01-12-2018 07:00 - Troisième mandat: Aziz clôt le débat

Troisième mandat: Aziz clôt le débat

Le Calame - Pour Avril 2019, la Mauritanie devrait échapper au phénomène arbitraire et pathologique de la manipulation constitutionnelle visant à adapter la loi fondamentale à la situation personnelle des dictateurs en fin de mandat et frappé par le principe de l’alternance.

Présent à Walata, mardi 20 Novembre, pour la célébration de la 8èmeédition du Festival des Villes Anciennes de Mauritanie (FVAM), le président Mohamed ould Abdel Aziz s’est à nouveau exprimé par sur le sujet. Question timing, cette sortie, évoquant l’impossibilité constitutionnelle de sa candidature en 2019, est notée à quatre mois de l’échéance présidentielle.

Mais, au-delà de la bataille qui pointe à l’horizon, le chef de l’Etat a levé un coin de voile sur ses intentions et sa stratégie, bâtie autour de la possibilité de reprendre « son » fauteuil, dès qu’il y sera à nouveau autorisé, selon sa propre lecture de la loi fondamentale, par les dispositions de celle-ci.

« Non, je ne suis pas candidat à un troisième mandat. Je suis sensible à tous les appels, j’écoute tout le monde. Notamment, bien sûr, mes partisans qui appellent à mon maintien au pouvoir. Mais il y a aussi ceux qui exigent une limitation des mandats.

De toutes les façons, je suis là pour respecter et faire respecter la Constitution du pays. Elle limite à deux le nombre de mandats du président de la République. Mais je vais continuer mon engagement en faveur de la Mauritanie et à faire de la politique. Je resterais ici, au pays, sur la même voix… »,
avant d’embrayer, aussitôt : « et dès que la Constitution me permettra de me présenter, je le ferai à nouveau. Si je ne peux me représenter maintenant, pour un troisième mandat, ce sera possible plus tard. La Constitution ne me l’empêche pas ».

Pas de troisième mandat avant 2024 ou… à jamais ?

Réagissant à cette nouvelle sortie du président de la République, le professeur Lô Gourmo, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP-opposition), spécialiste en Droit, accueille positivement la première partie du discours : « Le Président admet, désormais sans fioritures, ne pouvoir se représenter à un troisième mandat, en ce qui concerne la prochaine présidentielle. Il va donc quitter le pouvoir ».

Mais en ce qui concerne le projet d’un hypothétique retour aux affaires, l’éminent juriste invite le chef de l’Etat à revoir sa lecture de la loi fondamentale : « L’ajout, comme pour consoler ses soutiens, orphelins de ce troisième mandat, qu’il peut se représenter « plus tard », est une interprétation insolite d’une disposition constitutionnelle claire et nette.

Il y a, certes, de nombreuses variantes, dans le monde, du système limitant les mandats qu’un chef d’Etat peut exercer. En fonction de leur caractère successif, par exemple. En France, l’article 6 de la Constitution dispose ainsi que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Cela autorise donc qu’on puisse se représenter autant de fois qu’on veut à une élection présidentielle, à la seule condition que les deux mandats antérieurs aient débouché sur l’exercice du pouvoir par un autre président. Il faut une pause interrompant la consécutitivité des mandats au-delà du second et qui remette, en quelque en sorte, le compteur des mandats à zéro, pour l’ancien président.

Il pourrait alors se présenter, pour un nouveau bail de deux mandats, et l’obtenir, pour peu que son successeur ait le bon esprit de lui céder la place, « démocratiquement » parlant, bien sûr (à la Poutine ou non)… nouveau cycle impérativement conclu, lui aussi, par l’avènement d’un autre candidat, et ainsi de suite.

« C’est ce système dont parle le président Mohamed Abdel Aziz… », poursuit Lô Gourmo, avant d’ajouter, aussitôt : « et qu’il confond avec le nôtre. Le cas de la Mauritanie est en effet radical : deux mandats et tout est fini, pour toujours.

Appuyant le fameux article 28 de la Constitution mauritanienne (voir encadré ci-contre), l’article 99 dit, en effet, que « le mandat du président de la République est de cinq ans, renouvelable une seule fois ». Nulle mention de consécutivité : après deux mandats, consécutifs ou non, le Président est rendu à sa vie de citoyen, frappé définitivement d’inéligibilité à la présidence de la République.

Non pas qu’il lui soit interdit de servir son pays, bien sûr, mais, définitivement éloigné de la fonction présidentielle, il lui faudra choisir une autre voie. En Mauritanie, pas de scénario à la Poutine, donc. Autrement, ce serait un coup d’Etat. Un de plus.

Au final et au constat de si divergentes lectures de la loi fondamentale, on peut juste se demander si le débat, sur un troisième mandat anticonstitutionnel de l’actuel locataire du Palais de la République, clos pour 2019, n’ait été simplement différé… jusqu’en 2024.

AS

Encadré

La disposition constitutionnelle qui règle la question

L’article 28 de la Constitution mauritanienne de Juillet 1991, amendée, par voie référendaire, le 25 Juin 2006, affirme que « le président de la République est rééligible une seule fois ». L’article 29 ajoute : « Avant de rentrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes : je jure, par Allah l’Unique, de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la Constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national.

Je jure, par Allah l’Unique, de ne point prendre ni soutenir directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat du président et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution ».


