest), XIXe siècle

Chapitre 5 : Ann E. McDougall

« Si un homme travaille, il doit être libre » Les serviteurs hrâtîn et le discours colonial sur le travail en Mauritanie

Chapitre 6 : Alberto López Bargados

Ordres controversés : le système statutaire bidân dans les discours coloniaux français et espagnols

Chapitre 7 : Mariella Villasante Cervello (b)

Les producteurs de l’histoire mauritanienne. Heurs et malheurs de l’influence coloniale dans la re-construction du passé de la société mauritanienne

Deuxième Partie : Le passé colonial et les héritages dans la période contemporaine

Chapitre 8 : Yahya Ould el-Bara

Les réponses et les fatâwâ des érudits Bidân face à l’occupation française en Mauritanie (fin XIXe-XXe siècles)

Chapitre 9 : Christopher Harrison (b)

La peur européenne de l’islam. Coppolani et la pacification de la Mauritanie

Chapitre 10 : Raymond Taylor (b)

Les frontières coloniales et leur imposition dans la vallée du Sénégal, 1855-1871. Bouleversements des hiérarchies politiques et statutaires

Chapitre 11 : Timothy Cleaveland

Changements identitaires, émigration et colonialisme à Walâta, cité ancienne

de Mauritanie. L’histoire politique des Lemhâjîb (XVII-XXe siècles)

Chapitre 12 : Benjamin Acloque

L’idée de frontière en milieu nomade : héritage, appropriation et implications politiques actuelles (Mauritanie, Sahara occidental)

Chapitre 13 : Meskerem Bhrane

Histoires de Nouackhott : discours des hrâtîn sur le pouvoir et l’identité

Chapitre 14 : Mariella Villasante Cervello (c)

Négritude, tribalitude et nationalisme en Mauritanie. Des héritages coloniaux en matière d’idéologie et de commandement

Les Auteurs, Remerciements

Première Partie Problèmes conceptuels et de méthode

• Dans le premier chapitre (Villasante a), j’ai analysé le devenir des catégories coloniales de classements collectifs : « les races, les tribus et les ethnies », qui légitimèrent l’esclavage africain d’abord, puis l’expansion coloniale.

J’ai proposé également que le flottement qui caractérise l’emploi des termes « ethnie » et « tribu » dans la production anthropologique française est associé à la persistance des idées coloniales dans les travaux de certains spécialistes.

Après avoir présenté une critique de certains travaux des auteurs « orientalistes », qui reprennent à leur compte les données coloniales, j’ai examiné les héritages des classements coloniaux et leurs manipulations au sein des élites mauritaniennes.

A suivre …./

LE PASSÉ COLONIAL ET LES HÉRITAGES ACTUELS EN MAURITANIE État des lieux de recherches nouvelles en histoire et en anthropologie sociale

Sous la direction de Mariella Villasante Cervello Avec la collaboration de Christophe de Beauvais Séminaire au Centre Jacques Berque Rabat le 12 janvier 2015 Dr Mariella Villasante Cervello [academia.edu]

[1] Faulkner, cité par Derek Gregory, The Colonial Present, 2004 : 6.

[2] Thomas Spear, Neo-Traditionalism and the Limits of Invention, Journal of African History, 44, 3 (2003) : 13-14

[3] Justin Willis, The Creolization of Authority in Condominium Sudan, Journal of African History, 46 (2005) : 29-50.

[4] James Searing, Civil War and Conquest : Monarchy and Islam in Kajoor, 1859-1890, God Alone is King, Portsmouth, Heinemann, 2002 : 29-74.



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Commentaires (2)

  • Josefina de la Barra (F) 20/01/2016 11:21 X

    Selon Edward Said (1978, 1997 : 15), l'orientalisme est un style de pensée fondé sur une distinction ontologique entre l'Occident et l'Orient, qui se manifeste le plus souvent par un traitement des sociétés non-occidentales comme si elles étaient « exotiques », c'est-à-dire foncièrement distinctes des sociétés occidentales. Né de l'expansion coloniale, l'orientalisme implique aussi, bien évidemment, un style occidental de domination, de restructuration et d'autorité sur l'Orient. MVC

  • moukhabarat (F) 19/01/2016 00:17 X

    Pourriez-vous nous rappeler ce que Edward Said avait dit de l'orientalisme?