20-11-2018 07:45 - CAN 2019. Martins : « Ma plus belle émotion… »

Le Télégramme - Le Brestois Corentin Martins a mené dimanche la Mauritanie, pour la première fois de son histoire, à la qualification en Coupe d’Afrique des nations. Le sélectionneur des Mourabitounes, qui vit entre Toulouse et la Mauritanie, raconte son expérience et l’ambiance qui règne dans ce pays d’Afrique de l’ouest.
Quelle est l’ambiance en Mauritanie depuis dimanche ?
Jusqu’à 5 h du matin, les rues étaient pleines de voitures, de klaxons, de drapeaux, c’était une ambiance incroyable. Déjà que les Mauritaniens ne dorment pas beaucoup, mais là…
Et au stade ?
Comme c’était au petit stade (car le grand est en réfection), il devait y avoir 9 000 personnes, mais il était plein. Deux heures avant, les gens étaient là, il y avait vraiment une belle ambiance et le scénario qui va avec. En étant menés 1-0 au début, on a renversé la vapeur dans les dix dernières minutes.
Ce match face au Botswana devait être LE sujet de discussion des Mauritaniens avant ce match décisif, non ?
Bien sûr. Et ce n’était pas facile à préparer pour mon équipe, qui est à la fois jeune et a peu de vécu de ce genre de situation. Il y avait beaucoup d’attente, tout le peuple mauritanien était accroché à cette qualification. Donc avant le match, j’avais dit aux joueurs de gérer leurs émotions, dans la relation entre le cœur et la tête. La tête devait vraiment prendre le dessus, pour rester calme. Ce qu’on a fait. Malgré le premier but, on a eu le monopole du ballon et on s’est créé beaucoup d’occasions.
La ferveur est-elle conforme à l’idée qu’on peut s’en faire d’une qualification historique ?
Ah oui ! C’est le sport le plus populaire dans le monde, encore plus en Afrique. Autant, il y a un an ou deux en Mauritanie, les gens ne s’intéressaient pas trop au foot. Autant ces derniers temps, avec la qualification à portée de main, ils ne parlaient plus que de ça ! Il fallait d’ailleurs lutter, parce qu’ils pensaient que c’était déjà fait, ils nous félicitaient d’aller à la CAN avant d’avoir joué, il fallait mettre en garde les joueurs que ce n’était pas fini.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ou touché ?
C’est simple : c’est l’événement sportif qui m’a le plus ému, avec la remontée de Brest en Ligue 1 (2010), en tant que dirigeant. Là, en tant que coach, en rentrant quelque part dans l’histoire car c’est une première d’aller à la CAN, j’ai été touché par les proportions que ça peut prendre. J’ai vu des dirigeants, des joueurs pleurer ! C’est fantastique, c’était beau.
Pourtant, vous avez connu l’équipe de France, un doublé coupe-championnat avec Auxerre…
Oui, mais ce sont des choses différentes parce que sur le terrain on est acteur, on est à fond dans le truc. Quand on est dirigeant ou entraîneur, on est un peu impuissant. On a façonné une équipe, et on espère qu’elle va répondre présent mais on a un petit peu d’incertitude. Mais, c’est surtout les émotions qu’on procure au public, aux gens qui nous soutiennent.
Personnellement, la reconnaissance des Mauritaniens doit être immense envers vous ?
(il rit) Quand ça se passe bien, on est le héros, le meilleur, quand on commence à avoir de mauvais résultats, c’est tout l’inverse… Je prends les choses comme elles viennent. Je savoure, on savoure… On était dans un groupe, avec l’Angola, le Burkina et le Botswana, on était le petit poucet, la seule équipe qui n’a jamais joué la CAN. C’est une sacrée performance qu’on a réalisée. On a gagné quatre matchs sur cinq (la Mauritanie jouera un dernier match au Burkina le 22 mars).
Les gens vous reconnaissent-ils davantage dans les rues de Nouakchott ?
Quand je suis arrivé (en 2014), les gens me connaissaient par Auxerre, ils m’avaient vu à la télé. Mais depuis quelque temps, oui, ils sont plus nombreux à me reconnaître, ils me voient plus à la télé avec la sélection.
Vous êtes sélectionneur de la Mauritanie depuis 2014. Etait-ce prévu de rester aussi longtemps sur ce banc alors que, généralement, les étrangers sont de passage sur les bancs africains ?
Je n’ai aucun plan de carrière, c’est un peu en fonction des opportunités. Je vais là où le football m’emmène. Ce n’est pas une citation de moi (sourire), je crois même qu’elle a été reprise par Bielsa et Pochettino. J’avais deux objectifs sur mon premier contrat en Mauritanie : les qualifications pour la CHAN (championnat d’Afrique des nations), avec les joueurs locaux, et pour la CAN. Dans la course à la CHAN, on a été éliminés par le Mali, le futur vice-champion. Et pour la CAN, on a terminé deuxième de notre groupe, derrière le Cameroun et devant l’Afrique du Sud. Mais il n’y avait qu’un qualifié à ce moment-là… et le Cameroun a remporté la CAN ensuite. Donc on n’a pas eu de chance. Mais en discutant avec le président, je lui ai dit que je sentais qu’on n’avait pas complètement fini le travail, je sentais que s’il y avait une prolongation du contrat, on avait la possibilité de s’améliorer, d’atteindre nos objectifs. Je suis content, parce qu’on ne s’est pas trompé. Et je suis fier et reconnaissant envers le président, c’est rare qu’un sélectionneur fasse plus de deux ans en Afrique…
Vous serez sur le banc à la CAN (15 juin - 13 juillet 2019) ?
Je suis sous contrat jusqu’en décembre… (sourire) Donc on va discuter avec le président. On a déjà eu des discussions, il m’avait dit que si j’étais d’accord, il souhaitait poursuivre avec moi. Je ne suis pas contre, encore une fois je prends du plaisir avec ce groupe, j’ai une bonne relation avec les dirigeants, je suis content quand je viens en Mauritanie et je suis plutôt quelqu’un de fidèle. Maintenant, il faut qu’on tombe d’accord.
Vous avez été responsable du recrutement, à Brest, vous êtes désormais entraîneur. Qu’est-ce que vous préférez, à choisir ?
Quand j’ai quitté Brest, c’était un peu en fonction des possibilités. J’ai aimé avoir la responsabilité du recrutement à Brest mais c’est vrai que j’ai retrouvé sur le banc l’adrénaline que j’avais quand j’étais joueur. On n’est pas sur le terrain, mais vraiment très proche. Il y a plus de tension. Mais c’est intéressant, surtout quand on parvient à faire jouer son équipe comme on le souhaite. Donc oui, aujourd’hui, je poursuis dans la voie d’entraîner, j’ai mon BEPF en plus, ce qui n’était pas le cas quand j’étais à Brest. Ma priorité, c’est le banc. Je prends mes marques.
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