Les modifications introduites dans la Constitution du 20 Juillet 1991, grâce à la consultation référendaire du 25 Juin 2006, furent le fruit d’une large concertation, impliquant de nombreuses parties prenantes. D’où l’adoption d’un nouveau contrat social dont la vertu cardinale est de fixer une frontière infranchissable.



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Commentaires (6)

  • medabdul (H) 02/12/2018 16:07 X

    ECOUTEZ faut pas nous bassiner,la constitution d'une république que la notre elle est taillable et modifiable a souhait:le prochain président élu en 2019 sur proposition d'une assemblée UPR a 90% sera modifiée a très bon escient

  • lass77 (H) 02/12/2018 14:14 X

    Quand je lis l'encadré , cela me fait peur. Donc tout le monde a vu qu'Aziz a juré par deux fois L’article 28 de la Constitution mauritanienne de Juillet 1991, amendée, par voie référendaire, le 25 Juin 2006, affirme que « le président de la République est rééligible une seule fois ». L’article 29 ajoute : « Avant de rentrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes : je jure, par Allah l’Unique, de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la Constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je jure, par Allah l’Unique, de ne point prendre ni soutenir directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat du président et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution ». En tout état de cause Aziz a t-il regné pendant dix ans dans le respect de ce serment ??? Pour quelqu'un qui ne traite pas les mauritaniens de la meme manière, c'est mal barré.

  • jahil (H) 01/12/2018 16:43 X

    C’est pourtant Dr Jekyll alias Lô Gourmo Professeur spécialiste en Droit, et Mr Hyde alias Lô Gourmo Vice-Président de l’UFP, qui déclaraient, à la veille de la révision constitutionnelle du CMJD en 2006, à leurs étudiants dans un amphithéâtre archi-comble :

    1/ « Les verrous entourant le principe de l'alternance posent problème en martelant : " Nous comprenons que parce que tous les pouvoirs antérieurs ont abusé qu'on veuille limiter les mandats, mais nous sommes contre la sacralisation car c'est le peuple qui décide souverainement »

    2/ « Sur le plan juridique, il est impossible de dire, telle disposition ne peut être changée car, en la matière, il n'y a pas de supra légalité. ».

    Jahil

  • Samaa Guis-Guis (H) 01/12/2018 10:36 X

    Aziz à une seule certitude dans sa tête, qu’il quittera le pouvoir et ne reviendra jamais du reste de sa vie, il doit se préparer à dire adieu à ses mauvaises habitudes depuis 10 ans au pouvoir, d’ailleurs pire, Aziz quittera aussi le pays obligatoirement ou ira en prison, il aura le choix entre les deux. Les mauritaniens esclavagistes ont beaucoup aimé sa façon de gouverner dans le cadre de l’esclavage, le tribalisme, le communautarisme, l’exclusion des noirs dans les affaires et la séparation des gens, mais les mêmes esclavagistes l’accuseront d’être à l’origine de leur malheur et qu’il devra payer, ils feront tout pour lui faire endosser toutes les responsabilités néfastes de la vie des mauritaniens, Aziz s’aura le jour de son départ qu’il ne reviendra plus jamais au pouvoir, même avec un coup d’état et il rendra compte de ce qu’il lui est reproché, ces juges affutent leurs arguments, il doit avoir de bons avocats et c’est ma vision, ils ne seront pas juste avec lui, comme lui il a été injuste avec d’autres.

  • jahil (H) 01/12/2018 09:13 X

    En supplantant le Professeur Lô Gourmo, spécialiste en Droit, Lô Gourmo, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP-opposition), a tout faux.

    1/ La limitation des mandats du Président de la République est fixée par la Constitution ainsi qu’il suit : « Article 28 : Le Président de la République est rééligible une seule fois. ».

    2/ Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a dit :

    a) « Non, je ne suis pas candidat à un troisième mandat………….. »

    b) « De toutes les façons, je suis là pour respecter et faire respecter la Constitution du pays. Elle limite à deux le nombre de mandats du président de la République……. »

    c) « et dès que la Constitution me permettra de me présenter, je le ferai à nouveau. Si je ne peux me représenter maintenant, pour un troisième mandat, ce sera possible plus tard. La Constitution ne me l’empêche pas »

    3/ L’article 28 ne parle ainsi que du Président de la République qui ne peut être réélu qu’une fois.

    Il n’est ainsi question que du Président de la République et nullement d’un ex-Président de la République.

    4/ En 2024 ou delà, le citoyen Mohamed Ould Abdel Aziz, ex-Président de la République, pourra donc se porter candidat à la Magistrature Suprême.

    5/ La révision de la Constitution française du 23 juillet 2006, dont la nôtre s’est largement inspirée, a limité le nombre de mandats présidentiels successifs. On prête pourtant à François Hollande, ex-Président de la République française, l’intention de briguer un retour à l’Elysée en 2022,

    6/ Seule la Constitution des USA interdit à vie la réélection d’un Président qui a exercé deux mandats. Son Amendement 22 dans sa Section 1, est net et précis en disant :

    « Nul ne pourra être élu à la Présidence plus de deux fois, ……. »

    Jahil

  • El Houssein (H) 01/12/2018 07:49 X

    Le Président Aziz a bien indiquait qu'il ne se se représentera que si la constitution le lui permettra. Si la constitution est modifiée par son successeur sur exigence des parlementaires (la majorité), il pourra aisément se représenter sans être le responsable direct du coup d''état institutionnel. Ainsi la constitution sera à la portée du goût du dernier arrivant. Cette dynamique institutionnelle est bien soutenue par un bon nombre de citoyens et même d'institutionalistes.